L’article 2 des statuts du Conseil économique
wallon, rendus publics en 1939, précise clairement les objectifs souhaités.
Le Conseil économique wallon a pour but essentiel la défense de la région
wallonne au point de vue économique. L’association aura pour tâche
d’empêcher l’émigration de l’industrie wallonne, de susciter et d’encourager
la création d’industries nouvelles en Wallonie, de veiller à la sauvegarde
des intérêts wallons lors de la conclusion d’accords internationaux, de se
préoccuper de toutes questions économiques, financières, sociales,
scientifiques, pédagogiques et artistiques intéressant le développement
économique de la Wallonie.
Ce projet, plusieurs Wallons le réclamaient :
René Dupriez dans les colonnes de la Gazette de Charleroi et de la
Défense wallonne du 2 juillet 1939 ; des articles du Pays libre ;
Max Drechsel au Congrès des socialistes wallons ; Jean Duvieusart, dans la
Revue catholique des idées et des faits. Quelques hommes d’affaires
et diverses personnalités libérales préconisaient, pour leur part, la
création d’un groupement d’étude et d’action réunissant toutes les forces
économiques de la Wallonie. Les ouvrages et articles de Maurice Firket (Dans
un régime économique nouveau) et d’Albert Delperée (dans La Cité
chrétienne et La Terre wallonne) aboutissaient à la même
conclusion : la Wallonie a besoin d’un Conseil économique wallon.
En fait, ces Wallons ont sous les yeux
l’exemple du VEV, le Vlaamsch Economisch Verbond, et du
Vlaamsch Toeristenbond qui veillent aux intérêts économiques des
provinces flamandes. Association patronale, le VEV établit des
mémoires, publie des brochures, donne des avis et est régulièrement consulté
par le gouvernement. Son but est à la fois culturel et économique : propager
l’emploi du flamand dans les relations d’affaires et coaliser les intérêts
économiques des provinces flamandes. L’existence du VEV donne une
double représentation aux industries flamandes déjà présentes au sein du
Comité central industriel.
Pour les initiateurs du Conseil économique
wallon, ce dernier ne doit cependant pas devenir une association patronale
ni la réplique wallonne du Comité central industriel. Il doit être ouvert
tant aux patrons, qu’aux syndicalistes et aux scientifiques. Ses buts :
suivre de près les soubresauts de l’économie wallonne ; étudier les moyens
de la redresser. Il ne s’agit pas de créer un organe de défense des
patrons ou des ouvriers mais un instrument soucieux des uns et des autres,
visant à résoudre les grands problèmes de l’avenir de l’économie wallonne.
L’action devra porter sur de nombreux sujets : politique des transports
(eau, fer, route), canal de Charleroi à Bruxelles, amélioration de la
navigation entre Liège et Hainaut en direction de la France, bouchon de
Lanaye, industrie coutelière et armurière, situation du Tournaisis, du
Borinage, tourisme, etc.
C’est au comité de la Ligue d’Action wallonne
de Liège que revient l’honneur de concrétiser l’idée. En 1938, la Ligue
étudie la question des statuts et il apparaît clairement, sous la plume de
Fernand Dehousse, que l’un des objectifs principaux du Conseil économique
wallon doit être l’élaboration de la doctrine économique (voire sociale) du
Mouvement wallon, comme l’a fait sur le plan politique et institutionnel la
Concentration wallonne (L’Action wallonne, 1938, n° 11). Le
professeur Maurice Firket lui consacre de nombreux articles dans le journal
L’Action wallonne. Dans le courant d’avril 1939, la Ligue d’Action
wallonne charge trois de ses dirigeants, Englebert Renier, Jean Rey et
Fernand Schreurs de mettre sur pied un organisme économique qui défendra les
intérêts de la Wallonie. Avec Georges Truffaut et Jules Hiernaux, ils seront
les initiateurs du Conseil économique wallon.
Animés du même idéal, celui de servir au
maximum la Wallonie, ils ont été parmi les tout premiers à prendre
conscience de la détérioration qui menaçait l’économie wallonne alors que
d’autres parties de la Belgique se trouvent en pleine phase d’expansion.
Leur plan de travail a consisté dans un premier temps à définir les causes
de la décadence de l’économie wallonne, dès lors à réaliser des études
rigoureuses, approfondies, systématiques et surtout en dehors de toute
préoccupation d’ordre politique ou philosophique. Le 9 juillet 1939,
Englebert Renier annonce la constitution du Conseil économique wallon ; les
statuts ont été rédigés par l’avocat Fernand Schreurs et adoptés ; Renier
est chargé des dernières formalités légales. La Drôle de guerre qui débute
en septembre 1939 retarde la publication des statuts au Moniteur belge
que le déclenchement des hostilités rend impossible à la date prévue, le 15
mai 1940. Craignant une perquisition, Renier détruit d’ailleurs les statuts
du Conseil économique wallon. Schreurs en a heureusement conservé le double
et, tout en reportant à l’après-guerre, la publication des actes
constitutifs du CEW, ils décident de poursuivre clandestinement les
objectifs du Conseil économique wallon et d’amorcer l’étude des nombreux
problèmes qui ne manqueront pas de se poser à la Wallonie, au moment de la
Libération.
