Fils
de Michel Pierre Royer, négociant, né à Paris en 1815 et de
Pétronille Émilie Defraëne, née à Tubize, Émile Royer épouse en
1905, à Nivelles, Lucie Mathieu, sœur de Jules Mathieu futur
député-bourgmestre de Nivelles et gouverneur de la province de
Liège. Après des études secondaires à l’Athénée de Bruxelles,
Émile Royer obtient le grade de docteur en droit à l’Université
libre de Bruxelles, le 4 novembre 1887. Le jeune avocat
s’inscrit au barreau de Bruxelles. En juillet 1892, il plaide
devant la Cour d’Assises de Liège la cause de l’anarchiste Jules
Moineau. En 1900, Émile Royer et Charles Gheude sont les
défenseurs d’Arthur Meert, membre de l’Avant-Garde socialiste de
Saint-Gilles, coaccusé de Jean-Baptiste Sipido dans l’attentat
contre le prince de Galles.
Entré
au POB depuis 1894, Émile Royer échange une correspondance et
entretient des liens d’amitié avec Jules Destrée, Léon Furnémont
et Émile Vandervelde. En 1908, il est élu député de
l’arrondissement de Tournai-Ath sur une liste de cartel
libéral-socialiste, puis réélu jusqu’en 1914. Entraîné par son
collègue Jules Destrée, Émile Royer anime fréquemment les débats
linguistiques à la Chambre. Au Congrès national des œuvres
intellectuelles de langue française, réuni à Bruxelles, en
septembre 1908, Royer fait déjà figure de leader du Mouvement
wallon.
En
1910, dans l’organe fédéral du POB, il écrit que « La Wallonie
doit être laissée aux Wallons, à la culture française ; la
Flandre restera aux Flamands, et l’arrondissement de Bruxelles
étant un arrondissement mixte, Bruxelles devant être la capitale
de tous les Belges, des Wallons comme des Flamands, les pères de
famille doivent être absolument libres de choisir pour leur
enfant un régime scolaire français ou un régime scolaire
flamand ».
En
1912, il est le seul parlementaire du Hainaut occidental qui
accepte un mandat à l’Assemblée wallonne. Lors de la discussion
du projet de loi sur l’emploi des langues à l’armée, en mai
1913, Royer déclare : « (...) Il faut favoriser l’autonomie des
provinces wallonnes et des provinces flamandes... » En réponse
au questionnaire de la Ligue wallonne du Tournaisis, Émile Royer
titre La question wallonne dans L’Égalité du 24
mai 1914. Selon lui, la Wallonie est minorisée politiquement
parce que le gouvernement homogène catholique est l’ennemi de la
Wallonie.
La
Première Guerre
mondiale est ressentie douloureusement par cet idéaliste
impénitent. Le député socialiste de Tournai-Ath condamne
sévèrement l’attitude de l’Allemagne. Dans L’Écho de la
Dendre du 9 août 1914, il signe avec le libéral Paul-Émile
Janson, une déclaration qui rappelle les devoirs de tous les
citoyens belges. Accompagnés de Jules Destrée, les Royer se
réfugient à Anvers, en septembre 1914, puis gagnent Woodford en
Angleterre. Avec Émile Vandervelde, Royer organise à Londres le
service d’aide aux soldats. Il ne renonce pas pour autant à son
idéal socialiste, wallon et républicain. Dès 1915, il se
démarque d’un nationalisme belge échevelé. Dans
l’Indépendance Belge (journal publié à Londres) il est le
premier à faire entendre la voix d’une opposition catégorique,
en 1915 et 1916, à la politique annexionniste (Luxembourg,
Rhénanie, Flandre Zélandaise) préconisée par Pierre Nothomb,
Fernand Neuray et Maurice des Ombiaux dans le journal catholique
belge Le xxe
Siècle. Ce serait, à ses yeux, l’écrasement de la Wallonie –
déjà minorité en Belgique – au milieu d’un gigantesque État
germanique. Au début de l’année de 1916, il apporte son soutien
à L’Opinion wallonne de Raymond Colleye. De santé
délicate, rongé par les épreuves, Émile Royer meurt à Paris, le
16 mai 1916.
En
1921, lors d’un meeting à Tournai, Jules Destrée rendra hommage
à Émile Royer, « (…) socialiste, (…) bon Wallon. Il était dans
la tradition de la Révolution française et son âme généreuse n’a
pas pu résister aux commotions de la guerre. (…) nous étions
ensemble en exil. Je l’ai rencontré à Londres et à Paris ».
Jean-Pierre Delhaye
Jean-Pierre Delhaye
et Paul Delforge,
Franz Foulon. La tentation inopportune, Namur, Institut
Destrée, 2008, coll. Écrits politiques wallons n°9 |