Arrêté par les Allemands à Tilleur et incarcéré à la Citadelle
de Liège du 25 novembre au 28 décembre 1941, Roger Nols obtient
après guerre le statut de prisonnier politique. Engagé comme
aide-cuisinier à l’hôtel de Suède à Liège (20 octobre 1942),
lieu partagé par l’occupant et l’administration communale de
Liège, Roger Nols pourra aussi prouver, après la guerre, avoir
subtilisé des documents allemands (lettres adressées à la
FeldGendarmerie contenant des dénonciations) qu’il a fournis au
commissaire de la Sûreté de l’Etat, Simonis. Ainsi, ne lui
sera-t-il pas reproché d’avoir travaillé pour l’ennemi.
Cependant, l’Etat ne lui accordera pas le statut de réfractaire
qu’il réclamait en raison d’un 2e internement, à
Etterbeek cette fois, du 31 juillet 1944 au 6 août 1944, après
une arrestation à Bruxelles.
Diplômé de l’École d’hôtellerie provinciale, Roger Nols est
d’abord cuisinier puis développe des activités commerciales dans
le secteur de l’hôtellerie à Liège et à Bruxelles.
Administrateur de sociétés, il quitte la Cité ardente et
s’installe à Schaerbeek où il se lance dans la politique, après
avoir milité au sein du Mouvement wallon.
Membre de la fédération bruxelloise de Wallonie libre,
Roger Nols fait aussi partie de la section bruxelloise du
Mouvement libéral wallon. Très vite, celle-ci s’oppose à la
section de Liège qui reproche aux Bruxellois leur méthode de
propagande et d’entraîner la section de Bruxelles dans un sens
spécialement axé sur les intérêts des Bruxellois francophones.
Rapidement, au Mouvement libéral wallon de Bruxelles se
substitue un Mouvement libéral francophone auquel Roger Nols
adhère. En 1964, la section bruxelloise du MLW est dissoute
tandis que le MLF s’engage à soutenir le FDF naissant. En 1966,
Nols rejoint le nouveau conseil général du Mouvement libéral
wallon mais, depuis 1964, il s’est largement engagé sur le
terrain politique.
Membre du Bloc de la Liberté linguistique, ce libéral, ancien
résistant, entame une lutte en faveur de la défense des
francophones. Conseiller communal libéral suppléant (1958), il
fait campagne en faveur de la liberté linguistique et est élu
avec plus de 4.000 voix de préférence aux élections communales
d’octobre 1964. Peu soutenu par le PLP qui lui refuse un mandat
d’échevin, il quitte le parti d’Omer Vanaudenhove pour rejoindre
le FDF naissant. Membre du comité directeur du FDF, il siège
comme conseiller communal de Schaerbeek (1964), devient
bourgmestre en 1970 et est élu député de l’arrondissement de
Bruxelles en 1971 (avec 8.500 voix de préférence), mandat qu’il
exerce jusqu’en 1987. Roger Nols défend l’idée de solidarité
Wallonie - Bruxelles - périphérie bruxelloise ; toutes doivent
être solidaires face à la communauté flamande outrecuidante :
c’est l’ensemble des francophones qui doivent lutter contre
l’arbitraire, exiger la consultation des populations concernées,
disait-il à propos de Bruxelles et des Fourons pour lesquels il
prend part à une collecte à Bruxelles (1973).
Membre de la Ligue wallonne de l’Agglomération de Bruxelles
(1974), élu au Conseil de l’Agglomération, le bourgmestre de la
« Cité des ânes » est alors au centre de l’affaire dite des
guichets de Schaerbeek.
Sur proposition de son échevin de l’État civil, il
fait adopter par le collège échevinal une mesure visant à créer
un guichet séparé pour tous les services, aux habitants
flamands, francophones et « étrangers » de la commune. Cette
initiative lui vaut l’envoi par le gouvernement national d’un
commissaire spécial pour y mettre un terme.
