Outre les dix-neuf personnalités du comité de
patronage, le Congrès recueille l’adhésion de 235 personnes et se tient
finalement devant quelque 200 participants. Ceux-ci entendent un exposé de
Georges Truffaut, membre de l’Action wallonne, traitant de la coexistence
des Flamands et des Wallons au sein de l’État belge, coexistence basée sur
l’égalité des deux peuples. Truffaut y va d’une série de griefs à propos des
domaines militaire, administratif, judiciaire, financier, électoral.
L’orateur conclut son exposé en estimant que les solutions fragmentaires, au
coup par coup, ne peuvent plus suffire parce qu’elles lèsent, à chaque fois,
les Wallons. Le conflit wallo-flamand doit aboutir, insiste-t-il, à une
solution d’ensemble, ce qui implique une révision constitutionnelle. Sur ce
dernier point, toutes les tendances wallonnes sont unanimes quel que soit le
choix de chacune d’elles quant au contenu de la réforme.
La motion à laquelle se sont ralliés les
congressistes se veut intransigeante quant à l’identité française de la
Wallonie et reconnaît aux Flamands le droit à leur identité propre. Par
ailleurs, c’est bien dans le cadre de la Belgique que doit être recherchée
la solution au différend wallo-flamand. Quant à la forme institutionnelle
que prendrait cette solution, une Commission ad hoc est chargée
d’élaborer un projet à soumettre au congrès suivant. Outre Georges Truffaut,
siègent, dans ce Comité des résolutions, Auguste Buisseret, Maurice Dehousse,
Jules Denis, Eugène Duchesne, Édouard Felot, Paul Henry, Georges Hubin,
Émile Jennissen et François Van Belle.
Deuxième congrès de la Concentration wallonne (Liège, 18 octobre 1931)
C’est, à nouveau, à Liège que se tient le
deuxième congrès de la Concentration wallonne, le 18 octobre 1931. Outre les
traditionnels comité de patronage et Comité organisateur, 37 groupes et
ligues sont représentés (l’Assemblée wallonne n’adhéra jamais à la
Concentration), ce qui constitue un parterre de 200 personnes environ sous
la présidence de François Van Belle. Après l’exposé d’Eugène Duchesne
portant sur les diverses solutions possibles en matière de réforme de l’État,
des systèmes provincialistes aux systèmes séparatistes, en passant par les
systèmes régionalistes plus ou moins accentués, il revient à Émile Jennissen
de présenter le choix de la Commission : le projet fédéraliste. Pour
celle-ci, il s’agit du seul moyen d’encore maintenir unis, dans le cadre de
la Belgique, les deux peuples, en fait séparés. Le projet élaboré est un
simple contrat qu’il s’agit d’établir entre Wallons et Flamands. Il se
présente comme un loyal essai de vie commune. Ce projet est adopté par le
Comité des résolutions en sa séance du 29 septembre, soit cinq mois après le
dépôt à la Chambre, par cinq députés frontistes, d’une proposition de
révision de la Constitution substituant un régime fédéral au régime unitaire
(Proposition Herman Vos). Au terme de la discussion au sein du Congrès
wallon, le texte est, sans guère de modifications, ratifié à l’unanimité,
moins 9 abstentions, celles, notamment, des délégués de la Fédération des
Sociétés wallonnes de l’Arrondissement de Bruxelles. Texte important qui
marque un début d’unité wallonne puisqu’aux voix de socialistes et de
libéraux, se joignent celles de catholiques tels, par exemple, Élie Baussart
et Félix Depresseux, échevin de Liège et président de l’Association
catholique de la ville qui se prononce, cependant, à titre personnel.
La physionomie du nouvel État proposée par la
Concentration repose sur une douzaine de principes définissant la Belgique
comme étant un État fédératif composé de deux régions et d’un territoire
fédéral ; la frontière territoriale entre la Flandre et la Wallonie tout
comme celle délimitant le territoire fédéral de Bruxelles seraient établies
par une loi fédérale qui s’inspirerait largement du droit des peuples de
disposer d’eux-mêmes. L’autonomie des deux régions une fois reconnue,
chacune élirait une Chambre et disposerait de ses organes exécutifs
propres ; quant au territoire fédéral de Bruxelles - où la liberté
linguistique absolue serait garantie aux citoyens - il serait dirigé par un
conseil général. À propos du pouvoir central ou fédération, les régions lui
délégueraient la conduite de la politique étrangère, la défense nationale,
l’administration de la colonie, l’établissement d’un système douanier et la
sauvegarde de la liberté des cultes. Quant à la question des pouvoirs, la
fédération disposerait d’organes exécutifs et d’un Conseil fédéral composé
de 20 délégués de chaque Chambre régionale et de cinq délégués du conseil
général de Bruxelles. Les ressources financières, quant à elles,
proviendraient des recettes douanières, d’une contribution égale des deux
régions et d’une imposition fédérale sur le territoire de Bruxelles. Enfin,
les organismes communs au niveau fédéral seraient dédoublés en sections
française et flamande et la seule connaissance d’une des deux langues
régionales permettrait l’accession aux plus hauts grades de la hiérarchie
administrative.