Conseil économique wallon clandestin
La relance du Conseil économique wallon
clandestin aurait eu pour origine une Commission des 15 qui aurait été
instituée pendant la guerre, sur base d’instructions données par Thone à
Regibeau (alors à Clermont-Ferrand) et que Englebert Renier aurait
appliquées (FHMW, Fonds Thone, n° 7038). Mare-Françoise Gihousse ajoute
qu’un premier carré s’est constitué autour de Renier, Albert Delperée, Aimé
de Spiegeler et Maurice Noirfalize. À partir de 1941, se joignent au
groupe Fernand Dehousse et François Van Belle ; ils se réunissent au cabinet
de Renier, à la Chambre de Commerce. Sous l’égide d’Englebert Renier, le
Conseil économique wallon paraît commencer à se réunir régulièrement à
partir de 1942, dans la clandestinité, avec Fernand Schreurs et François Van
Belle. Ensemble, ils établissent la liste des problèmes économiques wallons
et réunissent une riche documentation. En 1943, un comité se met en place et
des Commissions sont créées à Bruxelles et à Charleroi. Il s’agit de
défendre la région wallonne, au point de vue économique : protéger les
industries wallonnes existantes, empêcher l’émigration vers le nord,
susciter et encourager la création d’industries nouvelles en Wallonie.
Participent alors aux travaux Maurice Firket, Albert Delperée, Aimé De
Spiegeler, Maurice Noirfalise, Octave Pinkers, Léon-Éli
Troclet, Fernand Dehousse, Jules Hiernaux, René Thone, Max Drechsel, Georges
Dedoyard, Marcel Florkin, Albert Schlag, Nestor Miserez, André Kaisin,
Robert Nemery. A Liège on trouve encore Lucien Eschweiler, René Moressée,
René Sarlet, Edgard Frankignoul, Eugène Montrieux et Charles Baré ; à
Bruxelles, l’entrepreneur Holoffe.
À Liège, en décembre 1943, sept Commissions ont
déjà travaillé et fourni des rapports qu’elles ont adressés à Charleroi et
Bruxelles pour avis. À la tête de ces Commissions, on trouve, comme
présidents Aimé de Spiegeler (agriculture), Albert Delperée (commerce
extérieur), Englebert Renier (commerce intérieur), Fernand Schreurs et
Marcel Thiry (culture), François Van Belle (finances), Maurice Noirfalise
(industrie), Léon-Éli Troclet
(social), Maurice Bologne (tourisme), Fernand Dehousse (transports). De
manière globale, il ressort que le Conseil économique wallon entend mettre
tout en œuvre pour créer un bloc économique franco-wallon (février 1944). De
plus, le Conseil économique wallon s’est penché sur des sujets particuliers
comme le VNV, le Boerenbond, le Congo, les langues dans la
justice suisse, le problème du plébiscite. Il a aussi examiné l’ouvrage
Union ou chaos de Clarence K. Streit et en a conclu qu’il convient
d’aller vers une grande fédération d’États démocratiques. C’est le principe
fédéral qui est ainsi adopté. En 1944, le Conseil économique wallon
clandestin rédige des rapports sur le transport en général (situation des
chemins de fer, canal Charleroi-Dunkerque, bouchon de Lanaye…) et le
problème de l’agriculture ; il envisage aussi la réalisation d’une union
économique entre la France et la Belgique. L’aspect culturel fait l’objet
d’un groupement indépendant (l’APIAW). Quant à Edgard Frankignoul, il fera
étudier la situation précise et détaillée de l’industrie wallonne, demandant
aussi que davantage d’industriels participent aux travaux.
