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1946-1996 : cinquante
ans d’immigration et de mutations culturelles en Wallonie |
Michel
Dumoulin
Professeur à l’Université catholique de Louvain et Président de l’Institut
d’Etudes européennes |
Luc
Blanchart
Docteur en Histoire - UCL |
Il nous a été demandé
d’aborder, dans les pages qui suivent, les mutations culturelles de la société
wallonne depuis 1945 en insistant sur les apports des immigrations comme
facteurs et vecteurs de ces changements.
La tâche est ardue. D’une
part, les limites du sujet sont particulièrement floues. Qu’est-ce que la
culture ? Les aspects en sont multiples. Cela va des mœurs culinaires à la mode
vestimentaire en passant par la musique, le cinéma, la littérature, le tourisme
ou encore la perception de l’Autre.
D’autre part, un thème
aussi vaste que celui-ci s’accommode mal d’une périodisation stricte. S’agissant
de mouvements lents qui ne se perçoivent que dans la longue durée, nous pouvons
nous demander si nous avons assez de recul pour analyser ces phénomènes
parallèles et interactifs. Tout en reconnaissant que nos choix peuvent être
discutés, nous avons tenté de retracer, dans leurs grandes lignes, les
évolutions en cours depuis cinquante ans dans quelques domaines constitutifs de
la culture.
Deux ans à peine après la
fin de la Seconde Guerre mondiale, le petit royaume de Belgique compte 367.619
étrangers. Cœur industriel du pays depuis le siècle dernier, la Wallonie en
accueille la majorité. En 1991, la Belgique recense 900.855 étrangers. Plus de
600.000 d’entre eux résident en Wallonie et en région bruxelloise.
Ces étrangers, qui
sont-ils ? Quelle place occupent-ils dans notre société et quels sont les
apports de cette présence immigrée ?

A. 50 ans
d’immigration en Wallonie
En 1947, la plupart des
étrangers résidant en Belgique sont originaires de pays européens. Il y a bien
sûr les limitrophes (Français, Néerlandais et Luxembourgeois) répartis
essentiellement dans les zones frontalières, ou les prisonniers allemands
occupés dans les charbonnages afin de combler les besoins en main-d’œuvre. Si
les Français constituent la deuxième communauté étrangère (66.416 membres), les
Italiens et les Polonais forment les deux autres groupes les mieux représentés
avec, respectivement, 84.134 et 58.542 membres.
Ces différentes
communautés déjà présentes sur notre territoire depuis de longues années sont
alors renforcées par l’arrivée de nombreuses personnes fuyant un nouveau pouvoir
politique ou la misère. La Belgique manque de bras pour ses industries de base
alors que certains pays croulent sous le poids d’une jeune population largement
excédentaire. C’est le cas de l’Italie.
En 1991, l’origine des
immigrés s’est considérablement diversifiée. Il n’en reste pas moins vrai que
près de 600.000 étrangers vivant en Belgique viennent de pays membres de l’Union
européenne. En 1981, les cinq nationalités les plus représentées étaient
l’Italie (279.700 ressortissants), le Maroc (105.133), la France (103.512), les
Pays-Bas (66.233), la Turquie (63.587) et l’Espagne (58.255). Jusqu’au début des
années 1970, la Belgique recrutait de la main-d’œuvre dans des pays
méditerranéens en situation de retard économique : l’Italie en 1946, la Grèce et
l’Espagne en 1957, le Maroc et la Turquie depuis 1964.
Après l’euphorie des
années de reconstruction et des
Golden Sixties, la crise économique entraîne son lot de fermetures
d’entreprises et de licenciements. Désormais, il n’y a plus de travail pour tout
le monde. Les premiers secteurs touchés sont les grosses industries
traditionnelles : charbonnages et sidérurgie. Le gouvernement belge décide donc
de fermer les frontières nationales. Il n’est plus question de recruter de la
main-d’œuvre à l’étranger. Cependant, les frontières ne sont pas hermétiques. Le
Traité de Rome établit le principe de la libre circulation des ressortissants
des pays membres du Marché commun. En outre, la Belgique respecte sa tradition
d’accueil des réfugiés politiques et le droit élémentaire de regroupement des
familles.
Aujourd’hui, en Belgique
comme ailleurs en Europe, les observateurs se posent de plus en plus de
questions sur la capacité de notre société à intégrer ces populations exogènes.
Dans ce cadre, il est coutumier de se pencher sur le parcours effectué par les
premières vagues d’immigration et de la comparer aux dernières venues.
Afin d’évaluer le degré
d’intégration de ces étrangers, il est certainement utile de se demander quelle
place ils occupent dans la société d’accueil. Un critère parmi d’autres est de
relever les secteurs d’activités dans lesquels ils sont présents.
Là, le constat est
affligeant. Les dernières vagues migratoires sont largement cantonnées dans les
secteurs requérant peu de qualifications : la métallurgie, la construction, etc.
De plus, il est indéniable que les étrangers n’ont que trop peu l’occasion
d’accéder à des postes à responsabilités. Enfin, en période de faible
conjoncture, les immigrés semblent être, avec les femmes, les premières victimes
des mesures d’austérité. Pour échapper à ces travaux pénibles et à cette
précarité, nombreux sont ceux qui tentent leur chance en créant leur commerce ou
leur petite entreprise, le plus souvent familiale.
Et, alors qu’on se
complaît à présenter la communauté italienne de Belgique comme un modèle
d’intégration, il faut bien reconnaître que les "Ritals" ne se distinguent guère
des autres communautés immigrées.
Dans son récent ouvrage (1),
Pierre Tilly relève que les Italiens sont, à la fin des années 1950,
surreprésentés dans la classe ouvrière. Le déclin de l’industrie charbonnière va
les pousser vers d’autres secteurs d’activités, notamment la sidérurgie et la
construction. Désirant améliorer leur condition et se faire une place dans la
société, ils n’hésitent pas à investir dans des PME dont beaucoup se
maintiennent à force de travail. Aujourd’hui, la situation ne semble pas avoir
fondamentalement changé, même si un certain nombre de fils d’immigrés occupent
les fonctions de médecins, avocats, ingénieurs ou enseignants. Marqués par
l’origine prolétarienne de leurs parents, les descendants de cette première
grande vague migratoire sont encore largement concentrés dans l’enseignement
technique et professionnel.
Contrairement aux autres
communautés, de nombreux Italo-Belges s’investissent dans les organisations
syndicales, notamment la CSC, et, plus récemment, dans la politique. Une liste
non exhaustive illustre parfaitement ce phénomène : Messieurs Elio Di Rupo (PS),
Jean Santacaterina (PSC), François Cammarata et Pino Carlino (CSC) ou encore
Mirello Bottin (FGTB). Cette volonté de participer activement à la vie sociale
et politique du pays se manifeste également dans d’autres communautés immigrées,
mais peut-être plus timidement. Les derniers scrutins communaux ont été
l’occasion de voir de nouveaux élus municipaux d’origine maghrébine, notamment
en région bruxelloise. Il faut cependant reconnaître que, en leur refusant le
droit de vote, la législation belge ne favorise guère la politisation des
immigrés.

B. La présence
immigrée : des hommes et des biens
L’immigration n’est
cependant pas qu’un apport de main-d’œuvre. Elle ne peut uniquement se traduire
en termes économiques, démographiques ou politiques (au sens strict du terme).
La présence de populations d’origines diverses est à la source d’un "choc
culturel". Ces populations arrivent chez nous avec des sons, des saveurs, une
manière d’occuper l’espace et d’appréhender la vie qui leur sont propres.
Inévitablement, des échanges se produisent. Les étrangers adoptent
progressivement des traits de la culture ambiante. De son côté, celle-ci
s’enrichit des apports de l’extérieur. Le phénomène est aujourd’hui reconnu.
Désormais, la société "belge" ou "wallonne" est multiculturelle.
B.1. 1946-1996 : un
demi-siècle de mutations
Avant d’aborder cette
problématique des échanges culturels, il convient de retracer dans ses grandes
lignes l’évolution générale de la "culture" wallonne depuis 1945.
Lors de la libération du
pays en septembre 1944, l’homme de la rue n’imagine pas à quel point sa vie va
changer dans les années à venir.
L’entrée en guerre des
Etats-Unis, en 1942, a été mûrement réfléchie. Si la générosité et le sens du
"devoir humanitaire" de cette décision ne sont pas à contester, il reste que le
gouvernement de Washington en attendait d’importants bénéfices. D’une part, une
victoire militaire sur les forces de l’Axe ferait des Etats-Unis la première
grande puissance mondiale. D’autre part, l’effort de guerre impliquera non
seulement la mobilisation de millions d’hommes, mais également la participation
active de l’industrie. Celle-ci doit en effet fournir, en matériel, l’armée
américaine et ses alliés. Enfin, les pays libérés, ruinés par les années
d’occupation et les combats, n’auront d’autre possibilité que de faire appel à
l’industrie américaine pour approvisionner leurs populations et reconstruire
leurs infrastructures. L’Oncle Sam occupera ainsi une position politique et
économique prépondérante.
La présence américaine
dans notre pays fait découvrir à la population wallonne de nombreux "produits"
jusqu’alors peu ou pas connus : le jazz, le blues, le Coca-Cola, le chewing-gum,
etc... De jeunes Belges voyagent aux Etats-Unis et en reviennent avec des images
parfois fort naïves (2). Le cinéma yankee
débarque également en force sur nos écrans. Plus que tout autre produit
peut-être, les films diffusent dans les esprits européens une certaine
conception de la vie et du bonheur : "the american way of life". Les grandes
stars d’outre-Atlantique sont à l’origine de grands courants de mode. James
Dean, Marylin Monroe et Elvis Presley en sont les plus beaux exemples.
Désormais, l’Europe est à l’écoute de tout ce qui se fait aux States.
Les années d’immédiate
après-guerre constituent encore une période de privations et de difficultés pour
une grande partie de la population. Le pays est libéré, certes, mais il faut
reconstruire. L’approvisionnement en produits de base n’étant pas totalement
restauré, les restrictions sont maintenues après 1945. Ainsi en va-t-il du
charbon domestique et des produits alimentaires. La fin de la décennie marque la
disparition de ces dernières privations et la reconstruction est en bonne voie.
Il reste l’épineux problème de la crise du logement qui ne sera résolu que vers
1955.
Avec les années 1950
débute une période privilégiée de notre histoire, ce que Jean Fourastié
appellera les "Trente Glorieuses" (3). Cet
épisode faste se caractérise par une croissance régulière soutenue par une forte
productivité, un taux particulièrement faible de chômage et une formidable
transformation du niveau de vie. En l’espace d’une génération, le pouvoir
d’achat du revenu moyen augmente autant que durant les 150 années qui
précèdent ! Les progrès techniques se succèdent à un rythme effréné et les
nouveaux produits sont rapidement mis sur le marché. Formés à l’école
américaine, les entrepreneurs sont convaincus qu’il est possible de gagner plus
d’argent en vendant moins cher de plus grandes quantités. Il suffit de provoquer
la demande. Pour atteindre cet objectif, ils disposent de trois outils
essentiels : la publicité, le crédit et les commerces en libre service.
Une liste non exhaustive
des innovations nous montre l’ampleur des bouleversements en gestation. En 1945,
le premier ordinateur est mis au point aux Etats-Unis. Trois ans plus tard, sont
inventés le transistor et le disque microsillon. En 1950, Sony invente le
premier magnétophone japonais. En 1952, les premiers détergents de synthèse
(lessive OMO) sont mis sur le marché. En 1953, alors que les premiers "Bic"
apparaissent, les Etats-Unis découvrent la télévision en couleurs. Dans quinze
ans, elle brisera le monopole des récepteurs en noir et blanc. En 1958, les
frères Carney ouvrent le premier Pizza Hut américain. En 1960, les boîtes de
conserve en aluminium sont commercialisées de même que le stylo feutre.
Tupperware ouvre son usine européenne à Alost. En 1962, le premier satellite de
télécommunication est mis sur orbite et en 1965, la pilule contraceptive entre
dans les officines. Sept ans plus tard, le vidéodisque à lecture laser et la
calculatrice scientifique de poche sont mis au point. Cette année-là, le premier
McDonald européen ouvre ses portes en France (Créteil).

