Fils de Fernand Schreurs, André Schreurs est né dans le
Mouvement wallon et dans l’amour de la France. L’éducation
familiale, la lecture de journaux français et des ouvrages
d’Albert du Bois, les personnalités de Jules Destrée, de Georges
Truffaut et de l’abbé Mahieu, de Charles Péguy et du général de
Gaulle influencent le jeune Schreurs qui voit sa jeunesse
bouleversée par la guerre. En février 1942, il décide avec
Pierre Bertrand, Christian Grafé, Jean Petit et Paul Dehousse,
tous étudiants à l’Athénée de Liège, de fonder un mouvement
clandestin destiné à toucher l’enseignement secondaire : Les
Lycéens wallons. Ils reprennent en fait le nom porté en 1919
déjà par leurs aînés. Leur première action consiste à distribuer
La Wallonie libre, La Meuse ainsi que Sambre et
Meuse dans les écoles liégeoises. Ils diffusent aussi Le
Monde du Travail et L’Espoir. Par la suite, André
Schreurs sera aussi le répartiteur des journaux Wallonie
libre éd de l’Est, Jeune Revue wallonne, Jeune
Wallonie, éditions déposées chez ses parents. André Schreurs
et Jean Petit sont particulièrement actifs.
Après quelques tracts publiés de façon indépendante en 1942, Les
Lycéens wallons font paraître un clandestin, La Jeune Revue
wallonne, dès le 1er avril 1943. En septembre,
André Schreurs, qui faisait partie du comité de rédaction de
Sambre et Meuse, est le directeur et rédacteur en chef de
Jeune Wallonie organe des Jeunesses estudiantines wallonnes.
Celles-ci, affiliées au mouvement Wallonie libre puis, plus
tard, au Front de l’Indépendance, sous le nom de Brigade FI
Jeune Wallonie, revendiquent la déchéance de Léopold III, la
séparation nette de la Flandre et de la Wallonie, la
constitution d’une Wallonie indépendante, la conclusion
d’accords avec la France, l’abolition de la dictature. Le
dernier exemplaire clandestin de Jeune Wallonie sort en
avril 1944. Fondateur et directeur des journaux Jeune Revue
wallonne, Jeune Wallonie dont il fut rédacteur en
chef et rédacteur régulier, André Schreurs est aussi l’auteur
d’articles réguliers pour Wallonie libre éd de l’Est,
occasionnellement pour Sambre et Meuse, et ce pour la
période comprise entre le 1er février 1942 et le 18
mai 1944, date où il doit se réfugier dans la clandestinité
parce que recherché.
Avec d’autres membres de Jeune Wallonie ou de Wallonie libre,
André Schreurs mène une action de résistance originale en
installant des piquets de garde aux alentours de la
Werbestelle. Guettant l’arrivée de jeunes, inconscients des
conséquences d’un engagement, il leur expliquait les dangers de
leur démarche. Au sein de Jeune Wallonie, il apporte aussi une
aide aux jeunes réfractaires au travail en Allemagne, fournit de
fausses pièces d’identité, récolte des fonds, fournit des
renseignements, contribue à l’hébergement et à l’accompagnement
de prisonniers français évadés. En mai 1944, Schreurs et Petit
prennent le maquis. Revenu à Liège, Schreurs est arrêté le 27
juin par la Feldgendarmerie en possession de journaux
clandestins et d’une liste destinée à un Service de
Renseignement français ; la liste contenait les noms de membres
de son groupe entremêlés avec les noms de collaborateurs avec
l’ennemi. Interrogé par les Allemands, Schreurs prétendra que la
liste est celle des membres de la « Petite Académie », groupe
littéraire fonctionnant à l’Athénée de Liège. Schreurs était
aussi porteur de plusieurs coqs, en métal et en papier ; les
Allemands pensaient y voir les signes de reconnaissance du Front
de l'Indépendance. Accusé d’espionnage, de résistance et de
distribution de journaux clandestins, A. Schreurs est interné à
la prison Saint-Léonard jusqu’au 8 août. À peine libéré, il
rejoint son groupe et assure des transports d’armes et des
missions par courrier. Au sein du Front de l'Indépendance, il
est sous les ordres de John Heuss. En 1952, André Schreurs
recevra la Croix de Guerre 40-45 avec palme et la Croix du
Prisonnier politique pour ses actes de résistance. Résistant
armé reconnu du 1er février 1942 au 14 octobre 1944,
résistant par la presse clandestine pour la période du 1er
février 1942 au 18 mai 1944, il est reconnu Prisonnier politique
(du 27 juin 1944 au 8 août 1944). Pour avoir hébergé un
prisonnier évadé (du 24 octobre 1943 au 1er novembre
1943), pour avoir constitué un petit groupe de jeunes récoltant
des fonds, fournissant des cartes d’identité et des timbres de
ravitaillement, groupe dont il était le responsable, André
Schreurs se voit aussi attribuer le statut de résistant civil
pour la période du 1er janvier 1943 au 1er
janvier 1944.