C’est en recherchant la documentation
nécessaire à l’élaboration de leur rapport que les initiateurs du Conseil
économique wallon recevront la confirmation de la pertinence de leur
entreprise. Ainsi Fernand Dehousse constate-t-il que (…) les
pérégrinations auxquelles j’ai dû me livrer et qui se sont (…)
étendues sur plusieurs mois (…) montrent combien (…) nous sommes
incroyablement mal outillés pour l’étude des questions wallonnes. Notre
Conseil économique wallon ne justifie qu’à peine son nom. Pour en être
digne, pour servir la Wallonie comme elle le mérite, il devrait avoir à sa
disposition un bureau d’études permanent, qui constituerait une
bibliothèque, centraliserait les informations, posséderait dans toute la
Wallonie des correspondants qualifiés, à qui les chercheurs pourraient
recourir. Ce n’est qu’à ce prix que nous ferons réellement progresser
l’étude de l’économie wallonne et que nous lui donnerons la charpente
scientifique qu’elle réclame (…)
La Libération
En septembre 1944, le Conseil sort de la
clandestinité avec, officieusement, à sa tête Englebert Renier. À la mort de
ce dernier, François Van Belle devient le premier président provisoire du
Conseil économique wallon. Son discours inaugural, le 6 novembre 1944, en
présence du ministre des Travaux publics Herman Vos, aura un écho
considérable et donnera au Conseil économique wallon une crédibilité
certaine. Bien charpentée, détaillée et argumentée, son intervention met en
lumière tous les problèmes qui doivent être rencontrés, rapidement, tant à
Liège qu’en Wallonie. Dans les premiers mois de son existence non légalisée,
le Conseil économique wallon participe à de nombreux travaux d’études pour
la reconstruction des ponts du canal Albert et l’aménagement de la Meuse
liégeoise ainsi qu’aux travaux de la Commission nationale d’électrification
des chemins de fer. Il intervient en faveur de la modernisation des voies
navigables du Hainaut, en faveur des industriels et artisans wallons auprès
des conseils professionnels, etc. Ces démarches sont surtout le fait de
Wallons bénévoles, soucieux de donner une consistance au Conseil économique
wallon. Mais le Conseil économique wallon tarde à se constituer
officiellement, bien que ses statuts soient prêts, ayant été élaborés avant
la guerre et revus collégialement pendant celle-ci.
Il est vrai que les industriels émettent
diverses critiques à l’égard du Conseil économique wallon. Pour Alfred
Putzeys, certains industriels sont trop liés à la Société générale et à la
Banque de Bruxelles qui mettront leur veto à toute affiliation au Conseil
économique wallon. D’autres patrons d’entreprises sont mécontents des
attaques que la presse socialiste leur a adressées concernant leur attitude
pendant la guerre. Or, ils considèrent le Conseil économique wallon comme
une émanation du parti socialiste. Enfin, d’autres se disent effrayés par
les propos “ rattachistes ” de Wallonie libre ; partisans du bout des lèvres
d’une formule fédéraliste, ils rappellent qu’ils détiennent des intérêts
dans des affaires à Bruxelles et en Flandre (Lettre de Putzeys du 9 décembre
1944, FHMW, Conseil économique wallon clandestin, V correspondance). Déjà
pendant la guerre, on a vu un Edgard Frankignoul hésiter à prendre part aux
travaux de certaines Commissions par crainte d’être engagé totalement
vis-à-vis du programme du Conseil économique wallon. Frankignoul souhaitait
d’ailleurs clairement un autre Conseil économique wallon composé
exclusivement de financiers, de commerçants et d’industriels.
Le 15 décembre 1944, François Van Belle,
accompagné de Georges Thone, parvient à convaincre les industriels
Frankignoul, Lepage et Putzeys de l’intérêt du Conseil économique wallon.
Leur adhésion devait en encourager d’autres à s’y investir. Cependant,
Frankignoul, comme nombre d’autres industriels, est réticent à la présence
d’un homme politique à la présidence du Conseil économique wallon. Il lui
préférerait un industriel. Par contre, Georges Thone qui n’hésite pas, en
1946, à verser 10.000 F comme titre de participation au Conseil économique
wallon, craint qu’un industriel fasse des affaires économiques et non des
affaires wallonnes… Et de regretter l’absence de Georges Truffaut… Sans
tarder cependant, le député socialiste de Tilleur, François Van Belle,
accepte de laisser la présidence à Charles Baré (février 1945).
D’autres critiques à l’égard du Conseil
économique wallon pointent dès sa formation. Le nombre d’administrateurs et
la composition du comité directeur suscitent de nombreux débats et, par
conséquent, ces discussions provoquent des retards, notamment et surtout
pour la publication des statuts. Afin de répondre aux souhaits de beaucoup
d’industriels, il est convenu de ne pas mêler industriels et politiques dans
les mêmes structures. Dès lors, les industriels (F. Capelle, A. Decoux, A.
Delruelle, N. Dessard, A. Dewandre, R. Bradfer, P. Henrard, L. Lepage, A.
Putzeys) se retrouveront essentiellement dans le comité directeur alors que
les politiques figureront au sein du Conseil d’administration. Ce choix
provoque de fortes réticences auprès des initiateurs et collaborateurs
bénévoles du Conseil économique wallon clandestin. Ils craignent que la
dimension wallonne ne soit progressivement gommée et que l’intérêt de
plusieurs gros industriels ne prenne le pas sur l’intérêt général de
l’économie wallonne (Lettre de Noirfalise à François Van Belle, 5 mars 1945.
