Introduction
L'homme a de tout temps
éprouvé le besoin de comparer sa force, son agilité ou son adresse, il a donc
toujours fait du sport. La complexité du problème des origines et le cadre qui
nous est fixé invitent par conséquent à une très grande modestie.
Ce bref survol du sport
en Wallonie débute assez tard, dans un flou relatif, aux frontières du folklore.
Comment situer par exemple, dès le début du XVIe siècle, les joutes nautiques,
héritières des tournois de chevalerie, ou bien, plus anciennes encore, les
luttes d'échasseurs à Namur, Mélans contre Avresses ?
Ces jeux simulent des
combats, ils sont nés de la guerre comme l'escrime, comme le tir à l'arc ou à
l'arbalète, exercé au Moyen Age par des compagnies de bourgeois pour défendre la
cité. Très populaire autrefois, le tir à la perche ou au berceau survit de nos
jours mais il n'a plus rien à voir avec ce qu'est devenu le tir à l'arc moderne.
Contrairement à ces
pratiques, le jeu de paume, comme tous les jeux de balles, est un sport sans
aucune connotation guerrière. Ancêtre du tennis et de la balle pelote, il nous
révèle très tôt une championne, Margot, dite de Hainaut, qui nait à Mons en
1402. On ne sait rien de sa jeunesse, mais elle est célèbre à 20 ans. Invitée à
Paris, lors de la visite du duc de Bourgogne Philippe le Bon, elle fait salle
comble pendant deux ans, battant régulièrement les adversaires masculins qui lui
sont opposés. Margot finit ses jours à l'abbaye de Soleilmont.
La trace la plus ancienne
du jeu de paume dans nos provinces se découvre dans les comptes de la Cour du
Hainaut, le 8 juin 1332 : "Le Comte Guillaume de Hainaut dépense 8 deniers pour
achat d'estues (balles) pour la paume et 6 sols 10 deniers pour estues à chôler"
(balles pour le jeu de soule).
A main nue à l'origine,
le jeu de paume se pratique avec un gant ou une sorte de raquette. Les notables
se cantonnent dans des endroits réservés, puis dans des salles couvertes,
théatre de la courte paume. La longue paume reste le plus souvent l'apanage des
manants. Du parvis des églises, elle émigre dans les rues ou sur les places
publiques quand celles-ci sont pavées. C'est elle qui donne naissance au sport
spécifique d'une partie de la Wallonie : le jeu de balle.
Si le tennis et le jeu de
balle ont un ancêtre commun, le football et le rugby sont de vagues parents de
la soule. Jouée parfois par les princes, la soule est surtout un passe- temps de
campagnards lors des fêtes traditionnelles. Les règles sont indécises. La balle
est lourde, en cuir, en bois. Le jeu se transforme souvent en bataille rangée.
Une sorte de soule est pratiquée à Jodoigne jusqu'en l'an 1843. Le jeu de crosse
est une forme de soule exercée avec un bâton au bout recourbé qui annonce le
hockey, le cricket et le golf.
Le jeu de balle est la
seule activité sportive qui attire les masses dans notre pays à l'aube des temps
modernes. Il est divisé et confiné dans le Hainaut, le Namurois, une partie du
Brabant et des Flandres. La petite balle au tamis fait fureur, les grands
concours durent une semaine, leur finale mobilise jusqu'à 10.000 spectateurs. Le
championnat du Sablon, doté du Prix du Roi, est créé en 1837 à Bruxelles. C'est
la plus vieille épreuve sportive belge au palmarès de laquelle figurent les plus
célèbres équipes wallonnes. Quelques artistes qui enflamment les foules méritent
d'échapper à l'oubli : Vital Fiérin, Achille Gaulet, Horace Marin, Charles
Vanuffel et le Bruxellois Jef Claessens notamment.
Chacun voulant rester
maitre chez soi, le jeu de balle ne réussit pas à s'organiser à un niveau
supérieur.

Une timide structuration
du sport commence à se dessiner cependant. La plus ancienne de nos fédérations
sportives nait à l'initiative de la Société liégeoise, le 6 août 1865, mais tout
à débuté à Anvers où la Société de Gymnastique et d'Armes est fondée en 1839.
Son promoteur Joseph Isenbaert, a découvert la gymnastique allemande pendant ses
études à l'Université de Bonn.
La gymnastique est-elle
un sport ,du moins celle de l'époque, souvent régie par des militaires qui ne
cachent pas leur dessein de préparer de bons soldats ? Se consacrant
essentiellement à l'éducation physique, il lui manque l'attrait compétitif
qu'elle découvrira avec la gymnastique moderne et ses juges.
Non contente d'être
divisée par une guerre des méthodes, la gymnastique voit s'opposer plusieurs
groupements pour des motifs confessionnels. Les sociétés gymniques sont
néanmoins à la base du mouvement sportif, elles se répartissent dans tout le
pays, beaucoup découvrent le sport lors des fêtes fédérales. C'est dans les
premiers gymnases, où l'on s'exerce parfois aux sauts, aux lancers, à l'escrime,
que naissent des vocations nouvelles. Les plus entreprenants fondent des clubs,
ou jettent les bases de fédérations diverses.