La décision des congressistes wallons réunis à
Liège suscite les réactions des principaux responsables de l’Assemblée
wallonne. Dans la Défense wallonne du 8 novembre, Ivan Paul, son
directeur, émet quelques considérations qu’il est intéressant de rapporter.
L’initiative du congrès de la Concentration wallonne revenait à quelques-uns
des groupements du Mouvement wallon dont les tendances sont les plus
radicales ; par contre, de nombreuses associations wallonnes n’ayant jamais
fait preuve d’extrémisme et ayant, tout au contraire, souvent manifesté leur
attachement à l’unité belge, y étaient représentées. Ce fait donne d’autant
plus de poids au vote acquis en faveur du fédéralisme, tandis qu’il témoigne
d’une exaspération certaine en Wallonie. Pour Ivan Paul, L’Assemblée
wallonne s’est toujours efforcée de maintenir le mouvement wallon dans le
respect de l’unité de l’État belge. Ce qui vient de se passer à Liège prouve
que des efforts dans ce sens s’opposent aux voeux d’une fraction importante
de ce mouvement. Dès lors se pose la question : quelles influences
l’emporteront finalement en Wallonie ? Tout dépendra de l’attitude du
gouvernement et du monde politique bruxellois en ce qui concerne la révision
constitutionnelle. Cette révision est inéluctable pour assurer l’égalité
politique absolue des Flamands et des Wallons tout en rendant possible le
maintien de l’État belge.
Et cela ne peut résulter que d’une révision
constitutionnelle. Tel est le
constat d’un homme qui, quatorze mois plus tard, ayant perdu foi dans la
Belgique, quittera l’Assemblée wallonne, où il milite depuis 1912, pour
rejoindre le camp des irrédentistes.
Quant à l’autre dirigeant de cette même
Assemblée, en l’occurrence l’ancien sénateur libéral Joseph-Maurice
Remouchamps, son opposition au choix fait par les congressistes de la
Concentration wallonne est d’un autre ordre. Instaurer le fédéralisme
entraînerait la création d’un Parlement et d’un gouvernement tant wallons
que flamands. La conséquence fatale qui s’ensuivrait, c’est que les deux
régions, devenues autonomes, tomberaient l’une et l’autre aux mains d’un
seul parti. L’absolutisme politique, au parlement (régional) comme au
gouvernement (régional) régnerait dans les deux contrées, qui connaîtraient
ainsi l’abominable régime dont nous avons tant souffert avant la guerre (La
Défense wallonne, décembre 1931).
Une chose est de se prononcer pour le
fédéralisme, autre chose est de traduire une telle résolution du Congrès
dans les faits, soit, concrètement, couler la résolution en forme de
proposition susceptible d’être déposée sur le bureau de l’une des deux
Chambres. Lors de la journée du 18 octobre, le président du congrès de la
Concentration, François Van Belle, fait approuver la création d’un conseil
général groupant les délégués des ligues ou groupes wallons admettant les
décisions du Congrès ; la tâche prioritaire de ce Conseil étant,
précisément, de mettre au point les détails du projet de Constitution
fédérale adopté. Rapidement constitué, ce conseil général met plusieurs
questions à l’examen : frontière linguistique, statut de l’agglomération
bruxelloise, emploi des langues dans l’enseignement et dans
l’administration, secteurs pour lesquels des projets de loi étaient soumis à
la Chambre, emploi des langues en matière judiciaire ; mais de la mise au
point de l’organisation fédérative du pays, il n’en est pas question dans
l’intervalle des deux congrès de la Concentration, celui de 1932 étant fixé
au 4 septembre à Namur. Il faut dire qu’en outre, sans doute, des
divergences entre les membres du conseil général sur la forme à donner à la
nouvelle structure de l’État, les militants wallons sont probablement
quelque peu échaudés par l’accueil réservé par les députés à la proposition
Vos ; la discussion, en juillet surtout, sur la prise en considération de
celle-ci donne lieu à de vifs incidents et se clôture, le 19, par un vote
négatif acquis par assis et levé. Dans son rapport devant les congressistes
wallons réunis en septembre, le président François Van Belle regrette cette
carence et renvoie au prochain conseil général la tâche de mettre la chose
au point et de travailler à sa réalisation.
Troisième congrès de la Concentration wallonne (Namur, 4 septembre 1932)
Le Congrès de Namur (4 septembre 1932) n’a donc
pas à débattre de la forme à donner à une Constitution fédérale. Par contre,
outre divers rapports et résolutions, les participants ratifient les statuts
institutionnalisant la Concentration wallonne. C’est ainsi qu’il est décidé
que celle-ci est une fédération de groupements et non un organisme
centralisé ayant des sections partout pas plus qu’elle n’est un groupement
de personnes. Désormais, trois instances régissent la vie de la
Concentration : le Congrès annuel, le conseil général et le Bureau du
conseil général. La représentation des groupes tant pour le Congrès que pour
le Conseil, est proportionnelle au nombre de leurs membres, pour le congrès,
un délégué par groupe de 25 à 100 membres, six délégués maximum par groupe
de plus de 2.001 ; pour le Conseil, un délégué pour les groupes comportant
un nombre de membres inférieur ou égal à 500, deux délégués pour les groupes
comptant plus de 500 adhérents. Le Bureau, quant à lui, se compose de cinq
personnes élues par le Conseil. Une cotisation de 0,50 F par membre est
réclamée à chacun des groupes ou ligues affiliés à la Concentration.
