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Constituée en août 1913, la Ligue wallonne de Verviers évoque dès le mois de novembre de la même année la nécessité de réunir un Congrès de toutes les Ligues wallonnes de Belgique, en vue d’une entente pour l’unification des moyens d’action et de propagande. Les annonces successives du congrès prévu à Verviers, publiées dans La Lutte wallonne qui fait rapport de l’activité de la ligue verviétoise, témoignent de la difficulté d’établir un ordre du jour. Fin janvier, les organisateurs précisent qu’il s’agira de réunir des représentants des ligues wallonnes et des associations anti-flamingantes qui ne se connaissent pas assez et non de tenter de créer une fédération. Un peu plus tard, la Ligue wallonne de Verviers se défend de vouloir empiéter sur les prérogatives de l’Assemblée wallonne, dont les discussions doivent former la doctrine, que tous les mouvements de propagande et de combat ont pour devoir de chercher à appliquer. Le projet d’ordre du jour publié début février reste assez vague. Il prévoit d’étudier la manière de signaler et de centraliser les vexations dont sont victimes les Wallons, d’étudier l’attitude à prendre aux prochaines élections et les sanctions à prendre contre les mandataires wallons, traîtres à leur patrie.

 

Le Congrès, fixé au 1er mars 1914, offre, en fin de compte, un programme beaucoup plus tranché, peut-être en raison du nombre élevé de ligues qui répondent à l'appel et surtout parce que le congrès n'est pas une initiative de l'Assembléee wallonne. Ainsi, l'ordre du jour final compte deux points principaux : tout d'abord, la création d'un organisme centralisateur (organisation des groupes wallons : la Fédération des ligues wallonnes ; création d'un secrétariat général des ligues wallonnes ; unification du programme des ligues de propagande ; siège de cet organisme). Ensuite, l'attitude à prendre vis-à-vis des mandataires wallons. Cent cinquante personnes environ, représentant une trentaine de ligues, participent finalement à ce Congrès de Verviers tenu dans la salle des mariages de l'hôtel de ville sur lequel flotte à cette occasion à côté des couleurs nationales belges, le drapeau wallon et les couleurs de Franchimont. L'avant-midi est consacrée à la réception par les autorités communales. À partir de 14h30, la discussion des questions prévues s'engage sous la présidence de Joseph Mélen, échevin de la ville et président de la Ligue wallonne de Verviers.

 

La question principale est celle de la création d’un organisme centralisateur. Oscar Gilbert, président de la Ligue wallonne de Charleroi, orateur principal sur ce point, préconise une fédération des ligues wallonnes à opposer à l’organisation flamingante bien structurée. Un comité d’arrondissement, un Comité provincial, un Comité central sont à mettre en place, ils doivent vivre en harmonie constante avec l’Assemblée wallonne, ne pas lui faire concurrence, mais mettre en pratique les décisions qu’elle a prises.

De son côté, Désiré De Peron fait rapport sur l’unification du programme des ligues de propagande. Pour le secrétaire général de la Ligue wallonne du Brabant, à la fédération projetée, il faut un programme d’action et un cadre. Faisant une distinction entre ligues de combat et groupes d’agrément, il est d’avis de n’accepter dans une ligue d’arrondissement que les sociétés de politique wallonne. Jacques Lejeune, délégué de la société L’Immortelle préconise la création d’un secrétariat général des ligues wallonnes. L’idée d’une fédération est encore appuyée par Joseph Ramoux, vice-président de la Ligue d’Etterbeek. Jean Roger, Laurent Dechesne, Simon Sasserath et Julien Delaite, par contre s’y opposent. Le premier met en avant l’autorité morale que représente pour tous l’Assemblée wallonne et rappelle l’ordre du jour par lequel elle a constitué dans chaque arrondissement un Comité d’Action wallonne avec la collaboration des organismes existants. Il invite à prendre exemple sur le Comité constitué à Liège. Julien Delaite pour sa part, préconise le Congrès annuel des ligues wallonnes comme moyen d’action. Les ligues doivent pouvoir agir en toute autonomie dans leur arrondissement et se réunir pour agir dans des cas déterminés. Une fédération ne serait que la copie de l’Assemblée wallonne. Pour Gui Kaiser et Ivan Paul, c’est l’unification du programme des ligues qu’il faut viser et non leur fédération. Ils déposent un ordre du jour exprimant le vœu de voir toutes les ligues adopter pour programme les décisions des Congrès wallons, et faire pour le surplus confiance à l’Assemblée wallonne, responsable de la centralisation du mouvement.