La gymnastique est la
pionnière, mais l'aviron est le premier sport moderne qui voit le jour sous nos
cieux. Au mois d'octobre 1860, pour l'inauguration du Pont des Arches, la ville
de Liège inscrit des courses de canots à son programme des réjouissances. Elles
scellent l'acte de baptème de l'aviron belge et saluent la naissance du Sport
nautique de la Meuse. Des Namurois assistent à la fête. Quelques mois plus tard,
des régates ont lieu au pied de la Citadelle. Et en 1862, le Cercle nautique de
Sambre et Meuse est porté sur les fonts baptismaux. Son président s'appelle
Félicien Rops. Quel dommage qu'il ne "croque" pas nos premiers sportifs !
L'élan est donné. Le gig
à quatre du Sport nautique "Lustucru" et "Miss Brunette" du Club nautique de
Sambre et Meuse vont bientôt gagner jusque sur la Seine à Paris...
La fédération d'aviron
est fondée en 1887. Vingt sociétés sont en activité, dont le Sport nautique et
l'Union nautique de Liège, le Club nautique Sambre et Meuse de Namur, le
Rowing Club d'Anseremme, le Sport Club de Tournai et le Cercle nautique de Mons.
Le recrutement est
élitaire (le prix des bateaux n'y est pas étranger), mais ces clubs sont aussi
un lieu de rencontre, ils ont une vocation omnisport, ils favorisent la
diffusion des pratiques nouvelles.
Ayant tardé à fixer ses
statuts, la fédération d'aviron est précédée par ordre d'ancienneté en 1882 par
la ligue vélocipédique. Des clubs cyclistes existent déjà, on organise des
courses avant la guerre franco-allemande de 1870 sur des distances réduites. Le
bicycle, pourtant, n'a pas encore trouvé sa forme idéale. Après l'invention de
la chaine, il faut attendre la découverte du pneumatique par le vétérinaire
Dunlop en 1888 lance la bicyclette à la conquête du monde. Superbe engin de
sport, le vélo est avant tout un extraordinaire moyen de locomotion. Le trot du
cheval est la mesure de la vitesse sur nos routes. Brusquement, à moindre coût,
chacun peut aller plus vite, plus loin, plus facilement. Le succès est immédiat.
En 1887, au moment où la
bicyclette s'apprête à devenir universelle, Camille Lemonnier fait le tour de
nos provinces afin d'écrire son livre monumental sur la Belgique. Quels sports
évoque-t-il furtivement dans son ouvrage ? La gymnastique, la lutte, le tir à
l'arc et à l'arbalète, les jeux de balle, l'aviron, le canotage à la voile, le
patinage (sur glace, en hiver) et l'escrime, sans parler des courses hippiques,
des concours de pigeons et du billard. Il n'est pas encore question de football
et la vélocipédie est une jeune débutante. Brûlant les étapes, elle va devenir
adulte en peu de temps.

I. La petite reine
Le 12 juillet 1891, un
des tout premiers vélodromes du pays est inauguré au parc de la Boverie. Robert
Protin y débute, il devient le premier champion du monde de vitesse
professionnel. C'est sur la pelouse de ce vélodrome que les joueurs du
F.C.Liégeois s'initient au football dont ils sont les premiers champions. Le
site entre décidément dans l'histoire, à deux pas des installations du Sport
nautique de la Meuse, premier club d'aviron, et pas loin du lieu de départ de
Liège-Bastogne-Liège, première classique cycliste née en 1892.
La vélocipédie devient
vite le sport dominant. Des sociétés par actions sont fondées pour l'édification
des pistes, le succès permet de rembourser les capitaux en quelques années. Le
bicycle importé engendre une nouvelle industrie. Les ateliers Legia sortent de
terre dès 1890 à Herstal, Saroléa monte ses premiers vélos, la Fabrique
Nationale des Armes de Guerre (FN) suit le mouvement et la manufacture de
caoutchouc Englebert-Couderé adjoint les pneumatiques pour cycles à ses
spécialités. Nombre d'ateliers d'armuriers commencent même à se reconvertir dans
la production de pièces détachées.
Le coût d'une bicyclette
représente à la fin du siècle le salaire de sept à huit mois d'un ouvrier. Les
premières vedettes cyclistes sont donc fils de bourgeois, originaires d'une
région en plein essor : Lhoest, Houa, Protin, Grogna, Broka, Vandenborn.
Exception confirmant la règle, le Verviétois André, vainqueur du premier Paris-
Bruxelles, est un ancien maçon.
La plupart de ces
coureurs sont des pistiers, généralement des sprinters. Ils font rêver. Qui
oserait penser qu'il faudra attendre plusieurs générations pour découvrir
l'unique héritier de Protin en la personne du Liégeois Robert Van Lancker,
champion du monde de sprint en 1972 et 73 ? Les vélodromes se multiplient. Juste
avant 14-18, on en dénombre une quarantaine, dont plus de la moitié en Wallonie
mais la guerre et ses suites seront fatales à la plupart.