Le but de celle-ci est la réalisation du
programme suivant : l’unilinguisme de la terre wallonne, l’égalité complète
entre la Wallonie et la Flandre dans tous les domaines, la liberté
linguistique à Bruxelles, le fédéralisme étant considéré comme un des moyens
de réaliser ce programme.
La fonction du conseil général est de décider
de la tactique à suivre par la Concentration et de prendre les mesures
utiles pour assurer l’application des décisions du Congrès. Quant au Bureau,
se réunissant au moins une fois par mois, il est chargé de l’administration
générale et de l’exécution des décisions du Conseil. C’est lui également qui
veille à la préparation des réunions du Conseil et à l’organisation des
Congrès tout comme il est responsable de la propagande. Son président assume
la direction des séances du Bureau et du conseil général de même que celle
des Congrès. Il est secondé par un vice-président, un trésorier, un
secrétaire et un secrétaire adjoint.
À quelle configuration concrète cette
organisation statutaire aboutit-elle, compte tenu qu’en 1932 la règle des
délégués par groupement est appliquée pour la première fois et cela, avant
même que les statuts soient approuvés ? De cette année-là jusqu’en 1936
(révision des statuts), la situation se présentait, approximativement, comme
suit :
Année |
Nbre de groupes |
Total
des affiliés |
Délégués
au Congrès |
Délégués au
Conseil général |
1932 |
47 |
6677 |
79 |
54 |
1933 |
52 |
7269 |
87 |
56 |
1934 |
55 |
3860 |
61 |
48 |
1935 |
60 |
4302 |
69 |
55 |
1936 |
64 |
4377 |
70 |
57 |
Quant à la composition du Bureau de la
Concentration pour la même période, elle mérite également quelque attention.
Année |
Président |
Vice-Président |
Secrétaire |
Secrétaire adjoint |
Trésorier |
1933 |
Van Belle |
Chapeaux |
de Warzée |
Evrard |
Firket |
1934 |
Van Belle |
Buisseret |
de Warzée |
Duchesne |
Firket |
1935 |
Van Belle |
Buisseret |
de Warzée |
Duchesne |
Firket |
1936 |
Van Belle |
Buisseret |
de Warzée |
Duchesne |
Firket |
À partir de 1933, année de l’installation
officielle du Bureau, jusqu’à la fin 1936, cet organe est incontestablement
aux mains de Liégeois ; seul Robert Chapaux déroge à la règle, il est
délégué de la Ligue wallonne de Saint-Gilles. Qui plus est, hormis ce
dernier, Léon Évrard et
Eugène Duchesne, délégué de l’Association wallonne du Personnel de l’État (AWPÉ),
les quatre autres militent à la Ligue d’Action wallonne. Cette
sur-représentation liégeoise ne manque pas de soulever des critiques.
Cependant, lorsque l’on considère la
répartition géographique des groupements affiliés à la Concentration, il
apparaît que la région liégeoise est avantagée dans la représentation.
Voici, en exemple, la situation pour 1931-1933 :
|
1931 |
1932 |
1933 |
Liège |
12 |
21 |
22 |
Namur |
6 |
5 |
5 |
Bruxelles
et agglomération |
5 |
10 |
12 |
Hainaut |
4 |
6 |
6 |
Brabant wallon |
3 |
2 |
4 |
Brabant flamand |
2 |
1 |
- |
Paris |
1 |
0 |
1 |
Luxembourg |
1 |
2 |
5 |
Quatrième congrès de la Concentration wallonne (Charleroi, le 17 décembre
1933)
Le quatrième congrès de la Concentration
wallonne se tient le 17 décembre 1933 à Charleroi. Dans son discours
d’ouverture, le président Van Belle dresse le bilan de l’année écoulée et
souligne que la législation linguistique déjà votée ou en projet coïncide,
en bonne partie, avec le programme de la Concentration. Néanmoins, il
persiste à croire que la totalité de ce programme sera difficilement
atteinte dans le cadre actuel de l’État belge. Aussi invite-t-il les
congressistes à mettre sur pied un projet de réforme constitutionnelle
complète, estimant le moment venu de développer la partie du programme
relative à l’organisation fédérative de la Belgique. C’est du Congrès, de
l’assemblée des militants wallons délégués de leur groupement respectif (ils
sont 52 mouvements représentés par 56 délégués), que devait venir
l’initiative ou la décision ultime ; au conseil général revenant la tâche de
trouver les moyens à utiliser pour rendre effectifs les choix de
l’assemblée. Mais celle-ci est loin d’être homogène quant à la question des
solutions à apporter au problème des rapports Bruxelles-Flandre-Wallonie. Le
Congrès de Charleroi en est un exemple supplémentaire.