FHMW, Fonds Van Belle, n° 929). Au sein de la section de Chênée de Wallonie
libre, on craint clairement que le Conseil économique wallon ne soit
contrôlé par la haute finance et la Société générale de Belgique. Les
initiateurs du Conseil économique wallon n’admettent pas non plus que
Charles Baré soit imposé par les industriels, et en particulier par Louis
Lepage. Enfin, ils constatent que la publication des statuts traîne depuis
plusieurs mois sous prétexte de rassembler les signatures de personnalités
majeures. Or, la brochure présentant le Conseil économique wallon dont la
sortie est prévue au mois de mai, ne contient aucun nom ! Les Jules Conard,
Albert Delperée, Aimé De Spiegeler, J. Eschweiller, Marcel Florkin, Fernand
Graindorge et Maurice Noirfalise qui œuvrent depuis fin 1940 au succès du
Conseil économique wallon protestent contre une pratique qui bannit le
fair-play et introduit les manœuvres sournoises dans les prises de
décision du Conseil économique wallon.
Pendant les premiers mois de 1945, Charles Baré,
Edgard Frankignoul et Ernest Degrange prospectent pourtant systématiquement
et respectivement Liège, Namur et le Hainaut pour convaincre industriels et
hommes politiques wallons de participer au Conseil économique wallon. Alfred
Putzeys et Marcel Platéus, responsables importants au sein de la Société des
Pieux Franki, assurent la totalité du secrétariat quotidien. Ils s’en
plaindront auprès de Baré, alors occupé auprès du Haut Commissaire à la
Défense de la Population civile (Louis Lepage), avant de le menacer de tout
laisser tomber s’il n’assume pas totalement ses fonctions de responsable du
Conseil économique wallon et de l’Onde wallonne. Ils réclament aussi de
toute urgence la sortie d’une revue trimestrielle. Celle-ci ne prendra forme
qu’en 1948. Depuis le Hainaut, Max Drechsel se plaint aussi des retards du
côté de Liège. Officier de réserve, Charles Baré est mobilisé en juin 1945.
Dès lors, Georges Thone accepte de laisser l’un de ses employés, Victor
Salme, poursuivre l’intendance du Conseil économique wallon, avec Jean
Putzeys, le fils d’Albert Putzeys. Néanmoins, début juillet, le Conseil
économique wallon quitte les bureaux de la Société des Pieux Franki pour
s’installer dans l’immeuble du boulevard Frère Orban (n° 8) à Liège,
qu’occupait auparavant le Consulat général de France. Le Conseil économique
wallon prend alors son envol, avec Charles Baré comme administrateur-délégué
officiel. Succédant à François Van Belle (1944-1945), Charles Baré
(1945-1953) sera remplacé par Joseph Mineur (1953-1971). Alors que Pierre
Lucion, pionnier du Conseil économique wallon, exerce les fonctions d’administrateur-directeur,
Jean Burton s’occupe du secrétariat général jusqu’en 1962. André Goffin lui
succède jusqu’en 1971.
Les statuts du Conseil économique wallon seront
finalement publiés au Moniteur belge le 21 juillet 1945. Association
sans but lucratif installée à Liège, le Conseil économique wallon
développera ses activités dans des sections établies à La Louvière, Mons,
Charleroi, Namur et Tournai. Par la suite, verront le jour les sections du
Brabant wallon, du Nord Hainaut et de Verviers et des comités siégeront à
Eupen et à Huy. Le Conseil économique wallon entretiendra aussi des
relations étroites avec le Conseil économique luxembourgeois.
Le Conseil économique wallon aura le souci de
promouvoir le goût pour l’économie en jetant les bases d’un Centre d’études
économiques et sociales, à installer à Liège. Il s’agissait de créer un
établissement scolaire qui serait administré par les quatre provinces
wallonnes et qui délivrerait un diplôme ; si l’État le cautionne, le diplôme
sera, après deux années, un diplôme de candidat en sciences économiques et
sociales ; sinon, un diplôme de gradué. La matière porterait sur la
Wallonie, le fédéralisme, l’économie et la sociologie appliquées, la
démographie, l’étude de l’organisation des entreprises wallonnes,
orientations, exportations, etc. Un cycle de deux années supplémentaires
déboucherait sur un diplôme de licence ou de technicien. L’économiste R.
Anciaux est le porteur de ce projet qui, depuis 1940, vise à doter les
industries et le commerce de spécialistes. Le Centre fera l’objet des
travaux d’une Commission du Conseil économique wallon et verra le jour le 1er
octobre 1945 : l’Institut de Recherches économiques provincial sera créé à
l’initiative du gouverneur et de la députation permanente du Hainaut et
installé à Charleroi. En 1966, suite à la loi sur l’expansion universitaire,
il sera transformé en organisme d’État et attaché au Centre universitaire de
Mons. La députation permanente du Hainaut créera alors un Bureau d’étude
économique et social qui éprouvera les pires difficultés à être reconnu par
l’État.