Avec l'avénement de la
compétition sur route, le décor et la nature des acteurs changent. Des hommes
rudes, venus des champs ou sortis de la mine, prennent le relais. Il se produit
en ce temps-là un phénomène exceptionnel dans le sud du pays. Entre 1886 et
1893, dans un petit périmètre, naissent six futurs champions, dont cinq dans la
seule province de Namur, pas réputée la plus cycliste. Ils vont gagner à eux
seuls, malgré la césure de la guerre, presque autant que les autres coureurs
wallons réunis jusqu'à nos jours.
Louis Mottiat, de
Bouffioulx, règne sur Bordeaux-Paris, Paris-Bruxelles et le Tour de Belgique
avant 14. Il regagne le Tour national en 20, il s'impose dans le premier
Critérium des As sur le parcours Bordeaux-Paris et retour. Il lâche l'année
suivante ses rivaux dans Paris-Brest-Paris. Un banquet et un bal populaire sont
organisés après l'arrivée. Et Mottiat, qui a passé plus de cinquante heures sur
un vélo, ouvre la fête en invitant la fille du préfet à danser. Il dicte sa loi
dans Liége-Bastogne-Liège au printemps 21, il bisse sa victoire en 22. Il
remporte encore Paris-Tours à 35 ans. Il compte aussi huit étapes du Tour de
France à son actif. Un des plus grands champions cyclistes...
Victor Linart, de
Floreffe, est attiré par la piste et les contrats qui s'y négocient dans les
courses derrière moto. Il conquiert quatre titres de champion du monde et quinze
de champion de Belgique.

Emile Masson, de Morialmé,
mineur à 11 ans, émigre dans la région liégeoise. Il débute tard, s'impose dans
le Tour de Belgique en 19 et signe une dernière campagne triomphale à 35 ans :
Tour national, Bordeaux-Paris et Grand Prix Wolber.
Firmin Lambot et Léon
Scieur, tous deux de Florennes, sont les seuls Wallons au palmarès du Tour de
France. Lambot double l'exploit, en 19 et en 22, grâce à sa formidable
régularité. Authentique spécialiste, il cache six billets de cent francs dans
une poche de son maillot pour aquérir un vélo en cas d'accident.
Du même âge que Lambot,
Léon Scieur est un colosse qui achète sa première bicyclette à plus de 20 ans.
Il est quatrième du Tour en 1919, la terrible année qui voit onze coureurs
seulement terminer à Paris. Après avoir gagné Liège-Bastogne-Liège, il est
encore quatrième en 1920 parmi six routiers wallons qui se classent derrière le
vainqueur Philippe Thijs : 2.Hector Heusghem, 3.Lambot, 4.Scieur, 5.Masson,
6.Louis Heusghem, 7.Jean Rossius. Il triomphe enfin douze mois plus tard, après
un duel avec le Ransartois Hector Heusghem.
Félix Sellier est le
jeunet de la bande. Né à Spy, Gembloutois d'adoption, il débute à 27 ans parmi
ses ainés. Il rattrape le temps perdu, en s'adjugeant deux championnats de
Belgique, le Tour national, trois Paris-Bruxelles (la seule classique qui passe
devant chez lui), Paris-Roubaix et trois étapes du Tour.
Et sans compter les
frères Heusghem, de la même génération : Louis, vainqueur de Paris-Tours et
Hector, qui monte deux fois sur la seconde marche du podium et aurait dû enlever
le Tour de France en 1922. Ou le Tournaisien Hector Tiberghien qui gagne
Paris-Tours en 1919. Ou encore le Hennuyer Henri George, premier Belge champion
olympique sur deux roues à la faveur de la course des 50 kilomètres sur piste à
Anvers...
Le cyclisme wallon paie
la note après cette période faste. Les champions prennent leur retraite très
tard. Et les jeunes, qui ont peut-être mal grandi durant la guerre, attendent
trop longtemps pour assurer la relève. Au changement laborieux de génération
s'ajoute bientôt la grande dépression des années trente et l'apparition du
dérailleur qui va transformer la physionomie des courses.
Adelin Benoit, révélation
du Tour en 1925, porte le maillot jaune, gagne à Luchon l'étape des quatre cols
et enlève Bordeaux-Paris avant de se spécialiser sur la piste. Charles Meunier
remporte Paris-Roubaix en 1929 et Emile Joly s'impose dans le Circuit de Paris
(classique disparue), il réédite son succès en 1930, s'adjuge le Tour de
Belgique et Marseille-Lyon. Au championnat du monde, son vélo est écrasé par une
voiture au moment où le futur vainqueur Alfredo Binda attaque dans la côte de
Mont- Theux.
Georges Lemaire s'empare
en 1933 du maillot jaune au Tour de France et le perd de justesse au pied des
Pyrénées. Peu soutenu, quatrième à Paris, le Verviétois est victime deux mois
plus tard d'une chute pendant le championnat inter-clubs. Souffrant d'une
fracture du crâne, il ne se relèvera plus.

