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Georges
Truffaut Homme politique
Liège 22.12.1901 - Hereford (Angleterre) 03.04.1942 |
Ce texte est extrait de
l'ouvrage
Cent Wallons du siècle
Institut Jules Destrée,
Charleroi, 1995
Index |
À
l’issue de ses études gréco-latines où il a été membre de la Ligue des Lycéens
wallons (1918-1919), Georges Truffaut entre à l’Institut des Hautes Études mais
c’est avec un diplôme d’officier de marine qu’il sort de l’École supérieure de
Navigation marchande d’Anvers (1922). Après un périple qui l’a amené à
Buenos-Aires, sa carrière professionnelle commence toutefois au journal La
Wallonie, où il a été engagé comme secrétaire de rédaction. Dans le même
temps, il collabore à La Barricade. La question wallonne continue de
l’interpeller et que ce soit comme journaliste ou comme mandataire public, il
consacrera sa vie tant à sa ville de Liège qu’à la Wallonie.
Membre-fondateur de la Ligue d’Action wallonne (1923) – il en deviendra le
vice-président en 1932 –, Georges Truffaut préconise notamment une union
douanière franco-belge, s’oppose au bilinguisme en Wallonie, réclame une
modification des limites provinciales par rapport à la frontière linguistique
(par la voie d’un referendum populaire), et se prononce en faveur d’une
solution autonomiste, respectant l’union entre fédéralistes wallons et flamands.
En 1930, il est l’auteur de La question des Nationalités en Belgique. Le
point de vue d’un socialiste wallon Dès 1936, Georges Truffaut prend part au
combat contre Rex. Proclamant qu’il est de ceux qui ne séparent pas le Mouvement
wallon de la démocratie (1938), il se réjouit de la défaite électorale du
rexisme aux communales de 1938. Cette défaite est, à ses yeux, un succès pour
l’idée wallonne. En 1937, lors du pèlerinage de Waterloo, Truffaut combat
l’amnistie. Il dénonce aussi la minorisation des Wallons au Parlement belge et
les visées impérialistes flamandes sur les communes francophones de la frontière
linguistique. Enfin, c’est avec véhémence que Truffaut dénonce la politique de
neutralité pratiquée par le gouvernement. Cette politique dite des mains
libres est, aux yeux de Truffaut, la concrétisation de la politique du
Los van Frankrijk réclamée par les flamingants. En se détournant de la
France, la Belgique affaiblit sa ligne de défense par rapport à l’Allemagne.
(cfr notamment Le Pacte belgo-allemand du 13 octobre 1937, brochure
publiée par l’Action wallonne).
Confirmant sur plusieurs plans les nécessités d’un rapprochement de la Wallonie
avec la France, Truffaut prépare, avec Fernand Dehousse, une étude sur
l’instauration de l’État fédéral en Belgique (1938). Déposé à la Chambre, sous
la triple signature de Georges Truffaut, Joseph Martel et François Van Belle (1er
juin 1938), ce texte prône le fédéralisme à trois régions (Wallonie, Flandre et,
au moins, l’arrondissement de Bruxelles) qui se substituent aux provinces. Il
défend aussi la fixation définitive de la frontière linguistique par des
referendum au niveau des hameaux des communes, la parité des représentants
wallons et flamands à la Chambre fédérale, tandis que le Sénat devient
l’assemblée représentative des trois régions. Les impôts sont perçus par les
régions qui ont pour compétence l’enseignement, la législation sociale et
industrielle, les travaux publics, les eaux et le maintien de l’ordre. Enfin, le
projet rend impossible une politique étrangère qui ne recueillerait pas
l’assentiment de deux tiers du pays. La prise en considération de la proposition
est rejetée par la Chambre, le 2 février 1939.
Conseiller communal de Liège depuis 1932, Georges Truffaut est élu député du POB
en 1934. L’année suivante, il devient échevin des Travaux de la ville de Liège.
C’est à ce titre qu’il entreprend une série de grandes réalisations :
édification du port autonome, du pont de Longdoz, du nouveau lycée de Waha
(1937), de la piscine communale et des bains de la Sauvenière, etc. Fondateur de
l’association Le Grand Liège, il est le grand organisateur de l’Exposition
internationale de l’Eau (1939). À cette occasion, il tentera de créer un mécénat
mixte de particuliers et des pouvoirs communaux liégeois. Député, il dépose une
proposition de loi visant à créer un comité de fabrications aéronautiques
(1939). Les questions économiques occupent une place importante dans sa
réflexion. C’est pourquoi, avec Jules Hiernaux et Englebert Renier, conscients
comme lui de la détérioration qui menace l’économie wallonne alors que d’autres
parties de la Belgique se trouvent en pleine phase d’expansion, il défend l’idée
de créer un Conseil économique wallon. L’éclatement de la Seconde Guerre
mondiale reportera la naissance officielle du Conseil économique wallon à la
Libération.
Combattant de ’40, il refuse la capitulation du 28 mai et devient l’un des tout
premiers résistants wallons . Après avoir transité par la France, Truffaut
rejoint l’Angleterre (17 juillet) où il rencontre de Gaulle et fait des
propositions à Churchill pour reconstituer une armée et continuer la lutte. Il
est incorporé dans les Forces belges de Grande-Bretagne et conduit une mission
en Afrique occidentale française pour retrouver un tiers de l’encaisse-or de la
Banque nationale (19 août-23 octobre). Mais les milieux belges de Londres font
tout pour le discréditer et il est affecté, en novembre, dans le camp de l’armée
belge à Tenby. Ce n’est pas une mission, c’est un exil.
De Londres où il refuse la langue de bois et la compromission. Georges Truffaut
encourage, via Radio-Belgique (mai 1941), à poursuivre la résistance à
l’occupant. Le 3 avril 1942, il meurt accidentellement, lors d’un exercice.
Sa dernière lettre (26 mars 1942),
qui résume sa pensée politique, souligne qu’il partage les vues de Clarence K.
Streit sur la réorganisation du monde, avec regroupement des états
démocratiques ; Je suis fédéraliste pour toutes les éventualités. Je ne suis
pas pour l’autonomie parce que je ne crois pas qu’il faut continuer à maintenir
les petits états et à entretenir le mythe de la souveraineté nationale, parce
que le problème est autant économique que politique. La grande fédération seule
permet l’épanouissement économique. Elle permet, par conséquent, cette politique
sociale ordonnée mais audacieuse que nous devons faire si nous ne voulons pas -
et nous ne le voulons pas - que l’Europe devienne bolchévique. La tâche est à la
fois de sauvegarder l’individualité wallonne, de permettre son plein
épanouissement, dans un ensemble démocratique qui permette aussi
l’épanouissement économique et qui nous incite à contempler de larges horizons.
Il faudrait que j’écrive un volume à ce sujet.
Le 1er octobre 1947, la dépouille de Georges Truffaut retrouve le
sol wallon ; le 5, la cérémonie des funérailles se tient à Liège avant que le
corps du défunt, recouvert du drapeau wallon, soit inhumé à la pelouse d’honneur
du cimetière de Sainte-Walburge.
Paul
Delforge
Pour
une biographie plus complète, on se reportera à la notice qui lui est consacrée
dans l’Encyclopédie du Mouvement wallon, sous la direction scientifique
de Paul Delforge, Philippe
Destatte et Micheline
Libon, Charleroi, 2001, tome 3, p.
1554-1558.

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