Après des études universitaires à l’Université libre de
Bruxelles où il obtient le grade de docteur en médecine, René
Branquart s’installe à Braine-le-Comte. Il milite dans les
différentes organisations socialistes locales et fédérales.
Docteur en médecine, il est aussi journaliste, militant wallon,
conseiller communal (POB) (1900-1908, 1912-1936), échevin
(1922-1927), ensuite bourgmestre de Braine-le-Comte (1927-1936),
conseiller provincial du Hainaut (1896-1899), député socialiste
de l’arrondissement de Soignies (1899-1900, 1902-1904,
1912-1932), sénateur provincial (1932-1936).
En 1907, René Branquart devient rédacteur en chef du journal
socialiste de l’arrondissement de Soignies : Le Clairon.
Dès 1908, il y préconise la séparation administrative, comme
solution aux problèmes linguistiques de la Belgique. Entraîné
par ses collègues Destrée et Royer, Branquart participe aux
débats linguistiques à la Chambre, après sa réélection en 1912.
Cette année-là, il figure parmi les fondateurs de l’Assemblée
wallonne où il représente l’arrondissement de Soignies de 1912 à
1914 puis de 1919 à 1923.
À la fin de l’année 1916, Branquart apporte son appui moral à
Franz Foulon qui dirige l’hebdomadaire L’Avenir wallon,
sous contrôle allemand. Dans un article intitulé : Pour les
Wallons…. c’est une fameuse leçon, il condamne fermement les
initiatives politiques des activistes flamands (14-20 décembre
1916). Un mois plus tard, dans un nouvel éditorial, le député
Branquart appelle les Wallons à une mobilisation : Si la
Wallonie veut triompher et obtenir son droit, elle doit être
prête à formuler ses volontés et à les imposer lors du retour de
ses maîtres flamands. Plus perspicace ou moins naïf que
Foulon, outré par l’attitude des membres du Raad van
Vlaanderen reçus, à Berlin, par le Chancelier allemand, le 3
mars 1917, Branquart sent le danger de publier des articles sous
contrôle allemand et adresse, le 5 mars 1917, une lettre à Franz
Foulon, le suppliant de déposer la plume, même si L’Avenir
wallon répudie la collaboration avec l’occupant. Branquart
confesse lui-même : J’avais côtoyé le précipice. Le 22
septembre 1917, Branquart reçoit la visite de l’ingénieur Désiré
de Peron et de l’instituteur Ernest Houba qui sollicitent son
patronage pour fonder un groupe activiste « Jeunes Wallons »
avec la bénédiction des Allemands. Branquart éconduit ses
étranges visiteurs et confirme son refus de soutenir les
séparatistes, dans une lettre du 28 septembre 1917, qu’il fait
parvenir à de Peron.
Après avoir été sollicité par Franz Foulon et avoir repoussé les
projets des « Jeunes Wallons », René Branquart rédige et diffuse
une brochure d’une vingtaine de pages dont le titre, La
guerre et la question des langues en Belgique, ne révèle pas
le véritable contenu (décembre 1917). S’interrogeant sur les
véritables raisons de la Grande Guerre et sur les buts
poursuivis par les « grandes puissances », le député socialiste
borain aborde en fait la question des frontières et des
équilibres entre puissances européennes et use d’une clé de
lecture originale de la situation géopolitique du monde. Pour
lui, en effet, la Norvège, la Suède, le Danemark, la Hollande,
la Belgique, l’Espagne et le Portugal sont autant de frontières
anglaises. L’ensemble de ces États servent de tampons,
« d’isolants », de protecteurs de l’Angleterre face à la Russie,
à l’Allemagne et à la France. Démontrant l’intérêt pour
l’Angleterre de l’existence d’une multitude de petits États
européens, Branquart souligne que les Anglais disposent ainsi de
plusieurs lignes de frontières à travers le monde (Gibraltar,
Port Saïd, Bagdad, etc.).