Henri Garnier, de
Feschaux, devenu coureur comme beaucoup à cause de la crise économique, est le
premier Belge victorieux du Tour de Suisse en 1936. La même année, Eloi
Meulenberg, au sprint tranchant, devrait inaugurer le palmarès de la Flèche
wallonne, mais une moto le renverse près du but. Le Ransartois prend sa revanche
dans Paris-Bruxelles puis, en 1937, il réussit un doublé exceptionnel :
Liège-Bastogne-Liège et le championnat du monde. Il remporte huit étapes du Tour
de France.
Emile Masson se révèle en
gagnant la Flèche wallonne en 1938 et une étape du Tour, il est irrésistible
dans la finale de Paris-Roubaix en 1939. Après cinq années de captivité, double
champion de Belgique, il prend le relais de son père dans Bordeaux- Paris,
vingt-trois ans après.
François Neuville, la
plus insolente santé du peloton, est vainqueur du Tour de Belgique et d'une
étape du Tour de France en 1938. Et à Valkenburg, seul en tête, le Liégeois va
peut-être succéder à Meulenberg au championnat du monde, mais il casse une
pédale et son équipier Marcel Kint triomphe.
C'est au grand Tour,
après la guerre, que nos routiers s'expriment le mieux. Marcel Dupont est
cinquième de l'édition de 1949 dominée par Coppi. En 1953, le premier Belge
s'appelle Alex Close, quatrième pour ses débuts à plus de 31 ans. Principal
rival de Bobet en 1955, Jean Brankart gagne à Pau la grande étape des Pyrénées,
puis la course contre la montre, mais il se classe finalement deuxième à Paris.
Il avait déjà été second, battu par Anquetil, du Grand Prix des Nations. Le
Hesbignon sera encore deuxième d'un Tour d'Italie derrière Baldini.
S'il rafle trois étapes
du Tour de France en 62, dont celle de Briançon après avoir franchi l'Izoard,
Emile Daems est avant tout un coureur de classiques. Il s'empare de trois des
plus belles : Milan-San Remo, Paris-Roubaix et le Tour de Lombardie. A la même
époque, le cyclisme féminin balbutiant voit Marie-Rose Gaillard devenir
championne du monde à Salo. De la même génération que Daems, le Wavrien Georges
Van Coningsloo s'offre au sprint Paris-Bruxelles en 64 puis Bordeaux-Paris en
solitaire. Emile Bodart lui succède en 67 au palmarès de cette course
légendaire.
Bien qu'il ait vu le jour
en Sicile, Pino Cerami est wallon de coeur et d'éducation. Il est aussi le
contemporain de Daems et de Van Coningsloo, puisqu'il devient champion à un âge
où les sportifs prennent leur retraite. Il connait encore le cyclisme semi-
individuel, les coureurs voyageant en train... ou à vélo, mangeant leurs
tartines sur le pouce avant le départ. Il bat leurs successeurs découvrant la
course d'équipe, la diététique et les grosses voitures. Il vit aussi la
transmission des pouvoirs des firmes cyclistes aux marques commerciales qui vont
bouleverser les structures et le visage de la compétition. Cerami enlève le Tour
de Belgique, il s'adjuge Paris-Roubaix, puis la Flèche wallonne à 39 ans. Et il
gagne encore Paris-Bruxelles.
Ferdinand Bracke,
installé tout jeune à Wanfercée-Baulet pourrait être en 68 notre premier
vainqueur du Tour depuis Sylvère Maes. Il ne descend pas bien les cols, ses
nerfs le trahissent contre la montre, il est troisième. Vainqueur du Grand Prix
des Nations, champion du monde de poursuite, il écrit sa plus belle page à Rome,
quand il bat le record de l'heure d'Anquetil, perçant le mur des 48 kilomètres.
Sur un vélo classique et au niveau de la mer, sa performance est inégalée.
Le doux géant Joseph
Bruyère ne connait pas l'étendue de sa force mais, pour en faire usage, il doit
la mettre au service du meilleur. Joseph est le plus précieux équipier d'Eddy
Merckx. Il porte le maillot jaune, notamment en 78 lorsqu'il termine quatrième
du Tour. Bruyère reste le dernier et double vainqueur wallon de la plus belle
des classiques Liége-Bastogne-Liège. Il remporte trois fois le Circuit du Volk.
Jean-Luc Vandenbroucke,
devenu directeur sportif, débute avec une terrible étiquette dans le dos : le
nouveau Merckx. Spécialiste de la montre, il ne rate donc pas le Grand Prix des
Nations et s'adjuge Blois-Chaville.
Enfin, Claudy Criquielion,
premier Belge des années 80, trouve sa voie à 27 ans au championnat du monde de
Montjuich. Excellent grimpeur, notre meilleur représentant au Tour de France,
Claudy s'épanouit surtout dans les classiques, range deux Flèches wallonnes dans
son carquois et gagne le Tour des Flandres. Il devrait enlever Liège-
Bastogne-Liège, sa course de prédilection, et un second championnat du monde, en
88 à Renaix, si Steve Bauer ne le balance pas en plein sprint.
La succession s'annonce
difficile à l'heure où la concurrence de sports neufs, moins exigeants et moins
dangereux, sans parler de la motorisation, semble hypothèquer l'avenir. La vogue
du cyclotourisme, par contre, est particulièrement réjouissante. Le cyclisme de
plaisance restant à tout âge, l'une des méthodes les plus douces pour entretenir
sa condition physique.