En vue de ce congrès, les instances dirigeantes
de la Concentration ont été saisies de quatre propositions d’action
wallonne. L’une émane de l’Assemblée wallonne, non affiliée à la
Concentration mais qui souhaite qu’un accord se réalise sur un programme
minimum, à savoir des revendications portant sur un quota de postes
ministériels à attribuer à des Wallons, sur le respect total de l’unilinguisme
de la Wallonie, sur le rapprochement économique franco-belge, sur la défense
de la frontière Est du pays en collaboration avec l’armée française. Et elle
propose également que, jusqu’à nouvel ordre, soit suspendue toute discussion
de doctrine, cause principale des divisions qui affaiblissent le Mouvement
wallon. Une autre demande émane de l’Association wallonne du Personnel de l’État
portant sur les moyens à employer pour réaliser l’unité de front entre tous
les organismes wallons en vue de la défense d’un programme minimum. En
clair, cela signifie que l’Association soutient, attitude constante par
ailleurs, la position de l’Assemblée wallonne. Dans la répartition des
mandats à la Concentration, l’AWPÉ
a droit au maximum, soit, pour le Congrès, à six délégués, ce qui,
concrètement, constitue la délégation la plus importante et représente, avec
ses dix sections, une force de 2.050 membres.
Une troisième proposition émane de la Ligue
wallonne de Bruxelles, forte de 110 militants en 1933. Estimant que
l’égalité des citoyens inscrite dans la Constitution n’est pas respectée, la
Ligue interpelle les militants réunis en ces termes : Les populations
wallonnes et d’expression française ont-elles encore intérêt à continuer
d’adhérer à ce contrat faussé entièrement à leur détriment en administration
générale, intérieur, sécurité militaire, ententes économiques
internationales, outillage public, etc. ? La Ligue pose donc la question
du régime à adopter par ces populations ; ce qu’elle fait d’une manière qui
manifeste sa préférence. Sera-ce la fédération, l’autonomie ou
l’intégration dans la nation française, dont la frontière contiguë procure
l’accès facile à la mer que les deux autres modes leur enlèveraient et sans
lequel leur commerce, leur industrie et elles-mêmes seraient frappées de
mort ? Enfin, une dernière proposition aux congressistes est le fait du
Parti wallon de Bruxelles dont les délégués représentent 260 membres. Ce
groupement suggère à la Concentration d’envisager la réalisation du salut de
la Wallonie par des méthodes et des moyens nouveaux plus énergiques, non
parlementaires, différents de ceux que mirent en oeuvre les grands Wallons
de 1830 aux prises avec des brimades et des épreuves pareilles à celles que
subissent, présentement, les Wallons.
La Commission des résolutions mise en place par
le Bureau présente ses conclusions quant aux propositions reçues. Si elle se
montre favorable à la plupart des revendications formulées par l’Assemblée
wallonne, par contre, elle s’oppose à la suspension de toute discussion de
doctrine : on n’arrête pas des discussions de principes et il n’y a aucun
avantage à tenter de le faire. À la Ligue wallonne et au Parti wallon, la
Commission soutient que l’action entreprise par la Concentration doit tenir
compte de l’opinion publique en Wallonie, laquelle est, vis-à-vis de la
Belgique et du flamingantisme, dans une position d’attente. Aussi ne
servirait-il à rien à la Concentration d’adopter une formule extrémiste ;
elle a déjà joué un rôle d’avant-garde en indiquant la solution fédérale
comme un des moyens de réaliser le programme wallon. Momentanément elle ne
peut que se tenir à ses statuts, d’autant plus que les débats parlementaires
sur la législation linguistique donnent d’importants résultats quant aux
revendications des Wallons. En conclusion, la Commission propose un ordre du
jour reprenant quasi littéralement le texte soumis par l’Assemblée wallonne,
ordre du jour qui fait l’objet d’un long débat, révélateur des positions
divergentes au sein de la Concentration. Parmi les partisans du texte,
certains estiment qu’il s’agit là d’un programme d’union, car face au danger
allemand, Flamands et Wallons doivent faire bloc ; d’autres, en l’occurrence
deux délégués de l’AWPÉ,
soulignent que leur mouvement, sous peine de perdre ses milliers de membres,
ne peut se rallier au fédéralisme ; aussi l’AWPÉ
serait-elle prête à quitter la Concentration si celle-ci veut faire
triompher des tendances “ révolutionnaires ”. Les autres intervenants
émettent des critiques sur le texte de l’Assemblée wallonne, proposent des
amendements à celui de la Commission des résolutions, voire soumettent un
ordre du jour différent. En fin de journée, les 43 délégués encore présents
se mettent d’accord sur le texte suivant :
Le quatrième congrès de la Concentration
wallonne,
Appelé à se prononcer sur un programme minimum
d’action,
Tout en confirmant les décisions des congrès
antérieurs,
Constate l’accord unanime des Wallons sur les
revendications suivantes :
1° Respect, dans tous les domaines, de l’unilinguisme
de la Wallonie et des Wallons de l’agglomération bruxelloise,
2° Égalité
de représentation dans le gouvernement et dans tous les organismes de l’État,
3° Défense effective de la frontière en
collaboration étroite avec l’armée française,
4° Union économique avec la France.