Après la Libération, le président de Jeune Wallonie (1943-1947)
devient directeur politique et éditeur responsable du mensuel
Jeune Wallonie (1944-1946). Pendant plusieurs mois, il
participe à une intense campagne de propagande (par conférences,
meetings, débats, organisation de bals et placardage
d’affiches), en faveur de l’autonomie de la Wallonie et de
l’abdication de Léopold III, et en vue de la préparation du
congrès national wallon des 20 et 21 octobre 1945. Membre de
l’Association wallonne des Étudiants de l’Université de Liège,
il participera à toutes les sessions du Congrès national wallon.
Membre de Wallonie libre (1942-1984), il est le président
fondateur du Centre de coordination des Jeunesses de Wallonie
(1946-1947). Membre du comité provisoire de Jeune France, créé à
l’occasion du pèlerinage de Waterloo, le 15 juin 1947 et qui
succède, dans une certaine mesure à Jeune Wallonie, il rejette
alors le fédéralisme et se dit prêt à lutter pour le
rattachement de la Wallonie à la France. Secrétaire politique de
Jeune France (1947-1949), André Schreurs collabore au journal
Le Coq wallon.
Il réussit avec brio sa licence en sciences politiques à
l’Université de Liège (1951) avec un mémoire consacré à
L’autoroute de Wallonie. Ce mémoire sera édité dans la
collection de la faculté de droit de l’Université de Liège
(1953). En 1948, il avait publié un essai intitulé Liège,
terre de France. Il ne dissimule d’ailleurs pas ses
sentiments pro-français.
Aspirant du FNRS (1952-1954), prix des Amis de l’Université de
Liège (1954), lauréat du concours des bourses de voyages du
gouvernement (1955), boursier du CNRS à Paris, André Schreurs
devient directeur du Palais des Congrès de Liège en 1958. Il le
restera jusqu’en 1984. Membre du comité organisateur du
cinquième congrès de sociologie (1953), cofondateur et animateur
du groupe Esprit de Liège (1952-1959), secrétaire général
du deuxième congrès international de l’économie collective
(1955-1956), secrétaire général de l’Association internationale
des Palais des Congrès (1961-1963), secrétaire général de
l’Union culturelle française (1959), membre du comité
organisateur de l’AUPELF (1965-1966), collaborateur régulier de
la Nouvelle Revue wallonne (1955-1960), il participe à
l’ensemble des manifestations organisées par l’Action wallonne
dans les années soixante : congrès, marches, pétitionnement,
Fourons.
Membre du Comité permanent du Congrès national wallon
(1952-1974), membre du comité liégeois d’Action wallonne
(1962-1964), membre du comité de patronage de la grande
mobilisation wallonne du 19 avril 1969, il apporte ainsi son
soutien à l’action lancée en 1968 par les quatre mouvements
wallons, sur base du mémorandum réalisé par le Conseil
économique wallon (1968) : il s’agit de mobiliser tous les
Wallons pour obtenir au minimum une réelle décentralisation
économique.
Directeur de La Nouvelle Revue wallonne à la mort de son
père en 1970, André Schreurs assure la parution de la revue
jusqu’en 1973. Vice-président de la fédération liégeoise de
Wallonie libre (1961-1963), il participe à la réorganisation de
la section liégeoise en 1974 et la préside jusqu’en 1980. Lors
du congrès du mouvement de 1975, il prône la nécessaire
solidarité Wallonie-Bruxelles, s’interroge sur le sort de
Bruxelles en cas de création d’un État wallon indépendant et
proclame que, quel que soit son président, il est partisan d’une
association avec la France. Avec le professeur Georges Jarbinet,
et sous le patronage de l’échevin Jean Lejeune, il réalise
l’exposition consacrée au 180e anniversaire de la
réunion du Pays de Liège à la France (1975). Dans les années
1976-1978, il participe aux réunions de la Délégation des trois
Mouvements wallons. En 1976, il est élu vice-président de
Wallonie libre, fonction qu’il exerce jusqu’en 1984.
Issu d’une grande famille de libéraux, francophiles et
progressistes, André Schreurs était devenu membre du parti
socialiste dès la Libération ; son père, Fernand Schreurs, resta
fidèle au Parti libéral jusqu’en 1964, moment où Omer
Vanaudenhove donnera à son parti une coloration unitariste
belge ; André Schreurs avait été séduit, expliquait-il « par
l’idéal de générosité, de fraternité et de justice sociale qui
animait le PSB. De plus, à cette époque, tous les dirigeants du
PSB, à Liège, étaient des fédéralistes convaincus ». En 1974,
cependant, il démissionne d’un parti qui lui semble placer les
problèmes communautaires au second plan.