La croissance économique
s’accompagne de profondes modifications sociales. Alors que la mécanisation
libère de plus en plus de main-d’œuvre dans les secteurs traditionnels de
l’agriculture et de l’industrie, celle-ci est absorbée par le secteur tertiaire
en plein développement. Nous assistons à un véritable exode rural : les
campagnes se vident au profit des villes bien plus attractives. Par ailleurs,
les écarts entre les classes sociales tendent à se réduire. Ces nouvelles
classes moyennes salariées imposent progressivement leurs manières de vivre
comme un modèle.
Durant les "Golden
Sixties", l’équipement des ménages s’accroît de manière vertigineuse. La
voiture, le téléviseur, le réfrigérateur et la machine à laver font désormais
partie de notre quotidien. La vie, celle des femmes surtout, s’en trouve
considérablement facilitée. L’individu peut désormais accorder plus de temps et
de moyens au logement, aux loisirs, à la culture et à la santé. Les habitudes de
consommation alimentaire changent également de façon considérable.
Progressivement, entre 1955 et 1970, les féculents, les graisses, les viandes en
sauce laissent la place aux grillades, légumes verts, laitages, fruits et
boissons gazeuses sans alcool. Un nouveau dogme s’impose : la ligne "biscotte,
haricot vert, eau minérale" pour rester jeune et beau, donc mince !
Brutalement, la Wallonie,
comme le reste de l’Europe, entre de plain-pied dans l’ère de la consommation et
du gaspillage des ressources naturelles. Celle-ci s’étale ostensiblement sous
nos yeux. Miroir de la société et incitation à la consommation, la publicité
envahit la rue et les médias.
Cette nouvelle société et
sa culture de consommation renforcent l’individualisme et font voler en éclats
les vieilles solidarités villageoises et familiales. Perdu dans la ville
anonyme, l’individu se replie sur son intérieur et sa famille. En outre, la
femme, libérée des lourdes tâches ménagères, prend conscience de ses nouvelles
libertés. Elle s’instruit et maîtrise sa fécondité. Désormais, elle va mener une
vie professionnelle à part entière et réclamer plus d’égalité.
La forte et régulière
croissance de ces deux décennies forçait l’optimisme et l’enthousiasme. La fin
des années 1960 voit apparaître la critique. La télévision, symbole de cette
société de consommation, en est la cible privilégiée. Elle inscrit, dit-on,
l’individu dans le confort d’une vie dont la seule finalité est l’acquisition de
biens matériels. Elle uniformise nos comportements, elle abêtit l’individu. Plus
que toute autre, cette société aliène l’homme et provoque d’irréversibles
déséquilibres écologiques et biologiques. Elle sera, un jour, balayée par une
révolution imprévisible et purificatrice.
Cette contestation des
nouvelles valeurs de l’argent et de la possession de biens matériels va culminer
avec les événements de mai 1968. Le "vent révolutionnaire" souffle sur
l’ensemble du monde industrialisé. Partout, l’ordre établi et les valeurs sont
remis en question. Sur fond de libération sexuelle, les enfants du baby boom
veulent donner un sens à leur vie, restaurer une société plus conviviale, plus
égalitaire. Cette contestation s’exprime de multiples manières. Cheveux longs,
jeans et attitude négligée, musique agressive ou psychédélique (les Doors, Pink
Floyd, etc.) manifestent la volonté de briser les convenances. Un véritable
culte naît autour de personnages charismatiques comme le "Che". On lit Marx, Mao
et Sartre. Le mouvement hippie exprime, dans un grand élan de fraternité, des
préoccupations pacifistes et écologiques. Cette contestation perdurera tant bien
que mal tout au long de la décennie suivante.

En 1973, les événements
politiques du Proche-Orient vont précipiter la fin de cet "âge d’or". Le premier
choc pétrolier met brutalement à jour les faiblesses de notre système
économique. Face au risque de pénurie énergétique, les pouvoirs politiques
prennent des mesures radicales et incitent la population à modifier quelque peu
ses habitudes : la Wallonie roule à vélo ! Mais la crise est profonde, elle
touche aux structures de notre économie. Un scénario devient malheureusement
banal : fermetures ou délocalisations d’entreprises et mesures d’austérité.
Cette crise économique ne remet pourtant pas en question certaines évolutions en
cours. Le niveau d’instruction de la jeunesse augmente régulièrement. Les portes
du savoir et du travail s’ouvrent toujours plus aux femmes. Le mouvement
féministe est d’ailleurs très revendicatif. En outre, la société intègre
progressivement le contrôle de la natalité et la libération des mœurs. En
vieillissant, les "soixante-huitards" prennent de la maturité. Leurs mouvements
de contestation s’organisent en groupes ou partis politiques. Les écologistes,
par exemple, fondent les partis "verts". Ils prônent une meilleure exploitation
des ressources et mettent en exergue la problématique des déchets. Enfin,
l’automatisation croissante libère un temps considérable pour les loisirs.
Les années 1980
n’apportent aucune amélioration substantielle sur le paysage économique. La
société s’est installée dans ce climat de crise. Les idéaux de 68 s’évanouissent
dans la morosité généralisée. De plus, une nouvelle révolution technologique
vient bouleverser l’organisation du travail : l’informatique. Aucun secteur
d’activité n’échappe à ce phénomène. Les Personnal Computers envahissent
même le cadre familial. Parallèlement, la société de consommation est
triomphante.
Plus que jamais, les
grandes valeurs sont l’argent et l’apparence extérieure. Les grands modèles
véhiculés par la publicité et les médias sont le jeune cadre dynamique, sportif
et élégant et la jeune femme d’affaires qui concilie vie professionnelle et
familiale tout en se ménageant du temps pour elle-même.
Face aux incertitudes de
la vie, nous assistons à une survalorisation de l’intimité. Le "chez soi" est
magnifié, il doit être particulièrement confortable, chaleureux et apaisant. On
aime y rester et y recevoir ses amis. C’est la mode cocooning.
Les multiples mutations
survenues en vingt ans ont profondément bouleversé les rapports homme-femme et
les rôles de chacun. Alors que la femme a quitté sa cuisine pour s’affirmer
égale à l’homme dans le monde du travail, celui-ci semble avoir perdu bon nombre
de ses repères. L’homme "macho" cède peu à peu la place à "l’homme tendresse".
La vie et les loisirs en famille sont plus importants qu’une carrière
professionnelle fort stressante. Les hommes de la fin de ce siècle n’hésitent
plus guère à se montrer tels qu’ils sont, avec leurs sentiments et leurs
faiblesses. Les "nouveaux pères" illustrent merveilleusement cette évolution.
Attentionnés envers leur
compagne et leur progéniture, ils participent à toutes les phases de la
grossesse et de l’éducation. Certaines publicités mettent en exergue cette
nouvelle image de la virilité. Ainsi une publicité pour l’eau minérale de Spa
mettait en scène un homme tenant un nouveau-né. Les deux personnages nus sont
plongés dans un lumière intimiste. Dernièrement, une campagne publicitaire pour
les vêtements MEXX présentait deux jeunes gens nus tendrement enlacés.

B.2. L’immigration :
assimilation ou interaction culturelle ?
Quelle est la place de
l’immigration dans ce monde en perpétuel mouvement ? Comment est-elle perçue par
la société d’accueil et comment la perçoit-elle ? Comment manifeste-t-elle sa
présence ? Y a-t-il un apport spécifique de l’immigration dans le contexte que
nous venons de décrire ? Autrement dit, ces populations étrangères venues chez
nous depuis 1945 sont-elles intégrées ou en passe de l’être ?
Autant de questions
auxquelles il est malaisé de répondre tant le sujet est vaste et les éléments de
réponse diffus, implicites. Nous devons nous livrer à un travail ardu
d’interprétation en évitant de généraliser à partir de phénomènes occasionnels.
Il nous faut également nous méfier de conclusions hâtives telles que : les
"Arabes" ne pourront jamais s’intégrer, l’écart culturel est trop grand !
Dans le texte qui suit,
nous privilégierons l’immigration italienne. S’agissant de la doyenne des vagues
migratoires d’après-guerre (4), il est plus aisé
de cerner les grandes étapes du chemin parcouru dans la société wallonne. Après
les Italiens, d’autres ont connu des situations à la fois similaires et très
différentes. Ils ont essayé d’y répondre avec les moyens dont ils disposaient.
Nous ne voulons pas faire de l’immigration italienne un modèle à partir duquel
nous pourrions juger l’intégration des autres populations. Nous tenterons
seulement de repérer les grandes étapes de l’insertion de ces gens venus
d’ailleurs dans le contexte culturel wallon des années 1945-1996.
B.2.1.
1946-1950 : la découverte de l’Autre
Lorsque les premiers
trains débarquent leur cargaison humaine en 1946, le climat n’est guère
favorable aux Italiens.
D’une part, l’Italie est
avant tout le pays du fascisme, l’ennemi vaincu. Par amalgame, tous les Italiens
sont soupçonnés de sympathie avec l’idéologie honnie.
D’autre part, les Belges
désertant les charbonnages, il faut recourir à la main-d’œuvre étrangère pour
gagner la "Bataille du Charbon". Ces travailleurs italiens sont "parqués" dans
d’anciens camps de prisonniers de guerre et dans des cantines à l’ombre des
terrils. Ils y vivent dans une grande promiscuité et dans des conditions
d’hygiène déplorables. Ces "ghettos" dans lesquels s’entasse cette population
essentiellement masculine nourrissent les fantasmes des autochtones. Dans
l’opinion publique, l’image de l’Italien est alors très négative. Il est sale,
bruyant et violent. Il constitue une menace perpétuelle pour l’ordre public et
nos jeunes filles.
Constamment sous la
menace d’une expulsion, l’ouvrier mineur italien est contraint d’accepter des
conditions de travail pénibles et insalubres. Ses collègues wallons en feront un
briseur de grève. Enfin, l’ouvrier italien étant mal préparé au travail de la
mine, les accidents sont nombreux. Cela suffira pour le qualifier de paresseux
et de comédien, prêt à tout, y compris l’automutilation, pour échapper au
travail ! Heureusement, dans la pénombre des galeries de la mine, dans la
poussière de charbon et la sueur, ces idées préconçues laissent la place à la
solidarité entre travailleurs confrontés aux mêmes dangers.
Dans le même temps,
l’Italie tente de refaire son image sur l’échiquier international (5).
En rejetant la monarchie, le 2 juin 1946, et en optant pour le modèle
parlementaire, elle veut en finir avec l’héritage mussolinien et manifeste sa
volonté de s’insérer dans le camp occidental. La presse belge exprime bien ce
renversement. En 1946, l’Italie apparaît ravagée par la guerre et agitée par les
sbires du Duce. Deux ans plus tard, à la veille des premières élections
législatives de l’ère républicaine, elle est présentée comme une jeune
démocratie dramatiquement pauvre et menacée par l’impérialisme communiste.
Au sortir de la guerre,
débarrassée de la mainmise fasciste, l’industrie cinématographique italienne
prend son envol. Immédiatement, Aldo Fabrizzi, Vittorio de Sica, Roberto
Rosselini, Dino de Laurentii et autres Federico Fellini portent leurs
productions sur la scène des festivals internationaux (Cannes, Venise, etc.).
Ces futurs grands maîtres illustrent particulièrement le courant néoréaliste qui
trouve son inspiration dans la misère tragique de la population péninsulaire.
L’Italie présente ainsi, au Festival mondial du Film et des Beaux-Arts de 1947,
six films dont Vivere in pace d’Aldo Fabrizzi et Sciuscia
de Vittorio de Sica. Celui-ci connaîtra à nouveau le succès avec Il Ladro di
Biciclette en 1949. Quelques acteurs confirment ou débutent une carrière
impressionnante : le comique Toto et surtout des actrices comme Mirella Monti,
Anna Magnani et Silvana Mangano.
Enfin, les sportifs
donnent une image dynamique de la péninsule et forcent l’admiration. Les
cyclistes Bizzi, Ronconi, Brambilla et Pedroni sont terriblement présents sur le
Tour de France de 1947. L’histoire de la "Petite Reine" retiendra surtout les
noms de Fausto Coppi et Gino Bartali qui flatteront encore longtemps le
chauvinisme italien. Les descendants de l’Aigle de Mantoue occupent également
une place importante dans les sports moteurs. Dès 1946, Alfa Roméo se distingue
aux concours d’élégance de voitures et aux grands prix tels celui de
Francorchamps en 1947. Rapidement, la "petite rouge" est concurrencée par sa
compatriote Ferrari. La première Ferrari, la 125 S, sort des ateliers de
Maranello en 1947. Deux ans plus tard, la voiture au célèbre cheval cabré
remporte le Grand Prix de Francorchamps. Les succès de ces grandes marques
tiennent également à la hardiesse de pilotes hors pair : Villoresi, Farina,
Ascari et Cortese.