Estime que la réalisation de ce programme doit
être poursuivie par tous les groupements et journaux wallons, sous la
réserve de leurs tendances particulières et dans un large esprit de
fraternité.
Ainsi la synthèse se fait au nom d’une union
qui cache difficilement des dissensions majeures qu’un intervenant évoquait
en réclamant le maintien, au sein du Mouvement wallon, d’une aile droite,
d’un centre et d’une aile gauche.
Cinquième congrès de la Concentration wallonne (Liège, les 15 et 16 décembre
1934)
En 1934, la Belgique n’est pas encore sortie de
la terrible crise économique, financière et donc sociale qui l’a atteinte
quelques années plus tôt dans le prolongement du krach de Wall Street. C’est
dans ce contexte que le conseil général de la Concentration wallonne fixe
l’objet du cinquième Congrès, l’analyse de la situation économique en
Wallonie. Les congressistes réunis à Liège, les 15 et 16 décembre,
n’entendent pas moins de dix rapports et communications ayant trait à cette
problématique sous les aspects de l’entente franco-wallonne plutôt que
franco-belge, des effets pour la Wallonie de la concentration industrielle
et bancaire à Bruxelles, de la situation agricole en Wallonie compte tenu de
la puissance et de l’influence du Boerenbond, du réseau de
communications tant routières et ferroviaires que fluviales. La plupart des
exposés se clôturent par le vote d’une résolution.
Sixième congrès de la Concentration wallonne (Nivelles, le 15 décembre 1935)
L’année 1935 voit l’aboutissement de la
législation linguistique instaurant l’unilinguisme régional, fixant ainsi le
principe de territorialité linguistique. Néanmoins, en Flandre, certains ne
veulent pas en rester là. En août 1935, l’hebdomadaire Nieuw Vlaanderen
– lancé fin 1934 dans le milieu universitaire de Louvain – publie un
article choc, La Concentration des forces flamandes sur l’idée fédérale.
En octobre, le Congrès du Katholieke Vlaamsche Landsbond prend, lui
aussi, le tournant fédéraliste. C’est dans ce contexte communautaire que se
tient le sixième congrès de la Concentration wallonne, à Nivelles, le 15
décembre. En ouvrant les débats, le président François Van Belle
s’interroge, les Flamands n’étant pas satisfaits, la Wallonie va-t-elle
consentir à de nouvelles concessions pour maintenir la paix et la fraternité
entre les deux peuples ? Et de conclure son exposé en insistant sur la
nécessité d’une révision radicale et définitive de la Constitution : l’État
unitaire est désormais une impossibilité.
Arille Carlier présente le projet de résolution
qui, par une série de constatations aux plans démographique, linguistique,
économique, militaire et culturel, tend à démontrer l’infériorité dans
laquelle se trouvent les Wallons ou la discrimination qui leur est faite ;
il aboutit à revendiquer, pour le peuple wallon, le droit de disposer
librement de lui-même. Quant à la nouvelle organisation, l’orateur reprend
le propos de Jules Destrée en 1912 : …elle sera ce que les circonstances
la feront. Sera-ce le fédéralisme ou la création d’un État wallon, un
fédéralisme franco-wallon ou l’incorporation de la Wallonie à la France ?
C’est impossible à dire, car, ajoute Carlier, nous ne serons pas les
seuls maîtres de la situation. De la discussion sur le projet de
résolution, il ressort que la plupart des intervenants sont favorables au
texte proposé. Les délégués des ligues d’Etterbeek, de Saint-Josse-ten-Noode
et de Saint-Gilles insistent pour que ce même droit soit également
revendiqué pour Bruxelles. L’un de ceux-ci, soulignant que Bruxelles est le
bastion qui défend la Wallonie contre l’emprise des Flamands, lance un appel
pour les Bruxellois francophones, car Si Bruxelles est perdue, la
Wallonie est perdue. La revendication concernant Bruxelles n’est pas
retenue suite à l’intervention de trois congressistes. Georges Truffaut
estime que le problème de Bruxelles a depuis trop longtemps empoisonné le
Mouvement wallon et qu’il n’entend pas diminuer les intérêts vitaux de la
Wallonie pour le résoudre. Pour Auguste Buisseret, ce n’est pas à un congrès
wallon de vider des querelles entre Bruxellois, ni de leur imposer une
orientation quelconque. Que Bruxelles organise sa défense et réclame son
autonomie, elle trouvera l’appui sans réserve du Mouvement wallon. Quant au
président Van Belle, il distingue les Wallons de Bruxelles, partie
intégrante du peuple wallon qu’il n’est pas question d’abandonner, et les
Bruxellois francophones qui doivent se déterminer eux-mêmes avant qu’une
collaboration avec le Mouvement wallon puisse être envisagée. En conséquence
de tout ceci, la motion proposée est ratifiée à l’unanimité moins trois voix
et l’abstention bruxelloise.