À ses yeux, seule l’Allemagne est responsable de la guerre. Les
propositions de transactions et de négociations de l’Allemagne
témoignent de l’échec de l’arme de la guerre, mais non du
renoncement du Reich à ses ambitions. Après avoir dévasté et
volé l’économie des régions qu’elle occupe, et réduit à la
famine leur population, l’Allemagne propose soudainement des
droits linguistiques. « Est-ce pour nos beaux yeux que l’on
s’occupe ainsi de la question des langues en Belgique et que
l’on y impose manu militari, la séparation à la prussienne entre
Flamands et Wallons ? » s’interroge Branquart, pour qui il est
évident que la question linguistique n’est qu’un prétexte. Les
Allemands « voient dans la terre flamande un prolongement idéal
vers l’océan. Affirmer et réussir à faire admettre des droits
raciques quelconques de l’Allemagne sur les populations
flamandes du nord de la Belgique, c’est s’arranger pour rester
chez nous et pour s’assurer la conquête lente mais sûre, à
défaut de la conquête rapide et brutale, de notre littoral ». Et
si l’Allemand essaye d’amadouer le Mouvement wallon c’est dans
le seul but de provoquer, de l’intérieur, la séparation d’entre
les deux peuples qui composent la Belgique. Pour Branquart, la
séparation administrative des Allemands n’est qu’un leurre. Les
Wallons ne sont pas séparés du tout : « ils continuent à subir
les lois flamandes promulguées à leur détriment et malgré eux
avant la guerre ».
Membre de l’Assemblée wallonne, Branquart ne cache pas que la
séparation est un projet politique qui a tout son soutien, mais
il s’oppose farouchement au fait que l’Allemagne le
« patronne ». Le sort de la Belgique – déjà vivement posé avant
le commencement de la guerre – devra être réglé une fois
l’occupant repoussé. Et il n’y a que deux solutions. Le statu
quo étant impossible à ses yeux, soit la Belgique placera son
sort sous l’aile d’une grande nation réellement protectrice (la
France), soit elle sera refaite selon le principe de la
« séparation », mais uniquement en présence des seules parties
concernées, à savoir les Wallons et les Flamands. Les grandes
puissances n’auront ni le droit ni le temps de s’occuper des
affaires belges. Le sort de la Belgique devra se régler en
interne, une fois la guerre finie : dès lors, il faut déjà y
penser et préparer ce moment.
Distribuée sous le manteau, la brochure de Branquart suscite le
débat. Il est même invité à donner une conférence, à La
Louvière, en février 1918, sous le titre La question wallonne.
Début mars, il est invité à signer le manifeste Au Peuple de
Wallonie. Il s’en garde bien et ne fera donc pas partie du
Comité de Défense de la Wallonie, gardant toute crédibilité et
liberté pour continuer à développer un argumentaire wallon après
l’Armistice. Il publie d’ailleurs une brochure où il explique ce
que devrait être la Belgique nouvelle.
En 1920, le député socialiste René Branquart participe aux
travaux d’une Commission parlementaire envoyée en Suisse pour y
étudier les problèmes linguistiques et le fédéralisme
helvétique. En juin 1923, suivant l’exemple de Jules Destrée, il
démissionne de l’Assemblée wallonne, jugée trop timorée, et
apporte son soutien aux initiatives fédéralistes de la Ligue
d’Action wallonne de Liège, sans jamais participer à ses
congrès. En 1928, avec Arthur Pater, il soutient aussi la
création de l’Union fédéraliste wallonne. Lors des élections
législatives de 1929, l’Union fédéraliste wallonne de La
Louvière, présidée par Achille Chavée, recommande à ses
adhérents de voter pour Branquart, défenseur de la Wallonie.
Signataire du Compromis des Belges, René Branquart collabore
également à La Bataille wallonne, lancée en février 1931
par Achille Chavée et Raoul Nopère. Il prend la parole lors du
huitième Pèlerinage à Waterloo (1935) et collabore tant à
L’Action wallonne, qu’à La Barricade (Garde wallonne
autonomiste), et à Noss’Pèron. Wallon intransigeant,
celui que Vandervelde appelle le plus français des socialistes
de Wallonie appartient à ce petit groupe de mandataires
socialistes partisans du fédéralisme avant 1914 : Célestin
Demblon, Jules Destrée, Charles Gheude, Émile Royer et Léon
Troclet. Il avait été fait chevalier de la Légion d’honneur.
Jean-Pierre Delhaye – Paul Delforge
Jean-Pierre Delhaye
et Paul Delforge, Franz Foulon. La tentation inopportune,
Namur, Institut Destrée, 2008, coll. Écrits politiques wallons
n°9 - Paul Delforge,
La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire
de la séparation administrative, Namur, Institut Destrée,
2008 |