B.2.2. Les
années 1950-1960 : "l’Age d’or"
Tout au long des années
1950 et 1960, les Italiens de Belgique, comme leur "mère patrie", profitent des
bienfaits de la croissance généralisée.
Peu à peu, les
travailleurs italiens sortent de leur isolement et s’insèrent dans la société
wallonne. Faisant fi des pressions diverses exercées à leur égard, ils se
politisent et se sentent davantage concernés par les luttes de leurs collègues
wallons.
Prenant conscience du
fait que leur séjour en terre étrangère sera plus long que prévu, les immigrés
font venir leur famille en Wallonie. Ce regroupement familial marque un tournant
important dans la marche vers l’intégration. A la cantine ou au camp, on se
regroupe autant que possible entre gens issus du même village ou de la même
région. Les adultes réussissent à reconstituer un univers proche de ce qu’ils
ont connu au pays. Les enfants évoluent ainsi dans un monde clos, sans véritable
contact avec l’extérieur. Dès qu’ils sont en âge scolaire, ils sont mis en
présence d’autres jeunes issus de diverses communautés culturelles (Wallons,
Flamands, Français, Polonais, etc.). Ils apprennent le français et découvrent de
nouveaux horizons. Ils goûtent également à la cuisine locale. Pour nombre
d’entre eux, les macaronis à la cassonade constituent une terrible épreuve
d’initiation.
Il n’est pas possible de
vivre indéfiniment dans ces camps. Peu à peu, les Italiens abandonnent les
cantines et autres phalanstères pour se loger dans des habitations unifamiliales
insérées dans le tissu urbain. L’arrivée de ces familles souvent nombreuses fait
parfois fuir les indigènes. On assiste alors à la reconstitution des ghettos que
l’on tentait de quitter (6). Un peu plus tard,
dès qu’ils en auront les moyens, ils achèteront leurs maisons et n’auront de
cesse de les transformer afin de les adapter aux besoins de la famille et d’y
recréer un peu d’Italie.
Les contacts avec les
Belges sont dans tous les cas bien plus fréquents. Cette fois, même les femmes
sont mises en contact avec l’extérieur en fréquentant les commerces du quartier.
Les contacts entre les communautés italienne et wallonne se multiplient de même
que les mariages mixtes. Les années 1955-1960 sont particulièrement
significatives de cette évolution. Le 8 août 1956, la catastrophe du Bois du
Cazier à Marcinelle endeuille tout le pays. Plus de la moitié des victimes sont
italiennes. Ce prix du sang semble marquer l’intégration : désormais, ils
sont des nôtres ! Cette acceptation de la présence italienne est renforcée
par le mariage du Prince Albert avec la jeune Paola Ruffo di Calabria, le 9
juillet 1959. La population réservera un accueil enthousiaste à cette jeune
princesse belle comme une Madonne florentine (7).
Voilà les deux communautés réunies au sein de la famille royale. Pourrait-il y
avoir symbole plus significatif ?
Enfin, plus les Wallons
côtoient les Italiens et moins ceux-ci leur paraissent différents. Ils sont
d’autant moins perçus comme étrangers que d’autres immigrés arrivent de pays
toujours plus éloignés, plus "exotiques". Dès 1957, la Belgique recrute en Grèce
et en Espagne avant de se tourner vers le Maroc et la Turquie. C’est chose faite
en 1964.
Durant ces mêmes années
1950-1960, l’Italie devient un véritable partenaire politique et économique de
la Belgique. Elle est partie prenante dans le processus de construction
européenne. En 1953, elle adhère au traité instituant la CECA et, en 1957, le
traité de Rome jette les fondements de la Communauté européenne.
Tout comme l’Allemagne,
l’Italie connaît un véritable miracle économique. Elle se lance dans une vaste
campagne de modernisation et de développement qui la fera entrer quelques années
plus tard dans le cercle très fermé des sept pays les plus riches du monde.
L’industrie italienne
occupe rapidement une position de choix dans les domaines emblématiques de la
croissance : l’automobile, l’électroménager et l’ameublement intérieur, la mode
vestimentaire, la cuisine et les loisirs.
En cette période de
grands progrès techniques, les moyens de communication évoluent très rapidement.
Le train passe en quelques années de la traction à vapeur aux locomotives
diesel, avant de se laisser séduire par la fée électricité. Les avantages sont
nombreux : les nouveaux trains ont une capacité de charge plus élevée, ils sont
plus rapides, plus confortables et moins polluants. Dans les villes, les
tramways et trolleybus sont progressivement remplacés par les métros et les
autobus.
Mais, signe des temps,
les voyageurs délaissent peu à peu ces transports collectifs pour succomber aux
charmes de l’automobile. En trente ans, nos villes ont été envahies par la
voiture individuelle. Pourquoi ce changement de comportement ?
Avec la voiture, le
voyageur ne se sent plus lié par des horaires stricts, il peut flâner à son aise
selon son tempérament. Il peut emmener toute sa famille sans que cela ne lui
coûte un franc de plus.

Jusqu’alors réservée aux
classes aisées de la population, l’industrie automobile tire les leçons des
expériences de la mythique Ford T et de la Volkswagen. Les constructeurs n’ont
plus qu’une idée : produire plus de véhicules de qualité à moindre coût pour les
mettre à la portée du plus grand nombre. Les grands producteurs se répartissent
entre les Etats-Unis, la France, l’Angleterre, l’Allemagne et... l’Italie. Les
Italiens entendent s’imposer sur le marché européen sans tarder. Les grandes
compétitions sportives sont l’occasion de démontrer le savoir-faire de leurs
mécaniciens et les qualités indéniables de leurs productions. Ces voitures sont
présentées comme de véritables œuvres d’art : Ferrari, Maserati, Lamborghini,
Lancia et Alfa Romeo. Beaucoup plus démocratique, la Fiat s’adresse davantage
aux familles disposant de revenus plus modestes. La fameuse Fiat 500 est une des
voitures les plus populaires des années 1960, aux côtés de la Coccinelle de VW
et de la 2 CV de Citroën. En 1968, Fiat occupe 1/10 du marché des voitures
neuves en Belgique (8). Enfin, les jeunes gens à
la conquête de leur indépendance trouvent dans les cyclomoteurs Vespa une
réponse à leur désir de bouger. A la construction automobile, s’ajoute la
fabrication des pneumatiques : les pneus Fulola et Pirelli.
Autre secteur
d’exportation de l’industrie italienne qui se porte bien : l’électroménager et
autres appareils domestiques. Dès 1949, de rares publicités vantent les mérites
des machines à coudre (domestiques et industrielles) Necchi et Elna aux
lectrices du Soir illustré. Dans les années 1950, les sollicitations se
multiplient et se diversifient. Une énumération non exhaustive montre l’ampleur
de la production italienne : les postes de radio Aristona, le matériel de bureau
Olivetti (1953), les machines à coudre Borletti (1958), les cuisinières Fopona
(1960), les frigidaires et cuisinières Zanussi (1961), les machines à laver
Constructa (1960), les tapis ACSA Milan, les appareils photographiques Ferrania
et Bilora Bella (1959). Non seulement ces appareils et pièces d’ameublement
répondent aux attentes du public belge au niveau de la qualité, mais ils
adoptent une ligne, une silhouette résolument moderne. Ce sera d’ailleurs là un
champ d’application privilégié du design italien.
L’Italie entend
concurrencer les plus grands également sur le terrain culturel. Ainsi, au début
des années 1950, la haute couture romaine commence à faire parler d’elle. Le
succès va croissant durant les deux décennies qui suivent grâce à quelques
créateurs de talent tels que Lola Grovanelli, Pucci, Roberto Capucci ou encore
les sœurs Fontana. A Paris, les grands stylistes dont Elsa Schiaparelli ou Nina
Ricci doivent faire preuve d’originalité pour tenir tête à ces nouveaux
concurrents. Dans le domaine de la mode aussi, Rome a sa personnalité bien
définie. Elle emprunte à l’Occident l’équilibre d’une élégance qui repose sur
l’intelligence autant que sur le sentiment, pour le mêler avec un certain goût
un peu emphatique, déjà oriental, de la couleur et de l’ornement et faire de ce
mélange quelque chose d’essentiellement typique et particulier : le style romain
dédié à la femme éternelle (9).
A en croire les observateurs, c’est ce goût prononcé pour les couleurs et les
ornements, que notre œil nordique juge parfois excessif, qui fait le succès de
la mode italienne auprès du public américain.
Les grandes tendances de
la mode italienne touchent aussi le prêt-à-porter à travers les imperméables San
Giorgio et les bas Omsa. Les publicités pour ces deux produits sont révélatrices
de la réputation des produits italiens chez nous. Avec les bas OMSA, vous
êtes sûre de plaire. OMSA, le bas italien de luxe. Le prix de ces bas varie
entre 45 et 59 francs la paire selon les modèles (10).
Quant aux imperméables San Giorgio, c’est le dernier raffinement de la mode
italienne. Pratique, peu encombrant, votre
imperpiuma se range dans un petit étui [...]. Infroissable et
résistant car confectionné dans un tissu nylon spécial et exclusif, au toucher
et à l’aspect délicat et riche de la soie, votre imperpiuma vous donnera
aussi cette élégance qui force l’admiration (11).
L’Italie ne se vend pas
uniquement par des biens matériels. Le pays des Césars et de la Renaissance
attirait déjà les "touristes" au XVIIIème siècle (12).
Ces voyageurs sont alors surtout des hommes d’affaires, des ecclésiastiques et
des artistes. Au XIXème siècle s’ajoutent des savants (médecins, archéologues,
architectes, etc.), des observateurs militaires et les nombreux pèlerins se
rendant à Rome. L’extension du chemin de fer et de l’automobile rend le voyage
au delà des Alpes plus accessible. Au lendemain du second conflit mondial, des
journalistes belges parcourent la péninsule avec l’intention de dresser l’état
des lieux des sites touristiques d’avant-guerre. Ainsi, à partir de 1945, Albert
Bouckaert rédige, pour
Le Soir illustré, une série d’articles sur la Scala de Milan, Naples,
Rome, Frascati, Florence ou encore le Mont Cassin. A partir de 1950,
l’hebdomadaire fait découvrir à ses lecteurs quelques coins insolites de la
Botte. Nous découvrons ainsi les bergeries sardes, la république de Saint-Marin,
la fête du risotto millegusti
à Ascona ou encore les trulli d’Alberobello. En outre, Henri Liebrecht
fournit de précieux conseils en prévision d’une visite dans ce pays (13).
A cette époque s’opère un changement radical dans le comportement des touristes.
Avant guerre encore, il était presque impensable de séjourner en Outremont en
période estivale. Au contraire, on y recherchait davantage la douceur du climat
pour passer l’hiver. A partir des années 1950, les touristes, toujours plus
nombreux, entendent profiter des plages et du soleil méditerranéen. En 1962, le
Club Méditerranée, symbole de cette nouvelle conception du tourisme, compte déjà
quatre centres en Italie : Salerne, Palerme, la Sardaigne et l’île Lipari.
D’autres destinations touristiques sont également fort prisées : la France,
l’Espagne et la Grèce.