Lorsque le Rassemblement wallon était entré au gouvernement en
1974, André Schreurs avait écrit qu’il s’agissait d’une victoire
pour les militants wallons. Les réformes obtenues pendant les
deux premières années (régionalisation provisoire) lui
paraissent essentielles. Après avoir rencontré Marcel Thiry et
Maurice Bologne, il rallie le Rassemblement wallon. Il est
attiré par son pluralisme et par ses options qui sont proches du
Mouvement wallon. Il rejette cependant toute tentative visant à
définir une nouvelle doctrine à l’extérieur des partis dits
traditionnels. Lors de la scission du RW (1976), il opte pour la
tendance de gauche du parti et soutient, avec Pierre Bertrand,
le président Paul-Henry Gendebien. Il crée et préside le Club
d’Action wallonne pour le fédéralisme et les réformes de
structure.
Président de la nouvelle cantonale de Liège du Rassemblement
wallon (1976-1978), vice-président de son comité
d’arrondissement de Liège (1977), André Schreurs est élu
conseiller provincial en 1978, mais il doit renoncer à ce mandat
en raison de ses fonctions à la ville de Liège et sur injonction
du collège échevinal. Quelque temps plus tard, l’orientation que
prend le Rassemblement wallon – « devenu plus autogestionnaire
que wallon » selon lui – le conduit à démissionner (1979) et à
rejoindre un PS devenu attentif à la question wallonne. En 1981,
il adhère au Rassemblement populaire wallon et devient, en 1983,
vice-président du RPW de Liège. L’évolution du programme wallon
du PSB lui paraît ouvrir des perspectives nouvelles dans la
mesure où c’est quasiment le fédéralisme que préconisent les
socialistes wallons, bruxellois et flamands.
Lors des élections européennes du 17 juin 1984, André Schreurs
accepte de se présenter sur la liste du Front démocratique des
Fédéralistes pour la Communauté française d’Europe, liste
conduite par Antoinette Spaak. Par sa présence comme deuxième
candidat effectif, il veut défendre la Francité, la solidarité
francophone, la solidarité Wallonie-Bruxelles. Il prône un
confédéralisme très poussé comprenant un État wallon et un État
flamand autonomes, avec une région centrale, autonome également,
Bruxelles-Capitale. Ayant le droit de traiter directement avec
la Communauté européenne, l’État wallon devrait disposer de 50%
des crédits de la confédération, et du pouvoir de conclure des
accords de coopération ; quant au domaine culturel, il devrait
faire l’objet d’une coopération très étroite avec la France. Il
imagine par exemple un seul ministre qui s’occuperait des
affaires culturelles de la France et de la Wallonie
(1984). Il ne sera pas élu.
Vice-président de Wallonie libre (1976) et vice-président de la
fédération liégeoise (1979-1984), il est contraint de
démissionner en 1984 en raison de sa présence sur la liste du
FDF-CFE, considérée comme concurrente de la liste Présence
wallonne en Europe conduite par P-H. Gendebien. Administrateur
du CRISP, membre du comité exécutif du Grand Liège (1960),
président de la Fédération européenne des Villes de Congrès
(1974-1976) et de l’Association internationale des Villes
francophones de Congrès (1981-1985), administrateur (1975) puis
président (1984-1990) des Fêtes et Amitiés françaises, André
Schreurs continue à militer en faveur d’un rapprochement étroit
de la Wallonie et de la France. Président de la fédération
liégeoise du Mouvement wallon pour le Retour à la France
(1993-1995), puis de Wallonie-France (1995-1997), il contribue à
la création de la revue Wallonie-France (juin 1994), dont
il est le directeur. Il y défend l’idée que la Wallonie doit
s’unir à la France en conservant son identité, sous la forme
d’une association ou d’une région rattachée à la République avec
un statut particulier. Porte-parole de Wallonie-France-Liberté,
groupant Wallonie libre, Wallonie-France, Retour à la France et
Toudi, il est membre du Conseil d’administration de
l’association France-Wallonie-Bruxelles, présidée par
l’ambassadeur de France Bernard Dorin. Dans les années ’90 et au
début du XXIe siècle, il est resté un militant actif
de la cause wallonne. A travers articles, blogs et prises de
parole lors de réunions, André Schreurs continuait
inlassablement à se faire le défenseur d’une formule visant à la
reconnaissance de la Wallonie comme 23e région
métropolitaine de France.
Paul Delforge |