Le gouvernement Tindemans,
auquel participe le Rassemblement wallon, parti fédéré au FDF,
est divisé sur la question. Les mesures prises à l’encontre de
Roger Nols susciteront des réactions nettement contrastées au
sein du Mouvement wallon entre partisans, opposants et
indifférents à la question. À cette époque, Roger Nols manifeste
aussi son opposition aux Marches flamandes sur Bruxelles et est
l’un des initiateurs de l’un des tout premiers conseils
consultatifs des immigrés.
Hier l’homme des guichets, Roger Nols devient au cours des
années quatre-vingt l’homme de la politique musclée à l’égard
des immigrés. L’orientation politique de Roger Nols change
radicalement de cap. Ses positions gênent le FDF, en particulier
son aile gauche représentée par Serge Moureaux. En septembre
1981, le collège échevinal de Schaerbeek refuse, à l’initiative
de son bourgmestre, l’inscription des étrangers dans le registre
spécial de la population, pour des motifs d’ordre, de
tranquillité publique et de sécurité dans les rues, de propreté
publique et d’hygiène publique. Cette décision est ensuite
annulée par l’exécutif bruxellois dépendant du gouvernement
fédéral, mais, dans les faits, l’inscription des immigrés dans
le registre continue d’être entravée. Le 21 décembre 1981, Roger
Nols est le seul élu FDF à octroyer sa confiance au gouvernement
Martens V. Lorsqu’en 1982, le FDF décide d’imposer une
discipline de parti à des députés lors du débat sur l’octroi de
pouvoirs spéciaux au gouvernement Martens V, le bouillant
député-bourgmestre décide de s’abstenir. Le 21 janvier, le FDF
le « sanctionne » par un blâme. Aux élections communales
d’octobre 1982, Roger Nols, par ailleurs vice-président du FDF,
se présente sur la liste N.O.L.S. (Nouvelles Orientations des
Libertés schaerbeekoises), liste dont sont exclus les éléments
progressistes du FDF ; la liste emporte 51,52% des suffrages
ainsi que 30 sièges sur les 47 mis en jeu (Nols récolte plus de
25.000 voix de préférence). C’est l’époque des « couvre-feu
pendant les périodes de Ramadan », la fermeture de certains
lieux publics, le refus de paiement du minimex, etc.
Quelques mois plus tard, le nouveau président du FDF, Lucien
Outers, constate que Roger Nols ne fait plus partie de son
parti… En avril 1983, le bourgmestre de Schaerbeek quitte le FDF
et siège alors comme indépendant – au Parlement comme au Collège
–, avant de retourner une nouvelle fois dans la famille
libérale. Présent sur la liste du PRL lors des élections
européennes du 17 juin 1984, il récolte 92.969 voix de
préférence, soit le meilleur score en Wallonie et à Bruxelles
derrière les 234.996 de José Happart. Il renonce pourtant à
siéger au Parlement européen et son mandat échoit à Daniel
Ducarme. En septembre 1984, il sollicite son adhésion au PRL,
mais, au début du mois d’octobre, il suspend cette demande,
après avoir accueilli dans sa commune, à la piscine du
Neptunium, très médiatiquement, et sous les huées de
manifestants, le président du Front National français,
Jean-Marie Le Pen.
Lors des élections du 13 octobre 1985, il est à nouveau élu
comme député indépendant, sur une liste PRL. Il siégera encore
jusqu’en 1987. À nouveau bourgmestre au lendemain du scrutin
communal de 1988, il démissionne en juin 1989 : il passe la
main, pour deux ans, à Léon Weustenraad et ensuite,
définitivement, à Francis Duriau, à la suite de problèmes
cardiaques. Il reprend ses distances avec la fédération
bruxelloise du Parti libéral et, aux élections régionales
bruxelloises de 1999 notamment, se présente sur les listes du
Front National, puis du FNB.
Paul Delforge |