Septième congrès de la Concentration wallonne (Verviers, le 13 décembre
1936)
Le septième congrès de la Concentration
se tient la matinée du 13 décembre 1936 à Verviers. Le rapport du président
Van Belle et la discussion qui s’ensuit portent sur la politique intérieure
et sur la politique extérieure et militaire (notamment l’accord entre les
frontistes et les rexistes et celui des catholiques flamands avec les
frontistes). En dépit de la brièveté du compte rendu officiel, il apparaît
que la révision des statuts est un autre temps fort de la journée. Au
congrès de 1934 déjà, un exposé de l’abbé Jules Mahieu, signalant la
création, à Charleroi, de l’Office des Conférences wallonnes, proposait que
la Concentration wallonne reconnaisse celui-ci comme son organisme de
propagande. Au Congrès de 1935, un délégué de la Ligue wallonne de Charleroi
présente un projet d’organisation de la Concentration qui modifie
sensiblement l’agencement antérieur. Entre les organes de direction et les
ligues ou groupements locaux, s’insèrent deux structures nouvelles : la
Centrale de Propagande et la Fédération régionale. Les Centrales, au nombre
de deux, auraient leur siège à Liège et à Charleroi ; il leur reviendrait la
tâche de créer, dans leur ressort respectif, les Fédérations régionales ;
leur directeur serait choisi par le Bureau de la Concentration ; enfin, dans
leur mission de propagande, elles veilleraient à répandre les organes de
presse de la Concentration wallonne : L’Action wallonne et La
Wallonie nouvelle. La Fédération régionale, réunissant ligues et groupes
de son ressort, appliquerait sur le terrain régional les directives reçues
de la Centrale de propagande dont elle dépend ; elle serait dirigée par un
comité de cinq membres élus, pour deux ans, parmi les délégués des ligues et
groupements.
L’importance des fédérations se mesure
également au regard des organes de direction de la Concentration. En effet,
il est proposé que les cinq membres du Bureau directeur soient élus, pour
deux ans, parmi les délégués des fédérations. En outre, la création d’un
Comité politique est conseillée ; il serait composé du Bureau directeur et
des délégués des Fédérations régionales ; il aurait pour tâche d’étudier le
programme de la Concentration wallonne, de suivre les événements politiques
et de prendre les décisions que les circonstances imposent ou suggèrent.
Le texte de l’exposé du délégué de Charleroi, à
Nivelles, en décembre 1935, ayant été remis tardivement, le président Van
Belle indique qu’il serait adressé aux affiliés dont les avis devraient être
rentrés pour la fin janvier 1936. C’est donc à Verviers, en décembre 1936,
que les congressistes se prononcent sur les modifications des statuts de la
Concentration. Au niveau des organes directeurs, les seuls changements
concernent les quotas de représentation au conseil général des groupes
affiliés et l’entrée dans ce Conseil d’un délégué de chaque Fédération
régionale, structure nouvellement créée. Les Fédérations régionales sont
constituées dans chaque chef-lieu d’arrondissement de Wallonie ; quant à
leurs tâches, il s’agit de coordonner le mouvement régional, d’exécuter les
décisions des congrès, du conseil général et du Bureau et de donner des
directives aux Ligues locales. En outre, chaque Fédération organise, sous
son contrôle, un Office de propagande visant à constituer un fonds de
documentation, à organiser des conférences, à lancer tracts et affiches.
Certaines propositions de la Ligue wallonne de Charleroi ont été retenues,
mais on est loin de la structure pyramidale voulue par le groupe
carolorégien.
Un autre événement d’importance est à signaler
en cette même année 1936, lié au succès surprenant du parti rexiste aux
élections de mai. En effet, les militants wallons proches de l’abbé Mahieu
lancent un appel à un large regroupement des forces wallonnes pour barrer le
chemin au parti de Léon Degrelle ; c’est, en juin, la constitution du Front
démocratique wallon. La création du Front irrite les dirigeants de la
Concentration wallonne qui y voient une dissidence. Le différend s’aplanit
et le Front fait partie de la Concentration à titre d’organisme autonome (9
février 1937).
Le renouvellement du Bureau de la Concentration
pour 1937 amène des changements notables (25 février). Tout d’abord,
François Van Belle décline la reconduction de son mandat. Parmi les raisons
évoquées, il fait montre d’une déception certaine. Rappelant les cinq années
d’activités qu’il a consacrées à la Concentration, il a l’impression d’avoir
réussi dans une certaine mesure, cependant il n’a pas lieu de se déclarer
satisfait. Certes les groupes de toutes tendances du Mouvement wallon sont
venus à la Concentration et y ont confronté leurs thèses, ce qui a amené
plus de compréhension entre Wallons. Mais au-delà, la collaboration semble
s’arrêter ; les décisions, à peine votées par le congrès, sont remises en
question. C’est à une véritable tâche de Pénélope qu’il faut s’astreindre et
Van Belle avoue ne plus pouvoir s’y résoudre. Quant aux membres composant le
nouveau Bureau, mis à part Eugène de Warzée restant en fonction pour assurer
la continuité, ils reflètent davantage les diverses régions de Wallonie.