II. Le football-roi
Des étudiants, fils de
notables et d'ingénieurs anglais attirés par les industries, sont à Liège et à
Verviers les premiers à donner de vigoureux coups de pied dans une grosse balle
de cuir.
Pourquoi l'idée saugrenue
de les imiter surgit-elle dans un club vélocipédique au début des années 1890 ?
Né dans les collèges, le football parait idéal pour soigner sa condition
physique, puisqu'il se pratique durant la morte saison cycliste, mais on ignore
à l'époque que les deux sports ne sont pas compatibles.
Le F.C.Liégeois, porté
sur les fonts baptismaux par des membres de Liège Cyclist's Union, Protin
en tête, taquine son premier ballon sur la pelouse du vélodrome de la Boverie.
Il est un des pionniers du football belge. Avec Verviers, il participe à la
fondation de la fédération et montre l'exemple en conquérant les deux premiers
titres nationaux. Pendant plus de dix ans, seule la province de Liège compte des
clubs en Wallonie. A la veille de la guerre, sur 107 affiliés dans le pays, il y
en a trente à Liège, huit dans le Hainaut, aucun dans les provinces de Namur et
de Luxembourg. Les principaux sont déjà en place : F.C.Liégeois (1892), Verviers
F.C.(1895) qui deviendra le C.S.Verviers en 1903, Standard (1898), Seraing
(1900), U.S.Tournai (1902), F.C.Tilleur (1903), S.C.Charleroi (1904),
R.C.Tournai (1907), Olympic Charleroi (1911), A.A.Louvièroise (1912).
La guerre, assez
curieusement, sert de catalyseur. Les distractions sont rares, le football
connait un succès grandissant. Pour les troupes au repos, derrière le front de
l'Yser, on organise de nombreux matches, des centaines d'équipes sont formées.
Une sorte de onze national est constitué, les Front Wanderers. Les
meilleurs remportent en 1920, à Anvers, la médaille d'or aux Jeux Olympiques.
L'engouement est énorme, on commence à construire de plus grands stades. Ils
seront bientôt remplis.
Le football trouve, il
est vrai, un terrain idéal pour se démocratiser et devenir un sport de masse.
Les conquêtes ouvrières permettent de diminuer la durée du travail. Et pour la
première fois dans l'histoire moderne, les lois sociales aidant, des
travailleurs vont avoir un peu de temps libre.
Mais des conditions sont
requises pour de grandes infrastructures. Il faut des capitaux, une industrie,
une ville d'une population minimale. Les clubs wallons qui évoluent les premiers
en division I (parfois appelée ensuite division d'honneur) sont logiquement
Liège, Verviers et le Standard. Sur un total de 65 clubs qui ont joué au plus
haut niveau depuis l'institution du championnat, les six plus grandes
agglomérations du pays en ont engendré 33, dont sept en Wallonie : le Standard,
le F.C.Liégeois, Tilleur, Montegnée, Seraing, l'Olympic et le Sporting de
Charleroi.
La dispersion de
l'habitat, le saupoudrage de localités de petite ou de moyenne importance ne
réunissant pas la masse critique nécessaire, la révolution industrielle ratée
par certains, tout ceci justifie la géographie actuelle du football wallon dont
les grandes lignes sont fixées au début du siècle. Seule exception, l'émergence
relativement tardive de Charleroi dont la première équipe accède à la division
supérieure en 1937 seulement. Ce qui s'explique par le rôle que jouent longtemps
les gros bourgs de ceinture : Couillet, Gilly, Marchienne, Marcinelle,
Chatelineau concurrencent directement l'Olympic et le Sporting carolorégiens.

Le Standard réunit le
plus de clubs de supporters dans le pays. Depuis 1921, il n'a plus quitté
l'élite, y étant même pendant des années le seul représentant wallon. Les
Liégeois touchent le titre de champion du bout des pieds en 1936, le dernier
match est décisif, mais le Daring gagne par 1-0 à Sclessin. L'avocat Jean
Capelle, trente-quatre fois international, conduit la ligne d'attaque des "Rouches"...
Le club se restructure
sous l'influence de Roger Petit. Il fait mouche pour la première fois en 58 avec
Denis Houf, Thellin, Mathonet, Piters, Givard, Jadot, Paeschen, Bonga-Bonga et
Pol Anoul transféré de Rocourt. Trois mois plus tard, le Standard fête sa
joyeuse entrée en Coupe d'Europe, première équipe belge à y gagner un match. Il
accède même aux quarts de finale.
Les "rouge et blanc"
obtiennent en 61 leur deuxième titre devant Liège, suivi d'un autre en 63. Jean
Nicolay remplace son frère Toussaint entre les perches, aux côtés des anciens
Houf et Thellin. Vliers, Semmeling, Spronck, le fantasque et généreux Roger
Claessen font leur entrée ainsi que Pilot, l'Ecossais Crossan et le refugié
hongrois Sztani.
