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Willy Peers Médecin, défenseur de la dépénalisation de l'avortement
Kain 17.03.1924 - Namur 30.11.1984 |
Ce texte est extrait de
l'ouvrage
Cent Wallons du siècle
Institut Jules Destrée,
Charleroi, 1995
Index |
Willy Peers achève ses études secondaires en
pleine Seconde Guerre mondiale. Engagé comme résistant, il est pris comme otage par
l'Occupant; une fois la paix revenue, il est atteint par la tuberculose (1946) à une
époque où l'on n'avait pas encore découvert la streptomycine. En raison de ces
circonstances dramatiques, le jeune Peers aborde la médecine d'abord du côté du malade
puis du côté médical. En effet, malgré six années d'interruption, il reprend des
études, en médecine. On peut aussi trouver dans ces deux événements l'explication de
sa faculté d'écoute et de sa grande disponibilité envers les patients.
Au début des années '50, le jeune médecin
parcourt la Belgique et multiplie les conférences sur le thème de l'accouchement sans
douleurs. Peers préfère d'ailleurs parler d'accouchement sans craintes. Son but consiste
à rendre à la femme sa dignité et à lui permettre d'enfanter dans les meilleures
conditions physiques et psychologiques possibles. Installé à Namur, il pratique la
contraception. L'Ordre des médecins n'apprécie guère des conférences sur un tel sujet
et sanctionne Peers (1955). De nouveaux problèmes surgissent dans les années 60 :
l'autorité médicale de l'établissement où il exerce comme gynécologue l'accuse de
donner trop facilement des prescriptions contraceptives et de pratiquer, aussi trop
facilement, la stérilisation des femmes qui lui en fon la demande. En conséquence, il
est suspendu de ses fonctions de médecin pendant six mois et son affectation au
laboratoire de l'établissement lui est retirée (1965). Ayant porté l'affaire devant le
Conseil d'Etat, Willy Peers obtient gain de cause et est réintégré dans ses fonctions.
Willy Peers voulait ainsi démontrer "à quel point il est difficile d'avoir des
informations sur la contraceptions" et souligner "le retard de la
législation belge dans ce domaine".
Mais c'est le 16 janvier 1973 qu'éclate l'Affaire
Peers : le gynécologue est arrêté sur dénonciation anonyme pour avoir procédé à
l'avortement d'une jeune fille de 27 ans, débile mentale. Or l'avortement est interdit
par une loi de 1867. Incarcéré pendant 34 jours, Willy Peers défend un triple combat :
l'introduction de la méthode de l'accouchement sans douleur, la lutte en faveur de la
contraception moderne et de la modification de la législation. Le soutien au médecin est
impressionnant. Pour sa défense, Willy Peers invoque le respect de la vie et de la
personne humaine; il disait aussi ne pouvoir tolérer que des femmes soient mutilées ou
meurent des suites d'un avortement clandestin.
L'emprisonnement d'un médecin qui exerce sans
esprit de lucre et dans des conditions maximum d'hygiène a le mérite de poser clairement
le problème de la dépénalisation de l'avortement, en discussion au Parlement depuis
1971 et qui le sera encore pendant 20 ans.
Directeur du service gynécologique et obstétrique
de la Maternité provinciale de Namur, Willy Peers, médecin communiste, était aussi
chargé de conférences à l'Ecole d'Infirmières et maître de stage à l'ULB. Après sa
mort, la Cour de Cassation donnera raison au docteurs Peers, en annulant toutes les
décisions prises contre lui, du fait qu'aucun débat n'a été public.

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