Dans l’équipe entrent l’abbé Jules Mahieu de la Ligue wallonne de
Courcelles, Arille Carlier de la Ligue wallonne de Charleroi, Émile Rousseau
de la Fédération de Verviers et le commandant en retraite Antoine
Vanniesbecq de la Fédération de Soignies. Cette configuration, restée
inchangée en 1938, subit quelques modifications l’année suivante ; c’est
ainsi que Gustave Guiot, Valère Risselin et Charles Joniaux, respectivement
de la Ligue wallonne de Namur, de celle de Tournai et de la Ligue d’Action
wallonne de Liège, prennent place au Bureau. La répartition des fonctions au
sein du Bureau, quant à elle, se présente comme suit :
Année |
Président |
Vice-Président |
Secrétaire |
Secrétaire adjoint |
Trésorier |
1937 |
Abbé Mahieu |
Carlier |
De Warzée |
Rousseau |
Vanniesbecq |
1938 |
Abbé Mahieu |
Carlier |
De Warzée |
Rousseau |
Vanniesbecq |
1939 |
Abbé Mahieu |
Carlier |
Guiot |
Risselin |
Joniaux |
L’adhésion des groupements à la Concentration
et leur représentation dans ses instances s’établit, théoriquement, de la
manière suivante :
Année |
Nbre de groupes |
Total des affiliés |
Délégués
au Congrès |
Délégués au
Conseil général |
1937 |
51 |
3409 |
81 |
60 + 11 délégués fédér. |
1938 |
70 |
4355 |
104 |
81 + 11 |
D’après le secrétaire, Eugène De Warzée, la
liste serait la suivante :
Année |
Nbre de groupes |
Total des affiliés |
1937 |
76 |
4.089 |
1938 |
100 |
4.580 |
1939 |
66 |
3.762 |
Huitième congrès de la Concentration wallonne (Tournai, le 21 novembre 1937)
Le huitième Congrès de la Concentration
wallonne se tient, le 21 novembre 1937, à Tournai sous la présidence de
l’abbé Jules Mahieu. Après le traditionnel rapport sur l’activité des
organes du mouvement au cours de l’année écoulée, les militants ratifient un
ajout aux statuts concernant les adhésions individuelles à la Concentration,
là où n’existe pas de groupement affilié. Ils entendent ensuite trois
exposés portant respectivement sur le statut linguistique de l’armée (A.
Vanniesbecq), les intellectuels et la question wallonne (Luc Javaux,
président du Groupement national des Universitaires wallons) et le programme
politique de la Concentration wallonne.
Ce dernier sujet est présenté par le
vice-président Arille Carlier pour qui deux faits dominent l’avenir de la
Belgique, à savoir, d’une part, le nationalisme flamand qui imprègne à des
degrés divers tous les partis de Flandre et, d’autre part, la situation
minoritaire de la Wallonie au point de vue de sa population. De ce double
état de fait, l’orateur conclut : si l’État Belgique conserve son
organisation unitaire, nous allons vers un asservissement croissant des
Wallons à la volonté flamande. Il n’y a là rien de bien neuf, le constat
était dejà celui-là en 1912. Quant à la forme du régime à instaurer pour
épargner, à la Wallonie, cette situation de sujétion, les dirigeants de la
Concentration proposent une confédération d’États : Wallonie, Bruxelles,
Flandre - le lien belge étant maintenu par une union réelle ou personnelle.
L’abandon de la forme fédéraliste tient, en effet, au fait que dans ce
système, les affaires étrangères sont un domaine commun entre les États
fédérés. Or l’orientation officielle de la politique extérieure est loin de
rencontrer les voeux des Wallons. Si l’autonomie de la Wallonie, à tous les
niveaux, est indispensable, il est non moins indispensable que la
souveraineté de l’État wallon soit reconnue. À ses pouvoirs constitutionnels
propres, législatif, exécutif et judiciaire, doivent être adjoints les
autres attributs de la souveraineté extérieure, c’est-à-dire la défense
nationale et les traités de commerce. Néanmoins, la Wallonie n’a pas
l’initiative des opérations, la Flandre la conservera sans doute longtemps
encore. Aussi, obligée de se battre sur un terrain que la Flandre choisira,
à l’heure fixée par elle, la Wallonie – par la voix de la Concentration
wallonne – réclame plusieurs mesures pratiques, parmi lesquelles la fixation
définitive de la limite septentrionale de la Wallonie, en recourant, pour
les parties contestées, à un plébiscite, non par commune, mais par section
de commune formant une agglomération distincte. En outre, la Concentration
demande que les partis politiques s’organisent en fonction de la dualité
ethnique du pays.
Après une longue discussion et quelques légères
modifications, l’ordre du jour proposé par Carlier est adopté. Certains
militants ont, cependant, fait remarquer qu’il ne s’agit plus de voter des
motions, mais, tout au contraire, d’agir. Les délégués de la Ligue d’Action
wallonne créent la surprise : en son sein, se prépare, sous la direction de
Fernand Dehousse, chargé de cours à l’Université de Liège, une proposition
de loi sur le statut fédéral de l’État belge.