Profitant sans doute du
désir des émigrés de prendre quelque repos dans leur village natal, certaines
agences de voyage programment des séjours plus ou moins longs dans la péninsule.
Ces voyages se font en avion (Sabena, Alitalia et Air France), en car ou en
train. Ces deux dernières versions sont les moins coûteuses, donc susceptibles
d’attirer un large public : de l’ouvrier mineur aux jeunes mariés, en passant
par les voyages scolaires et les pèlerinages.
C’est également l’âge
d’or du cinéma italien. Les grands maîtres que sont Roberto Rossellini, Vittorio
de Sica, Federico Fellini, Luchino Visconti ou encore Michelangelo Antonioni
écrivent alors quelques pages glorieuses du 7ème art. Cinecittà est un des
centres les plus productifs. La production cinématographique est composée de
trois grands courants.
Il y a, dans un premier
temps, le néoréalisme qui explose sur les écrans dès la fin de la Seconde Guerre
mondiale. Ce sont d’ailleurs quelques grands réalisateurs issus de cette
tendance qui vont écrire en lettres d’or l’histoire du cinéma italien. Viennent
ensuite les productions commerciales dont la seule prétention est de divertir le
public et, enfin, la longue série des fresques historiques et péplums
s’inspirant assez librement de l’Antiquité gréco-romaine. Nous ne retiendrons
que les œuvres de Vittorio de Sica, Roberto Rossellini, Luchino Visconti,
Federico Fellini et Michelangelo Antonioni ainsi que les acteurs Toto, Silvana
Mangano, l’ardente et sensuelle créature que tout le monde admire (14),
Anna Magnani, la déesse aimée de l’Olympe cinématographique, la plus
talentueuse et la plus volcanique des vedettes, une grande artiste qui semble
être l’incarnation de l’âme populaire italienne (15),
Gina Lolobrigida à la grâce altière, d’une beauté bien italienne, si pleine,
si riche, si savoureuse, si simple (qui) plaît à tout le monde. Ses généreux et
charmants décolletés n’ont rien à envier à ceux de Martine Carol (16),
Sophia Loren divinement belle, simple, gaie, exubérante, pleine de
tempérament et infiniment sympathique (17)
et Claudia Cardinale.
Tous ces films à grand
succès ainsi que l’omniprésence de ces actrices sur les écrans et leurs déboires
sentimentaux étalés dans la presse populaire donnent une certaine image de
l’Italie et des Italiens. L’Italie est ce grand pays ensoleillé où règne la
misère qui contraint les petites gens à tous les expédients pour s’en sortir.
Cela ne leur enlève nullement une véritable grandeur d’âme. Ces gens accablés
par le malheur n’en restent pas moins fiers, gais et hospitaliers. Face à ces
braves gens, se dresse une classe dirigeante corrompue et imbue de son autorité
ou une élite sociale qui mène une vie oisive, luxueuse et débauchée. Quant aux
acteurs, ils sont supposés incarner l’âme profonde du peuple italien. Les
actrices surtout retiennent l’attention des journalistes et de l’opinion
publique. Toutes ces beautés méditerranéennes se caractérisent par une féminité
exacerbée et un caractère d’acier. Ces femmes, tendres, douces et passionnées
lorsqu’elles sont amoureuses, savent tenir tête et le font savoir, dans un flot
de paroles et de gestes. Leur vie sentimentale agitée est à l’image de cette
exubérance. Elles sont aussi terriblement jalouses les unes des autres. Elles
incarnent l’éternel féminin méditerranéen.
Mais à côté de ce cinéma
purement italien, une autre veine illustre une certaine perception de la réalité
péninsulaire. Nous pensons ici au truculent Petit Monde de Don Camillo.
Curieusement, c’est le Français Julien Divivier qui a mis en scène le petit
livre de Giovanni Guareschi. Dans cette série qui comporte quatre ou cinq
épisodes, nous suivons l’évolution de l’Italie, de 1945 à l’aube des années
1970. Les aventures du petit curé haut en couleurs (incarné par Fernandel) et de
son inséparable et folklorique maire communiste nous font rire sur les excès et
les paradoxes de la "nature" italienne.
L’accueil enthousiaste
réservé par le public belge et wallon au cinéma italien ne dément aucunement les
ovations des grands festivals internationaux. La foule se presse pour accueillir
les réalisateurs et les actrices de passage chez nous pour la promotion de leurs
films. C’est également l’occasion, pour la communauté italienne, de manifester
sa présence et de retrouver quelques rayons de soleil du "pays". Peu avant les
fêtes de fin d’année 1954, les actrices Giuletta Masina et Silvana Pampanini
sont en tournée dans les pays du Benelux. Silvana Pampanini, une des vamps
les plus authentiques du cinéma italien, a [...]
comme toute Italienne qui se respecte, la langue bien pendue [...]. C’est
ainsi que l’on apprit que ce qui l’avait le plus impressionnée [...]
était la présence et l’enthousiasme de milliers de travailleurs italiens venus
pour l’applaudir (18).
En janvier 1955, Ettore Giannini et l’actrice Maria Pia Cassino présentent à
Bruxelles le Carrousel fantastique. Fatiguée par un long voyage en
avion [...], la rousse Maria parut un peu boudeuse et timide au début
mais se dégela progressivement devant le chaleureux accueil que lui fit le
public, et aussi et surtout les mineurs italiens de la chorale de Maurages
accompagnés d’un groupe très pittoresque, de musiciens italiens qui avaient été
spécialement invités (19).
Lorsque Sophia Loren débarque à Bruxelles en mars 1956, quatre à cinq mille fans
envahissent les abords de la gare du Midi dans l’espoir de l’apercevoir.
En outre, dans les
régions à forte densité immigrée, il n’est pas rare que soient organisées des
soirées italiennes. Ainsi, le cinéma "Casino" à Marchienne-Docherie projette
tous les lundis les actualités italiennes suivies de deux films italiens, un
court et un long métrage. Cela se passe dans les années 1956-1957.
Il est indéniable que la
présence de populations italiennes en Wallonie ait contribué au succès du cinéma
péninsulaire. Mais cette même présence a-t-elle eu un quelconque impact sur la
production cinématographique "wallonne" ? Il ne semble pas y avoir d’explosion
de la production de films relatifs à l’immigration dans ces années-là. Tout
comme il n’y a pas de réalisateur "rital". Un film fera date cependant en ce
domaine. En 1960, sort Déjà s’envole la fleur maigre de Paul Meyer. Ce
film retrace avec beaucoup de réalisme et de poésie l’installation d’une famille
sicilienne dans un Borinage charbonnier déjà sur le déclin. Cette œuvre,
remarquable par ses qualités artistiques et documentaires, n’aura pas le
retentissement escompté. Le réalisateur connaîtra de sérieux déboires avec les
commanditaires de l’œuvre qui désiraient un film de propagande magnifiant
l’accueil des immigrés. Pourtant, pour la première fois, une caméra belge
dévoile la réalité vécue par ces milliers d’étrangers.
Dans le domaine musical,
les années 1950-1960 se caractérisent également par une importance croissante de
la musique de variété italienne ou italianisante. Il faut distinguer ici,
plusieurs phénomènes simultanés. Dans un contexte de "révolution" musicale
(c’est en effet la grande époque du rock ‘n roll avec le jeune Elvis Presley ou,
plus tard, les Beatles, et de la musique "yé-yé" avec entre autres Johnny
Hallyday et Sylvie Vartan), le marché du disque en Belgique cède à la mode
italienne : La Belgique, un des meilleurs marchés étrangers pour l’industrie
de la musique italienne en raison de l’importante communauté qui s’y trouve, a
toujours été très sensible à la chanson italienne, disait encore Thierry
Coljon en 1994 (20). Des chanteurs tels que
Domenico Modugno ou Rita Pavone, en 1963, récolteront quelques beaux succès aux
hit-parades italiens et belges. D’autre part, la musique de variété francophone
est confrontée à de multiples influences : c’est la grande vogue des rythmes
sud-américains ou des italianismes plus ou moins authentiques et des slows
orientaux (21).
C’est le cas du Libanais Bob Azzam qui, après le succès de Mustapha,
inonde les ondes à coup de Chérie je t’aime, chérie je t’adore comme la salsa
de pommodore [...]. Auparavant, Marino Marini – que les critiques
vraiment spécialisés ont comparé successivement à une promenade en gondole
vénitienne, à une assiette de minestrone, à une pizza très épicée, à une coupe
d’asti spumante et à la douceur de la nuit florentine (22)
– a popularisé la chanson napolitaine avec des titres tels que Bambino.
Dalida, une Italo-Egyptienne installée en France, fait son entrée dans le
show-business.

En 1959, un jeune
Calabrais immigré en Campine, Rocco Granata, rencontre un succès fulgurant mais
éphémère avec un titre qui fait rapidement le tour du monde : Marina. La
même année, un jeune Sicilien de Jemappes se lance à son tour dans l’univers de
la chanson. En Belgique depuis 1947 et élevé au son des mélodies du pays
chantées par son père, Salvatore Adamo abandonne ses études pour se consacrer
entièrement à la chanson. Ses premiers titres, en italien (Perchè, Cara
bambina, ou encore Rosina), sont des échecs cinglants. Sa voix fort
particulière ne plaît pas. Son obstination et le soutien d’un disquaire de
Jemappes surmonteront les obstacles. Même son père, pourtant réticent, finit par
seconder Salvatore dans ses prétentions artistiques. De bals en crochets
radiophoniques, il se fait connaître et rencontre son premier grand succès en
1963. Cette année-là, il passe en tête d’affiche à l’Ancienne Belgique.
Salvatore a tout juste vingt ans. L’année suivante, il participe à un gala de la
Croix-Rouge de Belgique au Heysel. Cela lui donnera l’occasion de rencontrer les
Princes de Liège. Il en ressortira une chanson en italien dédiée à la Dolce
Paola. Ce titre aura un certain succès en Belgique et en Italie, surtout en
Calabre. Adamo a davantage de succès en français. Il écrit la plupart de ses
chansons dans la langue de Voltaire. Sa renommée sort rapidement de nos
frontières et en 1965, il remplit la prestigieuses salle de l’Olympia à Paris. A
ce moment, il compte déjà quelques grands succès avec Laisse-moi te dire, En
blue-jean et blouson d’cuir, Sans toi, ma mie ! et Vous permettez,
Monsieur. Il aura ainsi l’occasion de côtoyer quelques grands calibres tels
que Jacques Brel, Georges Brassens ou encore les Beatles (23).
Ses succès discographiques amènent ce fils d’immigrés siciliens à tâter du
cinéma. Il donne ainsi la réplique à Bourvil dans Les Arnaud (en 1976) où
il campe le personnage d’un mauvais garçon qu’un magistrat tente de remettre
dans le droit chemin. En 1970, il tourne son film L’île aux coquelicots.
Ces deux chanteurs issus
de la deuxième génération d’immigrés italiens en Belgique sont les pionniers
d’un mouvement qui ira en s’amplifiant dans les années à venir.