Semmeling, Pilot et Jean
Nicolay assurent la soudure pour un quatrième bail en 69. Nicolay, au coup
d'oeil magique, s'apprête à quitter Sclessin mais son héritier est déjà connu :
un certain Christian Piot.
Piot aux grandes mains,
peut-être notre meilleur gardien à la carrière hélas tronquée à cause de
blessures, est en effet le dernier rempart du Standard qui engrange
immédiatement un cinquième succès. Pilot et Semmeling, qui joueront plus de 600
matches en première, sont toujours là. Et c'est un triplé unique dans l'histoire
du club qui est célébré en 71. Il y a durant cette période du talent à revendre
sur les bords de la Meuse : Nicolay, Piot, Thissen, Jeck, Beurlet, Dewalque,
Pilot, Van Moer, Depireux, Semmeling, Henrotay, Kostedde, Galic, Nagy, Takac,
Cvetler et autres. Rêvons un peu...
Onze années passent à se
nourrir de nostalgie. Le Standard fait pourtant excellente figure avec le tandem
Renquin-Gerets, avec Plessers, Sigurvinsson, Nickel, Riedl et Michel Preudhomme
qui pointe le bout du nez. En 82, le septième titre est suivi par un huitième.
Les temps ont bien changé pourtant. En 71, la moitié de l'effectif est issu de
la région. La Ligue nationale et le football professionnel sont nés entretemps.
Il n'y a plus qu'un "Liégeois", Preudhomme, dans l'équipe de base qui précède
Anderlecht de deux points en 82 avec Gerets, Poel, Meeuws, Plessers,
Vandersmissen, Daerden, Haan, Botteron, Graf, Voordekkers, Tahamata, Wendt...
Puis Gerets et Haan
partent avant qu'éclate l'affaire de Waterschei qui ébranle le club jusque dans
ses fondations. Meeuws, Plessers, Daerden, Tahamata s'expatrient. Gilbert Bodart,
qui succède à Preudhomme, Hellers, Delangre, Delbrouck sont parmi les premiers à
assurer le relais. L'héritage est lourd, les supporters désemparés. Le Standard
vit sa crise la plus profonde, non sans sursaut d'orgueil. Il renoue même avec
le succès en Coupe de Belgique, mais la Coupe d'Europe lui rappelle que le
football a beaucoup évolué. Le club liégeois doit spéculer désormais, comme
beaucoup d'autres, sur le talent de ses jeunes.
Le Standard a disputé une
finale de Coupe d'Europe des vainqueurs de Coupe, perdue par 2-1 en 82 contre
Barcelone. Deux fois demi-finaliste, il est le club belge avec Anderlecht qui a
joué le plus de rencontres européennes : cent quinze. Sur les 104 joueurs
wallons sélectionnés en équipe nationale, quarante sont issus de Sclessin.
Et notons en passant que
le Standard fémina - qui n'est pas structurellement lié à son grand frère -
collectionne de son côté les titres nationaux...
Soixante ans avant le
Standard de Houf et de Mathonet, un autre club liégeois goûte au bonheur d'être
champion mais plus de la moitié de sa moisson appartient au siècle passé. Le
F.C.Liégeois remporte en effet trois des quatre premiers titres mis en jeu.
L'équipe alligne le plus souvent plusieurs Anglais et des joueurs qui pratiquent
- signe de l'époque - différents sports. A l'exemple de son premier gardien de
but Léon Lhoest, dit "Trimpou", champion de Belgique de cyclisme et second du
premier Liège- Bastogne-Liège ! La relève ne suivant pas en un temps où le sport
n'est qu'une forme de loisir, le club entre dans un long tunnel après son début
en fanfare...
Un nouveau départ est
pris à Rocourt en 1945 grâce aux jeunes. L'équipe séduit avec les Lacroix,
Govard, Lambinon, Anoul "monté" de St Nicolas, Pol Dechamps venu d'Aywaille, et
le dernier né élevé au bercail, Louis Carré. Avant le championnat de 48- 49,
José Moes est transféré de Waremme et Willy Saeren de Tongres. Ce dernier
"achat" fait du bruit car la note est salée : 1.200.000 francs pour le
Limbourgeois, sans parler des joueurs échangés. Les journalistes trempent leur
plume dans le vitriol. Ils n'ont pas tout à fait tort. C'est la préfiguration du
football de la fin du siècle aux achats fous et aux clubs endettés, victimes de
leur propre surenchère...
En 48, nous n'en sommes
pas encore là, on se presse dans les stades, les budgets sont en boni. Saeren se
fond dans l'ensemble, la défense est orchestrée par Louis Carré et Pol Anoul
assure l'intendance pour "l'attaque-mitraillette". Liège reconquiert en 52 un
titre dont on avait presque perdu le souvenir. Et l'on poursuit sur son élan
l'année suivante, avec un seul changement de rôle, Guy Delhasse prend entre les
perches la place du fougueux Agneessens. Mais l'état de grâce en sport ne dure
pas longtemps. Malgré la découverte du puissant Wégria et de Letawe, le club ne
tutoie plus régulièrement les grands. Il se réveille en 59, à un point
d'Anderlecht, c'est la dernière campagne de Carré. Deux années plus tard, avec
les joueurs de la relève Baré, Lejeune, Sulon, Waseige, Croté et autre Depireux,
la décision tombe à deux journées de la fin et c'est derrière le Standard que
l'équipe échoue. Elle n'approchera plus jamais aussi près du gâteau. Seule
consolation, le fidèle Wégria est sacré à quatre reprises meilleur réalisateur
du championnat avec un total de 94 buts.