Le 30 janvier 1938, le Bureau de la
Concentration wallonne réaffirme la revendication de l’autonomie complète de
la Wallonie et se désolidarise de tous projets fédéralistes. Cette prise de
position vise incontestablement le projet de la Ligue d’Action wallonne
avant que son contenu en soit connu. Dans L’Action wallonne du 15
mars, Georges Truffaut annonce l’achèvement du projet et il en trace les
grandes lignes ; le 17, les militants de l’Action wallonne approuvent le
texte. Le 20, une entrevue entre Georges Thone, Georges Truffaut et Fernand
Dehousse, d’une part, et l’abbé Mahieu, président de la Concentration,
d’autre part, aboutit à un certain consensus. En conséquence de quoi, le
conseil général de la Concentration décide, le 3 avril, de faire campagne en
faveur du projet fédéraliste de la Ligue d’Action wallonne. Pourtant, les
relations de celle-ci avec les dirigeants de la Concentration se détériorent
pour aboutir à la rupture, le 9 novembre 1938.
Neuvième congrès de la Concentration wallonne (Namur, le 18 décembre 1938)
Le neuvième congrès de la Concentration se
réunit à Namur, le 18 décembre, devant plus d’une centaine de délégués.
Eugène de Warzée rappelle que le conseil général soutient la proposition de
loi sur le fédéralisme déposée à l’initiative de Georges Truffaut. Il ajoute
toutefois que le Conseil n’a qu’une confiance fort limitée dans une telle
réforme et qu’il maintient la revendication du droit pour le peuple wallon
de disposer de lui-même. Cependant, après le refus par la Chambre, le 2
février 1939, de la prise en considération de la proposition Truffaut, le
Bureau de la Concentration invite les ligues wallonnes à protester auprès
des députés de leur arrondissement.
Congrès extraordinaire de la Concentration wallonne (Namur, le 9 mars 1939)
La démission du gouvernement Pierlot entraîne
la dissolution des Chambres, le 6 mars ; les élections sont fixées au 2
avril. Et c’est le coup d’éclat, un Congrès extraordinaire de la
Concentration convoqué d’urgence décide, le 9 mars, la fondation du Parti
wallon indépendant, ce que tant l’Assemblée wallonne, que les anciens
dirigeants de la Concentration et que la Ligue d’Action wallonne ont
toujours refusé. Hormis l’abbé Mahieu et Arille Carlier, aucun militant
wallon marquant ne figure sur les listes du PWI. Et l’échec est à la mesure
de l’impréparation et du manque de cadres, le parti ne totalise même pas
10.000 voix pour les sept arrondissements où il se présente. Cet échec
n’améliore certes pas le climat au sein de la Concentration. Le Bureau ne se
réunit ni en mars ni en avril. En mai, la séance a lieu avec deux membres
sur cinq, Carlier et de Warzée. Du côté du conseil général, même carence :
deux séances se tiennent, l’une le 4 juin, l’autre le 19 novembre à laquelle
dix groupements seulement sont représentés.
Dixième congrès de la Concentration wallonne (Namur, 17 décembre 1939)
Le dixième congrès est, cependant,
préparé et fixé au 17 décembre 1939, à Namur. Mais le marasme rongeait.
Écrivant au secrétaire Guiot, Carlier note le 27 novembre : Vous ne devez
pas vous faire grande illusion sur la vitalité des groupes locaux. La
plupart n’existent plus que sur le papier. Plus de réunion, plus
d’encaissement des cotisations, etc. N’attendez pas grand chose du congrès…
Nous ferons le congrès pour attester que nous sommes toujours là, mais ne
croyez pas à la possibilité d’une manifestation importante. Pour l’heure, il
n’y a qu’une chose à faire : durer et maintenir le flambeau. Et ce n’est
pas, semble-t-il, l’inquiétude provoquée par la situation internationale qui
explique une telle décomposition. Pour Carlier, elle est due au sabotage
dont est victime la Concentration de la part de certains groupes wallons, à
la malveillance qui s’acharne sur l’abbé Mahieu mais, également, à l’action
délétère de la presse quotidienne. Celle-ci exalte la fraternité
wallo-flamande dans les cantonnements et, de la sorte, jette le désarroi
dans les esprits.
L’ordre du jour du dixième congrès reflète
l’état de déliquescence dans lequel la Concentration wallonne est plongée.
En effet, ni la question de la réforme de l’État ni, surtout, le problème
posé par la guerre et par l’orientation de la politique extérieure de la
Belgique ne figurent au programme de la journée.
L’aventure de la Concentration wallonne et les espoirs qu’elle avait fait
naître, dix ans plus tôt, s’évanouissent. Cependant, ces années constituent
autant de jalons qui permettront la cohésion des mouvements de résistance.
Ceux-ci, sans nul doute, engrangeront les acquis – et perpétueront les
contradictions – de la Concentration wallonne.
Micheline Libon