Autre grand domaine
culturel du XXème siècle, la bande dessinée est progressivement "contaminée" par
une touche "ritale".
Né à Milan en 1925 et
installé en Belgique en 1950, Dino Attanasio occupe rapidement une place de
choix dans le monde de la BD belge. Il collabore aux journaux Spirou et
Tintin. Il travaille avec quelques grands noms du genre, Henri Verne (Bob
Morane), Charlier et Goscinny. Dès 1950, il crée les personnages de Fanfa
et Polo, Modeste et Pompon ou encore Ambroise
et Gino. Il est encore à l’origine des Histoires d’Oncle Paul et
de nombreuses autres aventures. Cependant, Dino Attanasio doit la célébrité à un
personnage sympathique et gaffeur : signor Spaghetti. Cheveux gominés et
zézayant, ce petit personnage si vivant dont les histoires et le vocabulaire
à la sauce italienne vous emmènent inévitablement dans un monde plein de
mouvement et de bonne humeur est l’archétype du napolitain (24).
Vingt ans après ses débuts en Belgique, le héros d’Attanasio est déjà traduit en
cinq ou six langues, et ses albums sont vendus à plus de 500.000 exemplaires
dans notre pays. La société Belvision, fondée en 1955 par Raymond Leblanc, le
directeur des éditions du Lombard, a réalisé des disques et un court métrage
intitulé Spaghetti à la romaine. Enfin, chaque semaine, Le Soir
illustré publiera un épisode des aventures du pétillant personnage.
Depuis son apparition en
1908, la BD italienne est très prolifique. Les auteurs font surtout dans le
style humoristique qui leur assure un large succès populaire. Les fumetti
s’adressent particulièrement aux enfants. L’araignée Gigi de Massimo
Mattioli ou encore les personnages de Lola
et Pepito de Luciano Bottaro ont occupé les rêves de milliers de petits
lecteurs. Dans un autre genre, Hugo Pratt (décédé en 1995) invite les grands
adolescents et les adultes à suivre les aventures inattendues de son héros
fétiche, Corto Maltese, aux quatre coins de la planète depuis 1967.
La présence d’Italiens
dans nos contrées va considérablement modifier les habitudes alimentaires tant
des immigrés que des Wallons.
Le métier de mineur
occasionne une énorme dépense d’énergie. La plupart des immigrés ne sont pas
accoutumés à ce genre de travail. Leur nourriture traditionnelle, pauvre en
calories (polenta, pâtes et pain), est insuffisante pour affronter les rigueurs
de la mine. Il leur faut donc sacrifier aux menus plus complets de leurs
compagnons de labeur. Fréquentant les écoles, les enfants font connaissance avec
les mœurs culinaires locales. Quelle n’est pas leur surprise de voir leurs
petits camarades belges se ruer sur les assiettes de macaronis à la cassonade.
L’effet de surprise passé, ils apportent cette nouvelle cuisine chez eux et la
font découvrir à leurs parents. Peu à peu, les frites, lards, omelettes,
ratatouilles et bières font leur apparition sur les tables italiennes.
Il existe des épiceries
typiquement italiennes dans nos villes dès l’Entre-deux-guerres. Elles sont
cependant peu nombreuses et leur clientèle est exclusivement limitée à la petite
colonie italienne. Avec l’arrivée massive de ces nouveaux travailleurs en 1946,
leur nombre va augmenter considérablement. Dans un premier temps, il s’agit
surtout d’immigrés d’avant 1940 qui apportent ainsi aux nouveaux venus un peu de
chaleur du pays. Par la suite, d’autres, tentant d’améliorer leurs conditions,
ouvrent leur petit commerce. Lorsque les Italiens s’installent dans les corons,
les épiceries de quartier vont tenter de répondre à la demande de cette nouvelle
clientèle. Les vitrines présentent bientôt des produits méditerranéens :
poivrons, courgettes, aubergines, etc... Dans ces mêmes quartiers s’ouvrent des
magasins italiens qui recréent l’ambiance du village. Ces commerces deviennent
le lieu de rendez-vous des femmes immigrées. On aime y discuter vivement des
dernières nouvelles du quartier ou du "pays", entouré des parfums des
charcuteries, des fromages et des olives baignant dans l’huile. Timidement, les
ménagères "wallonnes" découvrent ainsi, à deux pas de leur porte, les saveurs de
la Méditerranée. Ce phénomène d’élargissement de la clientèle est accentué par
la présence de commerçants italiens sur les marchés hebdomadaires dans les
grandes agglomérations telles que Charleroi, Liège, Namur et Mons. Bientôt, ils
en constitueront un élément primordial.
Il ne faut pas croire
pour autant que la découverte des produits méditerranéens se fait uniquement par
le biais, malgré tout limité, des petits commerces italiens, grecs ou espagnols.
Ceux-ci apparaissent dans les années 1960 et sont moins nombreux que leurs
collègues transalpins. Des magasins d’alimentation générale ouvrent leurs portes
et étalages aux produits "exotiques". Dès la fin de la guerre, les Belges
redécouvrent certains produits italiens déjà connus avant les événements de
1940. Il s’agit essentiellement de l’apéritif Cinzano. Le vermouth est présenté
comme un produit de grande classe idéal pour les réceptions (25).
Par la suite, les apéritifs italiens, Cinzano, Martini, Gancia et Campari sont
systématiquement présentés comme les éléments indispensables pour une soirée
réussie et comme des produits de luxe, signes extérieurs de richesse et de
réussite sociale (26). Des grandes chaînes de
magasins présentent aux consommateurs un certain nombre de produits
méditerranéens. Ainsi, en 1951, Delhaize-le-Lion fait de la publicité pour ses
vins italiens. Le petit fiasco (94 cl.) de Chianti Brolio rouge est à 58 francs
et le grand fiasco (250 cl.) se vend à 75 francs. En fait, les vins italiens
sont relativement chers. La bouteille de 70 cl. coûte alors entre 11 francs 50
et 22 francs, alors que le prix de la bouteille de Bordeaux ou de Beaujolais
varie entre 16 francs 50 et 22 francs (27). Il
est vrai qu’à l’époque, le consommateur belge moyen n’est pas grand amateur de
vins. Ces mêmes magasins commencent à proposer à la ménagère des concentrés de
tomates "100% italiennes" (Liebig en 1953), des boîtes de "soupe italienne"
(ex. : Marie Thumas en 1963 et Unox en 1965), de ravioli (ex. : Cuisto en 1965),
et l’huile d’olive (ex. : Filippo en 1968). De la même manière, les revues
périodiques amènent leurs lecteurs et surtout leurs lectrices à découvrir les
traditions culinaires transalpines. Si nous nous en tenons au cas du Soir
illustré, nous devons constater qu’il publie l’une ou l’autre recette à
l’occasion d’articles présentant des régions particulières de la péninsule (28)
ou des actrices. Enfin, à partir du mois d’avril 1959, la rubrique Votre
journal, Madame propose des recettes italiennes telles que l’Escalopina a
la Casalinga, l’entremets Zucott
ou un gratin de riz à la bolognaise. Les années 1950-1960 marquent donc bien
l’ouverture de nos palais aux saveurs méditerranéennes. Lentement, les Wallons
prennent l’habitude de voir et de sentir les parfums si particuliers des
cacciatore, mortadelle, prosciutto, parmesans, provolone,
mozzarella et goûtent les pâtes fraîches à toutes les sauces ainsi que les
nombreux vins de la péninsule (Chianti, Bardolino, Montepulciano, etc.). Aussi
pouvons-nous affirmer que les Italiens nous ont fait découvrir l’essentiel de
l’alimentation méridionale. Lorsque les Grecs, Espagnols, Maghrébins et Turcs
s’installent par la suite, ils trouvent déjà dans nos magasins le nécessaire
pour maintenir leurs habitudes alimentaires. Cela ne les empêchera pas d’ouvrir
leurs propres épiceries et d’apporter d’autres spécialités (les mezze,
feuilles de vignes farcies et zatzikis, la paella et le couscous).

B.2.3.
1970-1980 : de la coexistence à la cohabitation
Le début des années 1970
marque une nouvelle période dans l’histoire des migrations en Belgique.
Le renversement de
conjoncture économique incite le gouvernement à limiter l’accès au territoire
pour les travailleurs étrangers. Ceci ne remet pas en cause la coexistence des
diverses communautés. Des tensions naissent occasionnellement entre les
différents groupes, les uns se sentant à tort ou à raison lésés par rapport aux
autres. Et pourtant, les échanges entre ces différentes communautés culturelles
s’intensifient.
Différents facteurs
entrent en considération pour expliquer ce phénomène. D’une part, nous pouvons
certes déplorer une "ghettoïsation" de certains quartiers de banlieue des
grandes villes wallonnes (par exemple les quartiers de la Docherie ou Dampremy à
Charleroi). Cependant, même dans ces communes à très forte densité immigrée,
nous sommes toujours en présence d’un patchwork culturel.
D’autre part, l’extension
du tourisme de masse a contribué à faire voyager le Belge moyen dans des pays
toujours un peu plus éloignés : France, Italie, Grèce, Espagne, Turquie, Maroc
et, aujourd’hui, les pays asiatiques ou amérindiens. Au cours de ces voyages
exotiques, il découvre peu ou prou les mœurs et la cuisine locales. De retour au
pays, il désire retrouver cette ambiance estivale. C’est certainement là une des
raisons du succès croissant des restaurants italiens et grecs dans les années
1970, maghrébins et asiatiques dans le courant des années 1980. La tradition des
restaurants italiens est cependant bien plus ancienne. Avant 1914, les glaciers
et limonadiers italiens étaient déjà très populaires dans les rues de nos
grandes villes. En outre, les Italiens s’investissent beaucoup dans l’hôtellerie
et les cafés (29). Ensuite, les deuxième,
troisième et parfois quatrième générations d’immigrés, scolarisés en milieu
belge, sont plus ou moins profondément imprégnés de "culture wallonne". Ils se
distinguent à peine de leurs compagnons de classe. Ils ont adopté les modes
vestimentaires des jeunes de leur âge et parlent parfois mieux le français que
leur langue "maternelle", ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes au sein
des familles. Un certain contrôle familial semble cependant peser encore sur les
filles plus lourdement que sur les garçons. En effet, les pères et frères
veillent jalousement sur l’honneur des filles. Leurs fréquentations sont
davantage surveillées ainsi que leur apparence extérieure. Ce phénomène paraît
plus visible chez les Turques pour lesquelles le foulard est encore partie
intégrante de leur habillement. Ce n’est là qu’un exemple.
Enfin, l’extraordinaire
développement des moyens de communication et des médias ouvre considérablement
notre perspective. Tous les jours, de multiples informations et images nous
viennent des quatre coins du monde. La planète est devenue ce "grand village"
dont nous croyons tout connaître.
Dans ce nouveau contexte,
il est évident que la perception des immigrés est influencée par l’image de leur
pays d’origine à travers un certain nombre d’événements et de produits autant
que par leur propre production.
Nous laisserons ici de
côté les événements politiques (guerre civile, par exemple) qui ne sont pas de
notre ressort. De la même manière, nous ne prétendrons pas énumérer de manière
exhaustive les apports de ces diverses composantes de notre univers.
Par leur proximité
géographique et à cause du poids de l’histoire, les pays européens, dont
l’Italie, paraissent prédominants.
L’industrie automobile
est un des premiers secteurs touchés de plein fouet par la crise énergétique des
années 1970. Face à l’augmentation brutale du prix du pétrole, les consommateurs
exigent des véhicules qui ne consomment pas trop d’essence. Les producteurs se
lancent ainsi dans une course à l’innovation. Chacun essaie de sortir le modèle
le plus performant, alliant puissance du moteur, consommation économique,
confort de conduite et esthétique. Dans ce contexte, les producteurs américains
et européens ont fort à faire pour contenir la vague déferlante de l’automobile
nipponne. Nissan, Toyota et Mitsubishi s’imposent rapidement sur le marché
européen. La Belgique échappe d’autant moins à ce phénomène qu’elle ne produit
plus de marque nationale depuis longtemps.
Le groupe Fiat est alors
le producteur italien le plus représenté chez nous. En 1968, il domine le marché
belge avec ses modèles 124
et 850. Les trois plus grandes marques transalpines (Fiat, Lancia et Alfa
Romeo) font mieux que les ventes cumulées de VW-Audi-NSU en 1974 encore. Mais la
roche tarpéenne est proche du Capitole. Dès l’année suivante, les ventes des
voitures italiennes en Belgique chutent rapidement : 3,5 % en 1985 et 2,8 % dix
ans plus tard pour les seules Fiat. Les raisons de cette chute sont multiples,
mais on peut certainement relever une méconnaissance du climat "belge" et son
impact sur les carrosseries. Ces déconvenues (ex. : la Ritmo et la
Regata) ont brisé la réputation des italiennes, autrefois si fiables. Depuis
le début des années 1990, la direction turinoise du groupe Fiat part à la
reconquête du marché en lançant un vaste programme d’investissements, de
rationalisation et de renouvellement des modèles (ex. : la Fiat Punto en
1993).
Le cinéma européen entre
également dans une période critique, surtout à partir de 1980. Cette crise tient
à deux facteurs essentiels : un manque chronique de moyens financiers et une
crise identitaire.