D’autres Commissions s’occuperont des avantages
d’une union douanière avec des pays de l’ouest de l’Europe ou de la
politique extérieure de la Belgique. Au cours des années 1946 et 1947, le
Conseil économique wallon prendra une telle importance qu’il nécessitera
l’élargissement de son Conseil d’administration. Progressivement, les
militants wallons préconisant des idées fédéralistes sont écartés du Conseil
économique wallon. Cet écart ne cessera de se creuser entre le Conseil
économique wallon et le Congrès national wallon sans qu’il empêche des
actions communes très ponctuelles.
Fonctionnement
En théorie, avec l’Assemblée générale, le
Conseil d’administration préside souverainement à la direction du Conseil
économique wallon et en arrête la politique. Les sections locales jouissent
d’une large autonomie et sont compétentes dans tout ce qui est spécifique à
la sous-région. Elles doivent en dégager les besoins et prendre toute
initiative utile. Elles ont aussi pour mission de maintenir un contact
permanent avec les autorités locales ainsi qu’avec leurs membres, de
s’occuper de propagande et de recruter de nouveaux adhérents. Leur travail
n’est cependant pas isolé : des contacts étroits les unissent entre elles et
avec l’administration centrale du Conseil économique wallon, avec l’objectif
commun de défendre les intérêts économiques de toute la Wallonie.
L’administration centrale, fixée à Liège, comprend des services
administratifs, d’études et d’action. Elle met en exécution les décisions du
Conseil d’administration. Des collaborateurs expérimentés étudient
continûment l’économie wallonne, recherchent les moyens de la défendre et
d’en promouvoir l’expansion. À la demande des sections régionales ou
d’initiative, l’administration centrale entreprend des études, s’entoure de
spécialistes, entreprend certaines démarches. Une douzaine de Commissions se
sont spécialisées dans les questions suivantes : agriculture, aménagement du
territoire, commerce extérieur, décentralisation, démographie, politique
économique générale, questions fiscales et financières, industries
nouvelles, logement, main-d’œuvre, transports, télévision et radiodiffusion.
Au sein du Conseil d’administration du Conseil
économique wallon se retrouvent, à partir de janvier 1948, les gouverneurs
des quatre provinces wallonnes, des parlementaires wallons, des mandataires
communaux et provinciaux, des représentants des milieux économiques de
Wallonie, tant patronaux qu’ouvriers, syndicaux, etc. Les petites, moyennes
et grandes entreprises sont représentées de même que les milieux agricoles,
de la finance, du commerce. À l’occasion du dixième anniversaire du Conseil
économique wallon, Jean Rey, alors ministre des Affaires économiques, ne
manquera pas de louer l’esprit de collaboration qui régna entre les
différents acteurs. Association apolitique et pluraliste, le Conseil
économique wallon confirmera tout au long de son existence ses buts de
défense et de développement des régions wallonnes, sur le plan économique,
dans le cadre national et international. Son dynamisme inspirera la
Flandre qui, en 1952, créera l’Economische Raad voor Vlaanderen, sur
le modèle wallon.
Mais, en dépit de ses nombreuses études, le
Conseil économique wallon ne suscite pas l’unanimité. Les critiques du
Mouvement populaire wallon décrivent en effet une institution échappant
petit à petit aux militants wallons qui l’ont créée. Depuis sa mise en
place, en 1945, le Conseil économique wallon est passé aux mains des
industriels et des milieux conservateurs. D’organisme d’action, le Conseil
économique wallon est devenu une administration. Au lieu de consacrer ses
ressources à la lutte, il engouffre annuellement dans les 4 millions pour
payer ses fonctionnaires et publier une revue bimensuelle. La
mainmise des gouverneurs, fonctionnaires dépendant de l’État central,
est elle aussi dénoncée. Le départ de Charles Baré, administrateur-délégué
qui défendait l’idée de la construction européenne (1953), est la
manifestation, parmi d’autres, d’un mouvement écartant tous ceux qui
préconisent des formules induisant une réforme de la Belgique unitaire (par
exemple le fédéralisme), estiment toujours certains milieux wallons de
gauche. Les syndicats et les partis de gauche ne trouveraient plus non plus
dans le Conseil économique wallon un lieu où envisager sérieusement les
problèmes économiques de la Wallonie. La démission “ forcée ” du secrétaire
général, Jean Burton, en 1962, résulterait de ses prises de position en
faveur du fédéralisme au début des années soixante. Dans ces conditions,
notamment pour le Mouvement populaire wallon, il est hors de question
d’accorder la moindre représentativité officielle à cet organisme qui, à la
fin des années cinquante, a rejeté des amendements émanant d’André Genot.
Unitaire et conservateur, le Conseil économique wallon ne traduit en rien
les aspirations profondes et légitime du peuple de Wallonie.