C’est finalement l’ordre du jour formulé par Émile Jennissen qui est adopté : Le Congrès de Verviers émet le vœu de voir l’Assemblée wallonne activer la formation des Comités d’Action wallonne dont la création fut décidée à la réunion de Liège, du 13 novembre 1913, en vue d’organiser et unifier la propagande et les manifestations de la politique wallonne ; assure pour le surplus l’Assemblée wallonne de son entière confiance. Sera également transmis à l’Assemblée wallonne le vœu de Gui Kaiser de voir l’Assemblée wallonne réviser sa composition, en tenant compte des ligues wallonnes ou anti-flamingantes du pays entier. Il s’agissait d’adjoindre aux mandataires politiques des représentants actifs du Mouvement wallon.

Le deuxième point important à l’ordre du jour, celui de l’attitude à prendre à l’égard des mandataires wallons aux prochaines élections, est l’occasion d’un débat auquel participent Henrijean, vice-président de la Ligue wallonne du Brabant, Sasserath, Gustave D’Andrimont, Yvan Paul, Honinckx, président de la Ligue wallonne d’Ixelles, Remouchamps, Hector de Selys et que résume M. Sasserath dans l’ordre du jour suivant :

Le Congrès émet le vœu :

– de voir les associations wallonnes et de défense de la langue française organiser pendant la période électorale une campagne intense en faveur des droits de la Wallonie et de la défense de la langue française par des réunions publiques, par une intervention énergique dans toutes les associations politiques et dans les meetings, par des questionnaires adressés aux candidats ;

– de voir tous les militants anti-flamingants entrer dans les associations politiques pour y soutenir les droits de la Wallonie et de la langue française ;

– de voir disparaître des programmes politiques le principe de l’égalité des langues.

Deux autres questions sont encore traitées lors de ce Congrès wallon de Verviers ; celle de l’organisation de la documentation et de la propagande, traitée par Fernand Mallieux et celle de l’Exposition de Liège : le Congrès proteste contre le projet du gouvernement d’accorder en 1920 une exposition à Anvers alors que la dernière exposition a été organisée dans la partie flamande du pays et émet énergiquement le vœu de voir l’Exposition de 1920 organisée à Liège. Il espère qu’en sa qualité de wallon, le ministre compétent réalisera le vœu du Congrès.

Les vœux et ordres du jour émis par le Congrès de Verviers sont étudiés lors de la cinquième session de l’Assemblée wallonne qui se tient à Namur le 29 mars 1914. Ainsi, faisant suite au vœu formulé par Émile Jennissen relatif aux Comités d’Action wallonne, l’Assemblée wallonne vote une série de mesures destinées à accélérer l’organisation des comités (mandat donné à un délégué d’arrondissement d’organiser à bref délai un comité d’action local, proposition d’un règlement type pour organiser les comités, rapport par les délégués sur l’exécution de leur mandat lors de la prochaine réunion de l’assemblée). La proposition faite par Jean Roger de constituer une Fédération des Comités d’Action est réservée.

Sur l’attitude à prendre vis-à-vis des mandataires wallons lors des prochaines élections, l’Assemblée wallonne rappelle d’abord que, comme telle, elle n’a pas à intervenir dans les luttes des partis politiques. Toutefois, elle se doit d’agir par voie de conseil auprès de ses membres et auprès des groupes d’action wallonne qui veulent bien la consulter. Elle engage donc les groupes d’action à agir avec fermeté tout en se maintenant sur le terrain neutre des intérêts de la Wallonie, elle désapprouve la présentation de candidatures au nom d’un parti wallon et recommande aux Wallons une action énergique dans le groupement politique dont ils font partie. Un des moyens de cette action étant d’interroger les candidats sur divers aspects de la question wallonne et de publier leurs réponses, l’Assemblée wallonne charge six de ses membres (Destrée, d’Andrimont, Remouchamps, Dechesne, Mockel et Dolphens) de rédiger un projet de questionnaire qui sera mis à disposition des intéressés.

Une dernière préoccupation du Congrès de Verviers relative au mode de recrutement de l’Assemblée wallonne sera rencontrée en juillet 1914, puisque, à cette date, les Commissions de l’Assemblée wallonne se déclarent favorables au principe de modifications à apporter au mode de recrutement des membres de leur assemblée, dans le but d’intéresser directement les ligues aux travaux de celle-ci. Elles proposent qu’un rapport soit présenté à la prochaine réunion de l’Assemblée prévue à Bruxelles le deuxième dimanche d’octobre 1914.

 Jean-François Potelle

 

 

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