Le football vit des
années capitales. La T.V. est née, la Coupe d'Europe devient l'objectif des plus
ambitieux, les étrangers sont admis en championnat, on autorise les
remplacements, le professionalisme s'installe, il faut désormais gérer les clubs
comme des entreprises, le public n'est plus aussi fidèle et les budgets
continuent d'augmenter. Le F.C.Liégeois traverse mal cette période, il se classe
encore troisième du championnat en 1967, avant de plonger dans l'anonymat.
Robert Waseige, devenu
entraineur, redonne du tonus à son vieux club. Les Liégeois échouent en finale
de la Coupe de Belgique en 87. Ils prennent leur revanche en 89, réalisent un de
leurs plus beaux parcours de Coupe d'Europe depuis 64 quand ils furent
demi-finalistes de la Coupe des Villes de Foire. Ils sont stoppés en quart de
finale par la Juventus. Le club entre ensuite dans le cycle infernal des
problèmes financiers.
Par ordre d'ancienneté,
le Verviers F.C. est le second club wallon, devenu le C.S. Verviétois après
fusion. Symbole de la cité lainière, le club inaugure en 1912 son joli stade du
Panorama. Un certain buteur Mathieu Bragard commence à faire parler de lui sous
le maillot vert et blanc. Il devient champion olympique en 1920 aux côtés
notamment du Hennuyer Robert Coppée et du Namurois Emile Hanse.
Verviers connaît sa
période faste de 56 à 61 avec Joseph Pannaye, Théo Colette et Jean Nelissen. Le
Club perd la finale de la Coupe, battu par le Racing de Tournai. Pendant cinq
ans, avec les moyens du bord, il lutte en première division, avant de s'effacer
devant les dures et couteuses réalités du football rénuméré.
Le premier séjour de
Tilleur en division d'honneur est bref en 25-26. Daenen et Pannaye, fidèles de
l'équipe nationale, sont ses vedettes incontestées dans l'immédiat après-guerre
mais les ressources sont limitées. En 59, les "Métallos" ne peuvent éviter la
descente. Et un malheur ne venant jamais seul, Tilleur doit abandonner son
terrain du Pont d'Ougrée. Le club force à nouveau les portes de la division I
avec Pannaye dans le rôle d'entraineur et René Delchambre dans celui de chef
d'orchestre. L'équipe termine quatrième en 65, c'est son plus beau classement.
Et un peu son chant du cygne car, deux ans plus tard, elle quitte l'élite
qu'elle n'a plus jamais retrouvée.
De Tilleur à Seraing, il
n'y a que la Meuse à traverser pour découvrir d'autres "Métallos". Installé au
Pairay, le F.C. Sérésien est le dernier venu des clubs wallons en première
division. Emile Binet et Francis Nicolay sont ses plus beaux fleurons avant la
montée, fêtée sous la conduite d'Yves Baré en 82, avec les Péruviens Rojas et
Oblitas, avec Claesen, Luyckx, Gorez et Kerremans. Deux ans après, célébré pour
son football pétillant, Seraing se classe cinquième... et est déclaré en
faillite...
Malgré son école de
jeunes, obligé de laisser partir ses vedettes, le club rétrograde. Grâce à
l'appui d'un mécène, les "rouge et noir" refont surface en un temps record
guidés par Georges Heylens. La filiaire brésilienne succède à la péruvienne avec
Edmilsson, Wamberto, Isaias, épaulés Olsen, Karagiannis, Doll, Teppers, Lukaku.
L'équipe tient mieux que ses promesses. Elle termine troisième en 94 et découvre
la Coupe d'Europe.
Après Liège et avant le
Standard, un troisième club wallon est près de devenir champion. En 47, l'Olympic
de Charleroi compte 7 points d'avance, quand l'hiver interrompt le championnat
pendant plusieurs semaines. Ressort détendu, les Lebon, Olio, Homblé, Piérange,
Epiménide, Bertrand et autre Mordant se font remonter sur le fil par Anderlecht.
L'Olympic marque
l'histoire du football grâce au docteur Gianolla. En 35, pour répondre à l'Union
belge qui a rejeté sa proposition d'obliger les équipes à aligner au moins sept
joueurs formés dans le club, le président Gianolla transfère neuf footballeurs
de la Région flamande, dont Emile Stijnen demi-centre de l'équipe nationale. L'Olympic
évolue à ce moment en promotion. Il termine en tête de sa série. Et sur sa
lancée, il devient en 37 le premier club carolorégien à accéder à la division
d'honneur.