Présidé depuis 1948 par le gouverneur du
Hainaut Émile Cornez, le Conseil économique wallon entreprend de réformer
ses statuts en 1962, au moment où Émile Cornez, pour des raisons de santé,
décide d’abandonner sa fonction et est nommé président général honoraire. Le
Conseil économique wallon souhaite s’ouvrir davantage aux composantes de
la société wallonne afin de forger davantage l’union des Wallons. Cette
réforme touche essentiellement la représentation des provinces au sein du
Conseil d’administration. Sous la houlette de Pierre Clerdent, président
général (1963-1968), et de Max Drechsel, vice-président et ancien conseiller
d’Émile Cornez, le Conseil économique wallon entend refléter les besoins des
provinces wallonnes et en réaliser une synthèse pour toute la Wallonie. Le
Conseil économique wallon accueille aussi en son sein de nouvelles
personnalités wallonnes prêtes à défendre les objectifs d’un Conseil qui
s’inscrirait dans la lignée de ses fondateurs.
La publication du Rapport Sauvy et ses
implications paraissent rapprocher le Conseil économique wallon et les
mouvements wallons de l’époque. Au printemps 1967, le Conseil économique
wallon organise, initiative inhabituelle pour lui, un congrès
extraordinaire. Le professeur Albert Delperée y aborde la problématique
démographique wallonne, Joseph Mineur le volet économique, François Persoons
les objectifs de la politique économique et les conditions institutionnelles
du redressement wallon, tandis que Paul Romus évoque la place de la Wallonie
dans la Communauté européenne. Dans ses résolutions, le congrès exige que la
Wallonie puisse bénéficier à part entière de la prospérité nationale et du
plein emploi. Dès lors, il estime que la Wallonie devrait être privilégiée
dans l’application de la loi du 14 juillet 1966 ; qu’elle devrait aussi
pouvoir recevoir une aide de la CEE, de la CECA et de la Banque européenne
d’Investissement. Une politique de développement industriel axée sur les
secteurs nouveaux (chimie, pétrochimie, etc.) devrait être élaborée avec la
participation effective de la Wallonie : des crédits d’infrastructure
devraient lui être attribués ; une politique wallonne de l’eau développée,
de même qu’une politique familiale, sociale, culturelle, de l’emploi et de
l’aménagement du territoire. Tout en prônant une décentralisation de ces
différentes politiques et en demandant des garanties institutionnelles pour
les deux grandes communautés du pays, le Conseil économique wallon
réclame aussi un statut officiel pour lui-même. Le Conseil économique wallon
comme les institutions de la Belgique sont entrés dans une phase de
mutation.
Anticipant sur les événements politiques, l’Assemblée
générale du Conseil économique wallon, réunie le 29 janvier 1968, prononce
la dissolution à terme du Conseil économique wallon dans sa forme du moment
et la création concomitante d’un nouvel organisme différemment structuré.
Dans le même temps, Pierre Clerdent laisse la présidence générale à un autre
gouverneur, en l’occurrence Maurice Brasseur, et de nouveaux statuts, ceux
d’asbl, votés par l’Assemblée générale le 29 avril, accordent alors
davantage de pouvoir aux provinces dans la gestion du Conseil économique
wallon. Via son président, Maurice Brasseur (1968-1970), le Conseil
économique wallon adopte une position avancée dans les discussions sur la
réforme de l’État et rédige un Memorandum qui est adressé au nouveau
gouvernement.
Ce Memorandum insiste sur le problème de
l’emploi wallon : en deux ans (1965-1967), 34.000 emplois ont été perdus
tandis que le chômage a grimpé de 128%. L’économie wallonne décline et seule
une politique économique et sociale nouvelle peut rendre un dynamisme
durable. Cette politique doit, d’après le Conseil économique wallon,
s’appuyer sur la réalité et la spécificité régionale (le territoire de la
Wallonie), élaborer une planification, mettre en place un appareil
administratif et financier wallon et, enfin, rechercher des investissements
d’innovation et d’expansion et non plus seulement de rationalisation. Et le
Conseil économique wallon de proposer dix-sept mesures concrètes et
immédiatement applicables parmi lesquelles la réalisation de grands travaux
d’infrastructure, l’amélioration du logement, la désignation d’un ministre
de l’économie wallonne et la reconnaissance officielle du Conseil économique
wallon. Le Memorandum s’occupe essentiellement de l’économique et du
social mais il a aussi des objectifs d’ordre institutionnel sans lesquels
aucune décision ne pourra être prise.