L’industrie
cinématographique américaine dispose de moyens financiers considérables qui lui
permettent de miser sur des effets spéciaux toujours plus sophistiqués et de
mettre sur pied des campagnes de promotion proches du matraquage publicitaire.
En outre, s’il reste des réalisateurs de grande qualité, il est de plus en plus
évident que les producteurs escomptent une rentabilité à court terme. Les
Européens assistent à l’invasion de leurs écrans par des productions purement
commerciales venant d’outre-Atlantique. Les ingrédients de base sont aujourd’hui
unanimement dénoncés : violence et sexe ou le mélodrame à outrance. Face à cette
nouvelle donne, le cinéma européen se divise et s’enlise.
Certains estiment qu’il
faut emboîter le pas aux Américains car, manifestement, ce genre de film plaît,
à en croire les taux de fréquentation des salles. Au moment où les spectateurs
ont tendance à bouder le cinéma au profit de la télévision, il ne faut pas faire
la fine bouche.
D’autres, au contraire,
sont convaincus que le cinéma européen ne pourra survivre que s’il préserve son
identité. Ceux-là entendent persévérer dans la réalisation de films plus
réfléchis, de films moins "primaires". Ce cinéma dit "d’auteur" est cependant
confronté à un phénomène typique de cette époque. L’industrie cinématographique
est considérée par les grands argentiers comme une industrie à part entière.
Pour eux, il n’y a pas de différence fondamentale entre vendre un film et vendre
des voitures, par exemple. Ce doit être immédiatement rentable. Ils privilégient
donc les productions de pur divertissement, plus susceptibles d’attirer un large
public. Pour les autres, c’est le parcours du combattant, d’autant qu’ils ne
peuvent compter sur d’éventuels subsides publics. Les autorités politiques sont
confrontées à d’autres priorités. La dernière décennie de ce siècle semble
pourtant marquer une évolution. Non seulement un certain public reste attaché au
cinéma "d’auteur", mais certaines réalisations, a priori peu
commerciales, peuvent connaître un grand succès de foule. Entre autres œuvres de
grande qualité, nous soulignerons les cas de Nouveau Cinéma Paradiso,
Le Maître de Musique
(1987), Toto le Héros (1991) ou encore Farinelli en 1994. Par
ailleurs, les pouvoirs publics prennent conscience de l’importance du cinéma et
de la télévision dans la formation de l’identité culturelle du public. Le
principe du libre échange des biens, âprement défendu par les Etats-Unis, menace
d’inonder les écrans (petits et grands) des productions américaines et
japonaises. Pour contrer ce risque de perte d’identité, les Européens affirment
le principe de l’exception culturelle.
Parmi les pays
d’émigration représentés en Belgique, seule l’Italie a une grande tradition
cinématographique. Le cinéma grec est totalement méconnu, à quelques rares
exceptions près. Le cinéma espagnol est davantage connu grâce, notamment, aux
œuvres de Luis Buñuel et de Pedro Almodovar qui nous donnent une certaine image
d’une Espagne tournant résolument le dos à l’ère franquiste. Ils insistent
surtout sur une liberté des mœurs qui contredit le stéréotype d’un pays
catholique conservateur et, ce, sur un ton parfois fort léger.
Dès les années 1960, un
nouveau genre cinématographique fait son apparition sur la scène internationale.
Il s’agit de combattre l’influence américaine sur son terrain de prédilection :
le western. Des réalisateurs italiens se lancent dans le pastiche de cette veine
très populaire. Rapidement, quelques noms émergent dont nous ne retiendrons que
Sergio Leone qui manifestera un grand savoir-faire en la matière et signera
quelques beaux succès (Le bon, la brute et le truand en 1966, Il était
une fois dans l’Ouest en 1968 et Il était une fois la révolution en
1971). C’est la grande époque des "western-spaghetti" qui se poursuivra jusque
tard dans les années 1970. Ces films de divertissement et néanmoins de qualité
sont rehaussés par le talent de grandes vedettes américaines telles que Clint
Eastwood ou Paul Newman. De plus, les génériques musicaux connaîtront parfois un
réel succès indépendamment des films. Un compositeur se fait tout
particulièrement remarquer : Ennio Morricone. Cette veine va toutefois sombrer
dans la caricature et la comédie grossière avec les fameux Bud Spencer et
Terence Hill.
Un autre créneau porteur
du cinéma italien est le film politiquement engagé. Les soubresauts de la vie
politique transalpine donnent de nombreux sujets de réflexion et de critique aux
réalisateurs : les méfaits de la mafia, la corruption de l’appareil étatique, le
terrorisme noir (ex. : l’attentat de l’express Rome-Munich en 1974) ou d’extrême-gauche
avec les tristement célèbres Brigades rouges (ex. : enlèvement et assassinat du
leader démocrate chrétien Aldo Moro en 1978).
A côté de cela, les
grands maîtres des années 1950-1960 continuent leur œuvre et trouvent même des
successeurs en la personne de Dino Risi, Luigi Comencini, Mario Monicelli, et
Ettore Scola. Cela ne suffit pourtant pas pour résister efficacement au désastre
provoqué par la télévision. L’émergence de chaînes de télévision privées
commerciales bouleverse les données. Elles commandent une grande quantité de
téléfilms d’aventures ou d’histoires sentimentales destinés à un large public
peu exigeant sur la qualité de ce qui leur est projeté. A l’image du reste de
l’Europe mais plus rapidement que la France ou l’Angleterre, le cinéma italien
entame une longue traversée du désert. Les années 1990 semblent cependant
marquer le début d’une renaissance du cinéma de qualité. Bernardo Bertolucci
occupe l’avant-scène avec des superproductions comme Le dernier Empereur
en 1987. Plus discrètement, de jeunes réalisateurs jettent les bases d’un
nouveau cinéma d’auteurs. Nani Moretti en est un piliers incontournable. Dans
ses œuvres (Ecce Bombo, Bianca, La messa e finita, La Palombella, Rossa, Caro
Diario), il critique sur un ton de comédie les travers et hypocrisies de la
société italienne.
Bien moins connu chez
nous, le cinéma arabe est cependant florissant.
Le 7ème art "arabe" est
en effet réservé au public privilégié des festivals internationaux comme ceux de
Cannes, Bruxelles, Namur ou le festival du cinéma méditerranéen. En dehors de
ces cercles restreints, ces films sont projetés dans de petites salles de
cinéphiles. Au cours de ces soirées "arabes", musique traditionnelle et
dégustation de spécialités accompagnent parfois la projection du film. Quelques
réalisateurs parviennent ainsi à se faire connaître chez nous : l’Egyptien
Youssef Chaline (Adieu Bonaparte et
Le sixième jour), le Tunisien Ferid Boughedir (Halfaouine, L’enfant des
terrasses) ou encore Moufida Tlatli (Les silences du palais). Ce
cinéma illustre également une société musulmane partagée entre tradition et
modernité.
A côté de ce cinéma
d’importation, qu’en est-il de notre propre production cinématographique ? Il
paraît bien malaisé de distinguer les productions purement wallonnes des
produits "bruxellois". Il conviendrait sans doute mieux de parler de cinéma
francophone de Belgique.
On ne peut pas dire que
la Belgique ait une véritable tradition cinématographique avant 1940. Le cinéma
belge se partage alors en trois grands courants : la comédie populaire qui
développe une image folklorique et peu flatteuse de la population belge (avec
entre autres Gaston Schoukens), le documentaire dans la veine de Charles
Dekeukeleire, Henri Storck et André Cauvin. Enfin, vient le cinéma d’essai qui
sera marqué par le mouvement surréaliste (Edmond Bernhard, Paul Haesaerts,
Ernest Moerman et Marcel Marien).

Les années 1960 marquent
la véritable naissance du cinéma belge. On assiste alors à une véritable
explosion de la production. Deux auteurs deviennent rapidement les véritables
piliers de ce renouveau : Paul Meyer et André Delvaux. A la même époque, des
structures officielles se mettent en place pour venir en aide aux réalisateurs :
le Ministère des Affaires économiques accorde des subventions à la production
dès 1963 et le Ministère de la Culture française met sur pied une commission de
sélection pour l’aide à la production en 1967. En outre, deux grandes écoles de
cinéma voient le jour : l’IAD et l’INSAS. Ce nouveau cinéma belge s’inscrit
manifestement dans la mouvance de la Nouvelle Vague française et du grand cinéma
italien.
Depuis 1975, la
production belge se distingue par des œuvres de "grande culture" (Gérard Corbiau,
Marion Hansel, Jaco Van Dormael, etc.) et un cinéma d’auteur très dynamique même
s’il n’est pas toujours reconnu à sa juste valeur (Thierry Zeno, Boris Lehman,
Samy Pavel, ...). Si l’immigration en tant que telle n’est pas un thème
privilégié de cette production, il nous paraît plus opportun de souligner
l’apport des enfants de l’immigration au 7ème art belge. D’immigration récente
(ex. : Michel Khleifi) ou plus ancienne (ex. : Eve Bonfanti), ils sont nombreux
à s’exprimer par la caméra. En outre, nous pouvons parler de l’existence d’un
véritable "cinéma juif de Belgique" avec les réalisateurs Boris Lehman, Samy
Szlingebaum, Maurice Rabinowicz et l’incontournable Chantal Akerman.
Enfin, s’il n’y a guère
de films sur le phénomène de l’immigration à proprement parler, le thème du
déracinement et de la crise identitaire est récurrent. Dans Le Fils d’Amr est
mort de Jean-Jacques Adrien (1975), un jeune Belge vit l’expérience de
l’exil en recherchant le passé de son ami tunisien décédé. De même, Marian
Handwerker s’attache à la jeunesse menacée et au déracinement (Marie, en
1992, avec Marie Gillain). De leur côté, les frères Dardenne, surnommés les
"Taviani belges" par la critique, montrent une Wallonie à la recherche d’un
avenir qui semble exiger d’elle l’abandon de son passé, de son identité (Pour
que la guerre s’achève les murs devaient s’écrouler en 1980, Je pense à
vous
en 1992 ou encore La Promesse en 1996).
Durant les vingt
dernières années, les habitudes alimentaires des Wallons ont poursuivi
l’évolution entamée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le mode de vie
est de plus en plus sédentaire. Il est donc superflu d’absorber une nourriture
trop riche, les graisses et sucres étant moins rapidement éliminés. La mode est
à la minceur (certains diront même à la maigreur !). Les magazines féminins
présentent une multitude de recettes diététiques et vantent les mérites de
produits hypocaloriques, d’eaux minérales et de yaourts indispensables pour le
maintien d’une ligne svelte.
Dans le même temps, nos
habitudes alimentaires se sont ouvertes aux saveurs venues d’ailleurs. Les
produits méditerranéens sont entrés dans nos mœurs et font partie intégrante de
notre table. Ainsi, la pizza, popularisée par les soldats américains après le
débarquement d’Italie, et les spaghetti sauce tomate trônent en tête du
hit-parade de nos menus aux côtés du sacro-saint steak - frites - salade.
Personne aujourd’hui n’est étonné de trouver, dans son supermarché, les
ingrédients indispensables pour préparer des petits plats "exotiques" : de la
moussaka au couscous
en passant par le tiramissu sans oublier les nems et autres
nasy goreng. Le succès des très nombreux restaurants italiens, grecs,
maghrébins, thaïlandais et chinois est également symptomatique de ce phénomène.
Enfin, les jeunes générations vivant à un rythme effréné sont plus sensibles à
la restauration rapide, importée des Etats-Unis. Comme presque partout ailleurs
dans le monde, les McDonald et Quick ont investi les rues wallonnes. Les Pizza
Hut, créés aux Etats-Unis également, répondent au même souci de satisfaire
rapidement une clientèle toujours pressée. Enfin, apparaissent des fast food
asiatiques.
D’autres domaines
culturels sont bien évidemment touchés par ce phénomène de mondialisation et
donnent l’occasion à de nombreux jeunes Wallons issus de l’immigration de
s’illustrer. Nous nous limiterons ici à passer en revue quelques secteurs : la
mode, la bande dessinée, la littérature, les arts plastiques, les sports, la
musique et le spectacle en général. La mode vestimentaire constitue presque un
monopole européen, en ce sens que la toute grande majorité des créateurs sont
originaires du Vieux Continent. Si les rendez-vous des défilés parisiens
constituent les grands moments "liturgiques" de la haute couture, force est de
constater qu’une majorité de couturiers sont Italiens : Giorgio Armani, Gianni
Versace, etc. Les mêmes, d’ailleurs, prêtent leur nom à toute une panoplie de
parfums et eaux de toilette, pour femmes comme pour hommes. D’autres part, les
boutiques Max Mara et Benetton sont bien présentes dans les artères commerciales
de nos grandes villes et attirent, malgré des prix parfois peu démocratiques,
une clientèle – jeune ou moins jeune – importante. Jusqu’ici peu présente sur le
marché, la création belge commence à s’afficher publiquement. De jeunes
stylistes de chez nous pointent aux côtés des plus grands. L’un d’entre eux,
créateur de chapeaux pour le moins extravagants, se fait une renommée qui
dépasse nos frontières régionales. Quatrième enfant d’une famille venue des
Abruzzes en 1950, Elvis Pompilio revendique ses origines immigrées tout en se
sentant parfaitement chez lui sous le ciel de Wallonie.
La bande dessinée se
porte également très bien dans ce contexte morose des années 1970-1980. Le
public y trouve une source d’évasion et de divertissement qui lui permet
d’oublier quelque peu les tracas du quotidien. La BD pour adultes profite
grandement de l’imagination fertile des auteurs. Là encore, les Italiens se
distinguent. L’érotisme mesuré et presque poétique de la Valentina
de Crepax laisse bientôt la place à une certaine dérive pornographique dans
l’œuvre de Milo Manara (Le Déclic, Le Parfum de l’invisible
et Giuseppe Bergman). De son côté, Hugo Pratt poursuit une carrière
exemplaire et vieillit avec son mercenaire solitaire Corto Maltèse,
toujours à la recherche de son identité profonde.
La BD belge et wallonne
en particulier est marquée de l’empreinte migratoire. Un certain nombre
d’auteurs sont issus de l’immigration. Il faut encore souligner ici que, si les
Italiens sont mieux représentés, c’est sans nul doute à cause de l’ancienneté de
leur présence sur les bords de la Sambre et de la Meuse. Je ne citerai que les
exemples d’Antonio Cossu (genre fantastique) et Francesco Altan. Le thème de
l’immigration est, quant à lui, utilisé comme toile de fond à un album de
Warnauts-Raives (30).

