Issu d’un milieu rural, Marion Coulon s’oriente
vers le métier d’enseignant. Instituteur à Pâturages, régent à l’École
moyenne de Molenbeek, ses dons intellectuels et sa puissance de travail
l’incitent à poursuivre des études de philologie romane qu’il achève
brillamment à l’Université libre de Bruxelles, en 1934. La thèse de doctorat
qu’il défend est consacrée à Albert Mockel et à la revue Wallonie.
Jeune Président de la Fédération de l’Enseignement normal (1939), Marion
Coulon rédige pendant la guerre, les six volumes de l’ouvrage iconoclaste et
novateur qui consacre sa réputation pédagogique Jeunesse à la dérive
(6 vol., Mons, Silène, 1940-1948). Dans un style incisif, ce pédagogue
dérangeant dénonce les faiblesses de notre système éducatif tout en
proposant des réformes pédagogiques qui sont mises en œuvre au ministère de
l’Éducation nationale (1945-1972). La promotion de l’enseignement technique
constitue pour Marion Coulon, une priorité absolue de l’action pédagogique.
On lui doit la création d’une École normale ménagère et agricole, aménagée
dans un site bucolique, le parc d’Irchonwelz, près d’Ath (1948).
Pour le conseiller pédagogique une bonne
école, ce doit être avant tout, une bonne maison assez libre, estimée et
respectée, dirigée sous le signe de l’intelligence et de la générosité,
confortable pour ses usagers et accueillante pour ses hôtes. Très vite,
Irchonwelz fut tout cela, et c’est pourquoi elle fit bientôt figure d’école
modèle. Professeur à l’École normale de l’État à Mons, conseiller
pédagogique (1945), inspecteur (1946), inspecteur général (1958), directeur
général des services de programmation et de documentation du ministère de l’Éducation
(1972-1978), cet éveilleur d’idées assume des responsabilités sur le plan
international : délégué de la Belgique aux conférences de l’Unesco (1955) ;
président du Conseil du Bureau international de l’Éducation, à Genève
(1960) ; expert de l’Unesco à la Consultation mondiale de Stockholm (1971).
Francophile passionné, il avait participé au
premier Congrès culturel wallon qui s’est tenu à Charleroi en 1938. Membre
de Wallonie libre, dès 1944, partisan farouche de l’autonomie culturelle,
Marion Coulon défend cette idée lors de différents congrès. Membre du
Congrès national wallon, il participe au congrès wallon de 1945 (Liège, 20
et 21 octobre) ainsi qu’à celui de 1959. Il réclame alors que des mesures
économiques soient prises en faveur du Borinage par l’entremise de la
politique de la CECA.
Animateur enthousiaste de la Fondation Charles
Plisnier depuis 1956, il publie successivement Le souvenir d’Albert
Mockel et l’origine du mot Wallonie (Cahier n° 6, Bruxelles, Fondation
Charles Plisnier, 1961) et surtout L’autonomie culturelle en Belgique
(Études et Documents, n° 3, Bruxelles, Fondation Charles Plisnier, 1961).
Référence incontournable pour la compréhension de la dimension culturelle du
problème wallon, L’autonomie culturelle en Belgique alimente la
réflexion d’un débat important au début des années soixante. Sa définition
de la culture le conduit à considérer que les problèmes culturels dépassent,
de loin, les problèmes linguistiques. Tout en accordant beaucoup
d’importance à une bonne connaissance de la langue française, langue de
culture de toute la Wallonie et d’une bonne partie de l’agglomération
bruxelloise, il propose notamment la création deux Conseils supérieurs de l’Éducation
nationale. Membre de la sous-Commission culturelle du Comité permanent
d’études et d’action des socialistes wallons (1961-1962), il rejette tant le
dédoublement des services du ministère de l’Éducation nationale et de la
Culture que la décentralisation culturelle, exige une véritable autonomie
culturelle au profit de la Wallonie, réclame l’établissement d’un ministère
unique de l’Éducation et de la Culture placé sous la direction d’un ministre
wallon, compétent en matière culturelle, d’enseignement et d’emploi des
langues. Partisan d’une fédéralisation de la Belgique, il suggère
d’attribuer les compétences culturelles à chacune des trois chambres
régionales (bruxelloise, flamande et wallonne).
En 1973, l’amoureux de sa petite patrie évoque,
dans des articles de presse, la région de Wallonie picarde, mais il reste
jusqu’à la fin de sa vie opposé à toute revendication prônant l’indépendance
de la Wallonie. En 1975, il présente au Cercle d’Histoire d’Ath, une
conférence sur Le pays d’Ath dans la politique générale et linguistique
de l’Occident depuis les temps historiques (L’Écho de la Dendre
du 6 mars 1975, p. 3) et un an plus tard il rédige pour l’hebdomadaire
régional L’Écho de la Dendre une série d’articles sur le thème
Introduction à une histoire de nos relations communautaires (L’Écho
de la Dendre des 10 et 17 juillet 1976 et du 14 août 1976).
En juin 1976, il figure parmi les signataires
de la Nouvelle Lettre au roi pour un vrai fédéralisme rédigée à
l’initiative de Fernand Dehousse, Jean Rey et Marcel Thiry, notamment, et
qui vise à dépasser la régionalisation pour instaurer un fédéralisme
véritable, fondé sur le respect des droits de l’homme et de l’égalité des
citoyens, fondé sur l’égalité politique des communautés et des régions qui
ont des pouvoirs véritables, un fédéralisme où Bruxelles est reconnue comme
région à part entière.
Président-fondateur de la Maison culturelle d’Ath
(1978), vice-président du Cercle d’Archéologie d’Ath (1955-1985), ce
défenseur de la culture française fut honoré du titre de Commandeur de l’Ordre
des Palmes Académiques (France, 10 mars 1984). Traçant le portait
psychologique de Marion Coulon, l’historien J. Dugnoille affirme que cet
homme d’action était aussi un homme de plume. Ces deux aspects de sa
personnalité sont indissociables. Pour lui, l’écriture était une forme
d’engagement et de réflexion, l’action une épreuve de pensée. Dans son
œuvre écrite, nous pouvons le retrouver tout entier. Là seulement
désormais !