Au nom du Conseil économique wallon, Maurice
Brasseur convoque au Sénat une réunion des chefs de groupe politique puis
invite les parlementaires wallons élus le 31 mars 1968 à se réunir en une
Assemblée wallonne et à débattre sur base du Memorandum rédigé par le
Conseil économique wallon. Après trois réunions, l’Assemblée des Élus
wallons adoptent une résolution qui reprend le contenu du Memorandum
en insistant sur dix-neuf points parmi lesquels la reconnaissance
institutionnelle du Conseil économique wallon ; la planification et la
décentralisation ; la priorité donnée au problème du chômage ; la refonte
des lois d’expansion et de relance économiques (de 1959 et 1966) ;
l’établissement d’un cahier de reconversion assurant un parallélisme entre
fermeture et ouverture d’entreprises ; l’achèvement rapide d’une
infrastructure moderne en Wallonie.
Pour la première fois, il y a unanimité des
parlementaires wallons sur une question ; elle porte sur l’économie.
Pourtant, si le Memorandum est adopté unanimement par l’Assemblée, il
ne sera jamais pris en considération, explicitement, par le gouvernement.
Quant au front commun syndical FGTB-CSC, il fera du Memorandum son
programme minimum, y ajoutant d’autres objectifs politiques et économiques.
Par ailleurs, le Conseil économique wallon lui-même approfondira les
principes et le contenu de son projet. Sept Commissions (planification et
décentralisation économique, politique économique régionale, emploi,
infrastructure, office de promotion industrielle, enseignement, agriculture)
sont mises sur pied qui, chacune, remettront un rapport final. Ce dernier
est synthétisé sous la forme d’une Charte du développement économique de
la Wallonie. Cette charte, adressée à tous les membres du gouvernement
au printemps 1971, définit les piliers qu’une véritable politique régionale
pour la Wallonie.
En soi, la situation montre une évolution
considérable depuis la démission d’André Renard et d’André Genot, au
lendemain de la grève de l’hiver 60-61. À l’époque, le Conseil économique
wallon n’a pourtant pas caché que sa réflexion s’articule autour du principe
fondamental du régionalisme économique. En 1961, au plus fort de la crise
charbonnière, il a lancé l’idée d’une programmation économique régionale.
L’idée allait mûrir et se marier avec un autre projet qui consistait à
rendre obligatoire la consultation des Conseils économiques régionaux par le
gouvernement avant toute décision économique importante. À partir de 1967,
l’institutionnalisation des Conseils économiques régionaux devient une
revendication que le gouvernement issu des élections de mars 1968
concrétise. Vice-Premier ministre, J-J. Merlot fait inscrire dans la
déclaration gouvernementale que le Conseil économique wallon sera un
élément des nouvelles structures qui seront mises en place à bref délai dans
chaque région. L’accord entre les partis du 12 juin 1968 attribue un
statut officiel à des Conseils économiques régionaux qui seront les
interlocuteurs valables du pouvoir central au niveau des régions.
Moyennant certains aménagements de statuts, le Conseil économique wallon
pourra devenir cet interlocuteur officiel. Après les tergiversations autour
du projet de loi 125 (1969), la loi du 15 juillet 1970
portantorganisation de la planification et de la décentralisation
économiques – dite Loi Terwagne – permet au Conseil économique wallon de
faire place au Conseil économique régional pour la Wallonie. La concertation
régionale est ainsi institutionnalisée. Outre le changement de vocable, il
s’agit d’une reconnaissance officielle pour le Conseil économique wallon qui
se voit dès lors assigner de nouvelles missions par l’autorité publique.
Après plus de trente années de “ bénévolat ”
consenti tant par des administrateurs que par les membres des diverses
Commissions, le Conseil économique wallon voit ses efforts reconnus
officiellement. C’est à Alfred Delourme que revient la responsabilité de
présider le nouveau Conseil économique régional pour la Wallonie. Organisme
officiel, le Conseil économique régional pour la Wallonie se transformera en
Conseil économique et social de la Région wallonne, suite au décret du 25
mai 1983. C’est le travail de trente années qui se trouvait ainsi couronné.
Activités du Conseil économique wallon
Parmi les premières actions du Conseil
économique wallon, en 1945, figurait un important dossier, rédigé par
Charles Baré, destiné à convaincre les Français d’investir en Wallonie dans
une usine de montage de voitures. Inspiré aussi par le Conseil économique
wallon, Jean Rey dépose une proposition de loi sur la décentralisation de la
Société nationale de Crédit à l’Industrie (août 1946). Mais
incontestablement, la mission la plus importante, qui assure en même temps
la reconnaissance implicite du Conseil économique wallon, lui est confiée
par le gouvernement, en 1945, à la suite du Congrès national wallon
d’octobre 1945 : il s’agit d’analyser les causes de la décadence économique
de la Wallonie et d’énoncer une série de remèdes à la situation ainsi
décrite. Après dix-huit mois de travaux, le Conseil économique wallon remet
son rapport au gouvernement (20 mai 1947). Pour la première fois, c’est sous
l’angle régional wallon que sont abordés les problèmes démographiques, ceux
du transport (par eau, par route, par rail), ainsi que les questions
touchant à l’évolution de l’industrie, de la politique agricole, de la
politique extérieure. Le Conseil économique wallon souligne enfin les
inconvénients d’une centralisation excessive. Pendant la durée des
travaux du Centre Harmel, le Conseil économique wallon est aussi appelé à
intervenir à de très nombreuses reprises tant à la Commission économique
qu’à la Commission démographique. Il sera d’ailleurs très souvent en
opposition avec le Vlaamsch Economisch Verbond.