Les arts plastiques sont
influencés par une recherche de l’esthétique dont le design italien n’est pas
absent. Les boutiques proposent des produits Alessi. Les cristallerie du
Val-Saint-Lambert engagent, dès 1947, des verriers vénitiens dont quelques-uns
influenceront de manière substantielle la production de l’entreprise liégeoise
vingt ou trente ans plus tard.
Alors que des pays,
jusqu’ici sans tradition sportive, comme le Maroc, l’Ethiopie, le Sénégal ou le
Soudan percent sur les stades et dans les compétitions internationales, les
clubs belges alignent toujours plus de sportifs étrangers. Mais, à côté de ces
étrangers fraîchement arrivés en Belgique dans le but de faire carrière, un
certain nombre de "nationaux" sont issus de l’immigration. Le cas d’Enzo Scifo,
capitaine des Diables rouges, est significatif. Il n’est cependant pas le seul.
A l’ombre de ces grandes stars médiatiques, évoluent de nombreux anonymes qui
rêvent de gloire et de fortune. Les clubs sportifs, de football en particulier,
recrutent ainsi une multitude de futurs jeunes champions italiens, espagnols,
turcs ou maghrébins. Dans des quartiers plus défavorisés, se mettent en place
des clubs "maghrébins", ou autres (31). Ces
clubs disposent souvent de très faibles moyens et doivent se battre
quotidiennement pour survivre. Pourtant, ils constituent un des derniers lieux
de socialisation pour ces jeunes souvent confrontés au décrochage scolaire. Là,
ils sont pris en main par des responsables issus de leur milieu qui leur donnent
un cadre de vie structuré. Par les confrontations sportives avec des clubs
"wallons" ou même avec les forces de l’ordre, ils ont l’occasion de donner une
image positive d’eux-mêmes.
Les rayons des librairies
s’ouvrent progressivement à la "mondialisation" de la production littéraire.
Bien avant 1970, le lecteur wallon pouvait partir à la découverte de nouveaux
horizons par l’intermédiaire d’une abondante littérature qui plaçait ses héros
en terre étrangère ou par les récits de voyages de nos contemporains. Cette
ancienne tradition remonte au XVIIIème siècle, époque où le tourisme était
réservé à une infime minorité de la population. Au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, cette veine se raréfie mais ne disparaît pas totalement. Ainsi,
des personnalités comme Léo Moulin, Fred Van der Linden ou Robert Goffin feront
part de leurs impressions de voyage en publiant livres et séries d’articles.
D’autres adoptent un style plus journalistique et décrivent des régions
pittoresques ou des situations sociales poignantes. L’Australien Morris West
publie en 1957 Children of the Sun, édité sur le marché francophone par
les éditions Plon sous le titre Les Enfants du Soleil. Sur un ton de
reportage, l’auteur décrit les conditions de vie des enfants des quartiers
pauvres de Naples en 1956. Certains pays d’émigration à la tradition littéraire
plus affirmée tiennent une place particulière dans ce courant néoréaliste.
L’Italie, source d’inspiration de nombreux auteurs belges et étrangers, produit
elle-même quelques œuvres remarquables. Comme le cinéma, la littérature
péninsulaire s’adonne au reportage social, enregistre le quotidien de la
bourgeoisie ou du petit peuple. Nous pouvons souligner ici le succès de Cesare
Pavese avec Le Bel Eté ou encore Les Femmes de Messine d’Elio
Vittorini en 1949.
Il serait vain et
fastidieux d’énumérer les auteurs belges, français, italiens ou autres qui
contribuent à l’enrichissement de notre patrimoine littéraire. Quelques noms
suffisent à démontrer l’importance de la création. Des gens tels que Dino
Buzzati, Umberto Eco, Gabriel Garcia Marquez, Tahar Ben Jelloun et Amin Maalouf
sont devenus des monuments incontournables, qu’ils soient traduits ou
directement rédigés en français.
Notre propos est plutôt
de nous demander si le phénomène de l’immigration a trouvé un écho dans la
production littéraire tant dans la partie francophone de notre pays que dans les
pays d’émigration. Ne disposant pas d’informations suffisantes sur ce qui se
publie dans les pays du Maghreb et en Turquie, nous nous limiterons à quelques
considérations à partir de la situation européenne. Manifestement, l’émigration
a laissé des traces dans l’imaginaire collectif. Pierre Mertens (32)
relève ainsi un extrait de Hors les murs du grec Vassilis Vassilikos. Peu
après un tremblement de terre, une vieille villageoise s’écrie : Nous
n’allons tout de même pas mourir ici comme dans une mine belge ! En 1995,
les Editions Actes Sud publient un recueil de nouvelles et de récits de
Pasolini. Un de ces récits, Davide en Belgique, met en scène un jeune
Frioulan du nom de Davide émigré en Belgique à la fin de la guerre. De retour au
village pour de brèves vacances, le héros décrit longuement à ses amis le
travail de la mine, la vie de coron et les relations avec les autres mineurs,
Polonais, par exemple.

Dans les années 1970, se
développe une veine particulière de la littérature française de Belgique.
Désormais, les enfants de l’immigration et parfois leurs parents prennent la
plume. Ils racontent leur expérience de l’immigration, de l’exil et de
l’installation en terre étrangère. Dans un second temps, certains auteurs
abandonnent cette inspiration autobiographique pour se lancer dans une
littérature de pure fiction romanesque ou poétique. Il semble que le phénomène
soit encore rarissime pour les derniers venus. Si ce n’est dans le cadre d’une
littérature scientifique (sociologie, économie, etc.) produite dans le giron des
institutions universitaires, on ne trouve pas d’auteurs issus des populations
maghrébines, turques ou africaines. Par contre, les Italo-Belges paraissent bien
présents dans ce secteur. Une équipe menée par Anne Morelli a publié une
Anthologie de la littérature des Italiens de Belgique (33).
Les auteurs de cet ouvrage ont voulu analyser l’expression de la communauté
italienne de Belgique. Ils ont relevé les œuvres publiées depuis 1946 par des
Italiens ayant longtemps vécu en Belgique. Ils dénombrent ainsi pas moins de 70
écrivains amateurs et professionnels. Il faudrait encore en ajouter de nombreux
autres qui n’ont jamais publié leurs œuvres. Il apparaît que les Italiens ont
l’écriture dans la peau. La première génération, composée essentiellement
d’anciens mineurs, s’est illustrée dans deux genres littéraires fort
différents : la poésie, fort populaire en Italie (par exemple Walter Vacca), et
le témoignage rappelant avec force nostalgie le traumatisme du départ vers une
terre inconnue et les premiers pas dans l’univers minier (ex. : Antonio Bonato).
La deuxième génération d’auteurs a souvent été scolarisée en Belgique. Elle
adopte de préférence l’expression romanesque ou théâtrale (ex. : Pietro Pizzuti).
Les thèmes abordés par cette nouvelle vague diffèrent également de ce qui a
précédé. Ces jeunes auteurs s’attardent plus volontiers sur le mythe des
origines (ex. : Girolamo Santocono) ou la construction identitaire (ex. : Diego
Marani). Ayant épuisé ce thème, leurs préoccupations s’insèrent dans la
thématique des écrivains "belges" de leur génération (ex. : Thilde Barboni).
Le monde du
spectacle et de la variété est certainement le plus perméable aux influences
extérieures.
Déjà dans les années
1950-1960, la production musicale française était soumise à la vague déferlante
de nouveaux rythmes venus des pays anglo-saxons. Non seulement les chanteurs d’outre-Atlantique
ont un réel succès auprès des jeunes Européens, mais de jeunes chanteurs et
musiciens français adoptent ces genres nouveaux et la langue de Shakespeare.
Dans le même temps, les ondes radio se laissent envahir par des sonorités plus
méditerranéennes.
Dans les années 1970, le
monde de la variété est littéralement envahi par la musique anglo-saxonne. Les
grandes gloires des Golden Sixties poursuivent sur leur lancée (les
Beatles, les Doors, Bob Dylan, etc.). Elles sont bientôt accompagnées
de nouveaux venus dans le monde du show-business : les Eagles, Dire
Straits, Bob Marley, Abba, ACDC, etc. Les grands courants
musicaux sont souvent à l’origine de courants de mode suivis par des millions de
jeunes gens de par le monde. C’est l’âge d’or de la société de consommation.
L’univers musical se
caractérise par une grande diversité de genres qui se partagent alors les
hit-parades. Cela va de la chanson contestataire à connotation politique ou
écologiste à la pure variété qui n’a d’autre ambition que de faire danser le
temps d’un été. La chanson italienne fait bonne figure dans ce registre. Tout le
monde a encore en mémoire quelques paroles et mélodies de ces chanteurs à la
voix cassée : Umberto Tozzi, Adriano Celentano, Toto Cutungo, Riccardo Cocciante
ou Gianna Nannini. Après un certain passage à vide, la musique italienne semble
revenir en force sur le marché belge avec le phénomène Eros Ramazotti.
La communauté italienne
de Wallonie paraît être une véritable pépinière de talents. Dans la brèche
ouverte par le pionnier Salvatore Adamo se lancent d’autres "chanteurs de
charme" : Frank Michaël, Frédéric François (alias Francesco Barracato), Claude
Barzotti ou encore Sandra Caldarone, mieux connue sous son nom de scène, Sandra
Kim, qui représenta la Belgique au Grand Prix Eurovision de 1986.
Cette profusion
d’artistes "reconnus" issus de la communauté italienne de Belgique s’explique en
grande partie par la profusion des associations culturelles et le goût immodéré
des Italiens pour la musique et pour le spectacle. On ne compte plus les
concours et festivals de la canzone italiana.
Le début de cette
décennie marque un tournant décisif. Le Concours Eurovision de la chanson nous
avait déjà mis en contact avec de chanteurs espagnols, grecs, turcs et
israéliens. Dorénavant, les grandes maisons de disques s’intéressent également à
ce qui se fait hors des limites du monde occidental. Ainsi, la mode World
Music : des artistes de renommée internationale tels que Peter Gabriel
parrainent des artistes africains, asiatiques et indiens. Par ailleurs,
d’Afrique du Nord, surtout d’Algérie, monte un cri de révolte, de contestation
face à une situation économique et politique qui se dégrade. C’est la musique
raï
dont l’une des vedettes les plus médiatisées est sans conteste le très
sympathique Khaled. La musique raï est en fait un étonnant mélange de
musique traditionnelle
kabyle et de musique occidentale (rock, etc.). Plus timidement,
mais avec beaucoup de talent, le groupe féminin Djur Djura nous fait connaître
les chants traditionnels qui, sans ces artistes, resteraient limités au public
immigré.
Au même moment, se
développe la vague Rapp. Venue des Etats-Unis, cette nouvelle musique qui
plaît aux jeunes est l’expression du profond désarroi des banlieues déshéritées.
Cette forme d’expression musicale qui demande peu de moyens est particulièrement
prisée par les jeunes issus de l’immigration africaine ou maghrébine. Naissent
ainsi de très nombreux groupes dont quelques-uns connaîtront un certain succès
(le groupe Benny B, par exemple). Les génériques des émissions de
télévision révèlent également l’émergence des deuxième voire troisième
générations dans les équipes techniques. Rares sont encore les animateurs même
si Sam Touzani, par son attitude cool et branchée, semble avoir un
certain charisme auprès des jeunes téléspectateurs de la RTBF.