Troisième en 39, ratant
le titre de peu en 47, il bascule en seconde division à la suite de l'affaire
Leghait en 55. L'Olympic remonte et redescend, c'est le début d'une période
trouble et compliquée, cloturée par une faillite financière. Le club échoue en
Promotion avec un stade de 30.000 places à gérer. Regroupés autour de
Jean-Claude Olio, les fidèles se serrent les coudes et espèrent de nouveau.
Le Charleroi Sporting
Club se classe premier de la Promotion en 36, à égalité de points avec son rival
qu'il a bien vite rebaptisé "Flaminpic" mais il perd le match d'appui. Le
Sporting recule pour mieux sauter puisqu'il retrouve l'Olympic à l'échelon
supérieur dans l'immédiat après-guerre, avec les Bernacki, Henriet et le tandem
Gillaux-Thirifays qui inscrira près de six cent buts sous le maillot blanc et
noir. Après un stage au purgatoire, les "Zèbres" redressent l'échine et
terminent seconds derrière le Standard en 68 emmenés par Bertoncello, Colasse,
Delchambre, Spaute et autre Spronck. C'est l'occasion de prendre contact avec la
Coupe d'Europe. Ils battent Zagreb au premier tour et échouent contre Rouen au
second.
Charleroi accède à la
finale de la Coupe de Belgique en 78, avant de replonger d'un étage et de vivre
ses jours les plus sombres. Comme l'Olympic un peu plus tôt, le Sporting doit
déposer son bilan. Et c'est le capitaine de l'équipe de 68, Jean-Paul Spaute,
qui reprend les rênes. Vainqueur du tour final de seconde division en 85,
soutenu par un public généreux, le Sporting recolle au peloton de tête. Et il se
requalifie pour la Coupe d'Europe en 94.
Quatre clubs wallons,
enfin, limitent leur séjour en première division au strict minimum.
Le R.C.Montegnée passe en
trois ans de provinciale à la division d'Honneur en 1930, grâce à une équipe de
copains dont le futur ministre Victor Larock. Le beau rêve dure une saison.
L'U.S.Tournai, le plus
vieux club hennuyer, tente en vain de tenir la gageure en 51, de se maintenir au
sommet sans s'être renforcé. Defever et ses amis ne gagnent pas ce pari trop
difficile.
Le R.C.Tournai remporte
la Coupe de Belgique en 56. L'équipe de Jean Leroy et Dedonder accède à la
première division deux ans plus tard, se défend honorablement mais ne peut
éviter le siège basculant avec Tilleur...

La Louvière monte en 75
grâce à son succès dans le tour final, une innovation. Les "Loups" terminent
quatorzième mais sont déclassés pour faits de corruption imputés à Jurion. Le
club saisit à nouveau sa chance en 77 sous la férule de Léon Semmeling, il voit
grand, investit, se maintient durant une saison, puis il redescend, apprenant à
ses dépens que quelques vedettes ne font pas forcément une équipe. Or, La
Louvière découvre justement une vedette parmi ses jeunes pousses...
Enzo Scifo, fils d'un
mineur sicilien, débute en effet à La Louvière, mais il n'y reste pas longtemps.
Son talent attire l'attention, Anderlecht le transfère en 80, il a 14 ans à
peine. En 1984, il séduit au championnat d'Europe des nations, il est élu
Soulier d'Or. Une ascension trop rapide à un âge où l'on est fragile, suivie
d'une offre qu'on ne peut refuser de l'Inter de Milan et Scifo est plongé trop
tôt dans le championnat le plus exigeant du continent. La décompression
survient.
Surdoué techniquement,
parfois critiqué quand il oublie d'être simple, il évolue toujours à l'étranger.
N'est-il pas remarquable que les trois derniers Souliers d'Or wallons soient
dans le même cas ? Après Enzo Scifo, installé à Monaco, Michel Preudhomme, sacré
meilleur gardien de la Coupe du Monde 94, et Philippe Albert, vainqueurs tous
deux d'une Coupe d'Europe avec Malines, ne résistent pas à l'appel de Benfica et
de Newcastle.
Scifo est à l'heure
actuelle le plus"capé" des joueurs wallons avec soixante-huit sélections,
précèdant dans l'ordre Carré, Preudhomme, Renquin, Anoul, Michel De Wolf, Piot,
Jean Nicolay, Semmeling, Thissen, Jean Capelle et Philippe Albert...
L'avenir de l'équipe
nationale est-il de plus en plus lié à la collaboration de ses vedettes
expatriées ?
A la recherche de son
équilibre financier, le football belge s'appauvrit manifestement en laissant
partir ses meilleurs éléments. Les recettes aux guichets ne suffisent plus
depuis longtemps à équilibrer les budgets. Le marketing est appelé à la
rescousse mais, sauf dans deux ou trois clubs, les ambitions sont revues à la
baisse. Que deviendront-elles dans l'Europe du football de demain ? Elles
obligent en tout cas, et c'est l'aspect positif des choses, à revoir la
politique des transferts faciles c'est-à-dire à préparer l'avenir avec les
jeunes.
.../...
Théo Mathy, Le sport miroir de la
société, dans
Wallonie. Atouts et références d'une
Région
(sous la direction de Freddy Joris), Gouvernement wallon, Namur, 1995.