Conclusion
Depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale, la Belgique, et en particulier la Wallonie
industrielle, a été confrontée à d’importants flux migratoires. La
reconstruction du pays exigeait une remise en état rapide des industries de
base : charbonnages et sidérurgie. Le gouvernement maniera la carotte (salaires
alléchants) et le bâton (mobilisation civile des travailleurs) mais cela ne
suffira pas pour faire descendre les Belges dans les mines où le travail est
pénible et dangereux. L’embauche de main-d’œuvre étrangère s’impose alors. Dès
la seconde moitié des années 1950, l’industrie doit faire face à une demande en
pleine croissance. La population active belge ne suffit pas et se détourne des
emplois jugés peu salubres au profit du secteur tertiaire en plein
développement. Les travailleurs immigrés sont toujours indispensables à l’essor
économique de notre pays. Ces conditions économiques favoriseront leur
intégration ou, à tout le moins, leur insertion dans la société wallonne, même
si l’accueil n’a pas toujours été chaleureux. Le retournement de conjoncture du
début des années 1970 vient bouleverser le processus en cours de réalisation.
L’accueil réservé en 1946
aux Italiens n’est guère sympathique. Bien sûr, ils sont nécessaires pour gagner
la "Bataille du Charbon", mais l’Italie n’était-elle pas du côté de l’Allemagne
nazie pendant la guerre ? Dès le départ, un certain nombre d’a priori
courent dans l’opinion belge au sujet des Italiens. A croire que les événements
de 1940-1945 ont effacé de nos mémoires la présence italienne d’avant-guerre.
Dans les quartiers de
corons, on les désigne rapidement comme des gâcheurs de métier car ils
"acceptent" de travailler dans des conditions inhumaines et montrent un zèle
excessif; ils travaillent comme de véritables forçats au mépris de la sécurité
pour gagner quelques sous de plus. Assez curieusement ils sont également
présentés comme de fieffés paresseux, surtout les Italiens du Sud. Cette image
leur collera longtemps à la peau. Ainsi, dans les années 1970, le chanteur
Carlos "cartonnait" dans les hit-parades avec le titre A la moutouelle.
Par ailleurs, les autorité les tiennent pour des fauteurs de troubles
potentiels. Dès le recrutement en Italie, ils sont "triés" par la Sûreté de l’Etat,
en cas de rupture de contrat ou d’activité politique et syndicale, ils sont
internés au Petit-Château et expulsés manu militari. Alors que les
privations héritées de la guerre frappent encore lourdement la population,
celle-ci soupçonne les patrons et les autorités locales de choyer les nouveaux
venus en leur accordant des privilèges en matière d’habitat et
d’approvisionnement en charbon (34).
Pourtant, les conditions
de logement ne sont guère attrayantes. Vivant dans des habitats collectifs ou
entassés avec leurs familles nombreuses dans de petites maisons ouvrières, ils
se taillent rapidement une réputation de gens bruyants, vivant sur le pas de la
porte et très prolifiques. Paradoxalement, si on leur reproche parfois d’être
sales, se développe l’image de l’Italien toujours gai, prêt à chanter en toute
occasion et particulièrement soucieux de son élégance. Enfin, braves gens,
surveillez bien vos jeunes filles, les Italiens sont d’irrésistibles
séducteurs !
Ces stéréotypes de
l’Italien sont accentués par les images que nous en donne le cinéma. Marcello
Mastroianni, dans La Dolce Vita de Fellini, est l’exemple même du
latin lover. La femme italienne est particulièrement choyée par les
réalisateurs. Elle est l’incarnation même de la Beauté, ses formes sculpturales
suscitent la libido du spectateur et la jalousie des épouses. Enfin, dans une
explosion de gestes et de paroles, les Mangano, Lollobrigida, Loren, etc.
illustrent le caractère passionné des Méditerranéennes.
On le voit, en matière de
caricature et de stéréotype accolés à l’Etranger, l’opinion publique ne recule
devant aucun paradoxe, aucun contresens. Il n’est malheureusement pas rare
d’entendre dire que les étrangers, surtout les "Arabes" et les Turcs, prennent
l’emploi des Belges et, en même temps, profitent honteusement des allocations de
chômage. Tout prête aux sarcasmes et au mépris lorsqu’il s’agit de l’Inconnu.
Alors que les contacts entre les deux communautés se multiplient, les
autochtones apprennent à connaître leurs hôtes. Ces stéréotypes ont tendance à
s’estomper pour se porter avec une nouvelle vigueur sur de nouveaux arrivants.
Ces nouveaux venus sont d’autant plus sujets à quolibets et humiliations que la
différence culturelle paraît grande.
Un dernier facteur dont
il faut tenir compte est le contexte économique général. Lorsque la conjoncture
est bonne, il n’y a pas de véritable compétition sur le marché de l’emploi.
L’insertion dans la société d’accueil est favorisée par la cohabitation sur les
lieux de travail. Par contre, lorsque la crise frappe et que le travail se fait
rare, l’Etranger est perçu comme une menace ou comme un fardeau trop lourd pour
la société. Dans ce contexte, resurgissent les réactions de rejet exploitées par
des mouvements politiques sans scrupules.

Notes
1. P.
TILLY, Les Italiens de Mons-Borinage. Une longue histoire, Bruxelles, Ed.
Vie ouvrière, 1996.
2. Ainsi, le dessinateur Morris, le père de Lucky Luke,
séjourne aux Etat-Unis entre 1947 et 1949.
3. J. FOURASTIE, Les Trente Glorieuses ou la révolution
invisible de 1946 à 1975, Paris, Fayard, 1979.
4. Il est évident que les Italiens ne sont pas les seuls à
venir chercher du travail en Belgique après guerre. Ainsi, des Baltes et des
Marocains travaillent dans les charbonnages borains en1947 (A. JANS, Les
étrangers dans nos mines, dans Le Soir illustré, n° 801, 30.10.1947).
5. Voir à ce sujet L. BLANCHART, La réforme
institutionnelle italienne : 1946-1948. Approche de l’opinion belge, Mémoire
de licence en Histoire, UCL, 1990.
6. G. SANTOCONO, Rue des Italiens, coll. Faits et
gestes, Cuesmes, Ed. du Cerisier, 1986.
7. Dans Le Soir illustré, n° 1.400, 23.04.1959.
8. Y. DE PARTZ, En route vers la résurrection ?, dans
Eco-Soir, 19.04.1996
9. H. FRANCOIS, Sous le soleil de Rome, dans Le
Soir illustré, n° 1.255, 12.07.1956.
10. Dans Le Soir illustré, n° 1.406, 04.06.1959.
11. Dans Le Soir illustré, n° 1.407, 11.06.1959.
12. M. DUMOULIN, Découvertes de l’Italie par les Belges
aux 19ème et 20ème siècles ou la psycho-géographie d’un malentendu, dans M.
DUMOULIN et H. VAN DER WEE (dir.), Hommes, Cultures et Capitaux dans les
relations italo-belges aux XIXème et XXème siècles, Actes du colloque de
Rome du 20 au 23 novembre 1989, Bruxelles-Rome, 1993, p. 115-136.
13. H. LIEBRECHT, Sous le signe du lion et de la louve.
De la place Saint-Marc au forum romain, dans Le Soir illustré, n°
1.015, 06.12.1951.
14. Dans Le Soir illustré, n° 959, 09.11.1950.
15. Dans Le Soir illustré, n° 999, 16.08.1951 et n°
1124, 07.01.1954.
16. Dans Le Soir illustré, n° 1.089, 07.05.1953.
17. Dans Le Soir illustré, n° 1.175, 30.12.1954.
18. Dans Le Soir illustré, n° 1.174, 23.12.1954.
19. Dans Le Soir illustré, n° 1.180, 03.02.1955.
20. Th. COLJON, La renaissance italienne. Pourquoi
est-ce quand tout va mal que les chansons se portent le mieux ?, dans MAD,
Supplément au Soir, 18.05.1994.
21. Dans Le Soir illustré, n° 1.479, 27.10.1960.
22. Dans Le Soir illustré, n° 1.293, 04.04.1957.
23. Interview réalisé par P. STEVENS, dans Télémoustique,
23-29.03.1996.
24. Dans Le Soir illustré, n° 1.976, 07.05.1970.
25. Publicité dans Le Soir illustré, n° 808,
18.12.1947.
26. Par exemple, les publicités pour le Cinzano et l’Asti
Gancia dans Le Soir illustré, n° 1.432, 03.12.1959 et n° 1.434,
17.12.1959.
27. Publicité de Delhaize-le-Lion dans Le Soir illustré,
n° 1005, 27.09.1951.
28. Par exemple, Le Soir illustré, n° 1.031, du
27.03.1952 présente la fête traditionnelle du "Risotto
et du Millegusti" d’Ascona.
29. Ainsi l’Hôtel d’Italie à Mons tenu par la famille Zonca
dès 1921 (dans P. TILLY, Op. cit., p. 56) ou le restaurant de Luigi
Lazzarelli à la rue des Marais à Bruxelles cité par L. MOULIN, Le boire et le
manger : l’Italie en Belgique, dans M. DUMOULIN et H. VAN DER WEE (dir.),
Op. cit. p. 183-189.
30. WARNAUTS-RAIVES, Intermezzo, coll. Studio,
A suivre, Casterman, 1993.
31. Ainsi le club Atlas à Bruxelles.
32. P. MERTENS, Sur quelques pages de Pasolini... à
propos de la Belgique, dans MAD, Supplément au Soir, 18
octobre 1995.
33. A. MORELLI (dir.), Rital-Littérature, Anthologie de
la littérature des Italiens de Belgique, CESDEI, Cuesmes, éd. du Cerisier,
1996.
34. Dans C. FAVRY, La cantine des Italiens,
Bruxelles, éd. Labor, 1996, p. 45-69.
Ce texte est extrait du catalogue de
l'exposition
Wallons d'ici et d'ailleurs. La société wallonne depuis la Libération,
Charleroi, Institut Jules Destrée, 1996.
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