Organisme d’étude, le Conseil économique wallon
cherche les meilleures conditions du développement économique wallon et
intervient auprès des pouvoirs publics pour encourager et initier les
actions nécessaires. Dès la fin des années quarante, il souhaite notamment
l’établissement d’un équipement public et privé adéquat en Wallonie et la
constitution, en Europe, d’un vaste marché intérieur qui assure un
écoulement régulier de la majeure partie des larges excédents de la
production wallonne. Le Conseil économique wallon insiste donc sur
l’équipement routier, ferroviaire et fluvial wallon et milite en faveur
d’une intégration européenne rapide. Le Plan Schuman sert de référence au
Conseil économique wallon.
En matière d’unions
économiques avec les pays voisins, le Conseil économique wallon se trouve en
totale contradiction avec les mouvements wallons. Opposés depuis 1944 à
l’idée bénéluxienne, ceux-ci défendent, depuis l’Entre-deux-Guerres, l’idée
d’une union économique avec la France. Parmi les fondateurs du Conseil
économique wallon se trouvent d’ailleurs
des partisans actifs de ce projet.
Le Conseil économique wallon évoluera cependant dans
une autre direction :
considérant, notamment, l’augmentation des échanges avec la
Hollande, le
Conseil économique wallon se fait le défenseur de Benelux, comme d’ailleurs
de la CECA. Sur ce dernier point, le Conseil économique wallon et les
militants wallons
sont sur la même longueur d’onde, du moins avant le départ
de Charles Baré…
En matière de transport par eau, le Conseil
économique wallon se fait le défenseur de la modernisation de l’ensemble du
système fluvial. Outre les gros dossiers (bouchon de Lanaye, écluse
Neuville-sous-Huy, canal du Centre…), le Conseil économique wallon préconise
l’aménagement de l’ensemble des bassins de la Meuse et de l’Escaut, et de
porter toutes les voies d’eau du bassin industriel à un gabarit suffisant
(1.350 tonnes). Considérant Anvers comme la porte de la Wallonie vers l’Outre-Mer,
le Conseil économique wallon considère comme indispensable de réaliser la
mise à gabarit de 1.350 tonnes des deux boucles : d’une part,
Anvers-Liège-Namur-Charleroi-Bruxelles-Anvers ; d’autre part,
Anvers-Gand-Tournai-Mons-Charleroi-Bruxelles-Anvers. Faisant écho à ces
revendications, le Parlement votera la loi du 9 mars 1957 édictant un plan
décennal dans lequel se retrouvent les souhaits du Conseil économique
wallon.
À la fin des années cinquante, le Conseil
économique wallon met surtout l’accent sur la nécessité d’achever au plus
vite l’autoroute de Wallonie, puissant facteur de polarisation et de
diversification industrielles ainsi que de remodelage urbanistique des sites.
Le but du Conseil économique wallon est de placer l’autoroute de Wallonie
dans les travaux prioritaires. Sur base du programme de 1947, le Conseil
économique wallon met aussi l’accent sur l’électrification de l’ensemble du
réseau ferroviaire wallon, notamment et surtout sur la dorsale wallonne dont
le Conseil supposait, dans les années soixante déjà, qu’elle serait un lien
important entre l’Allemagne et l’Angleterre au lendemain du creusement du
tunnel sous la Manche. Constamment la lenteur des travaux entrepris en
Wallonie sera stigmatisée. Les critiques seront plus nettes encore lorsque,
en très peu de temps, l’infrastructure nécessaire au succès de l’Exposition
universelle de 1958 sera réalisée à Bruxelles mais aussi au regard de
nombreuses réalisations faites en Flandre, dans des délais très courts.
En matière agricole, le Conseil économique
wallon tente de convaincre les agriculteurs wallons d’accepter un
remembrement des exploitations, des formes de coopération et l’introduction
de nouvelles techniques. Tout au long de ses années d’existence, le Conseil
économique wallon réservera au monde agricole une attention soutenue
(études, analyses, suggestions, etc.). Le Conseil économique wallon joue
aussi un rôle fondamental dans la prise de conscience collective du
phénomène de vieillissement de la population wallonne : dès le début de ses
travaux, le Conseil économique wallon alerta la population wallonne sur le
problème de la dénatalité. Analysant son importance, le Conseil économique
wallon a souligné ses conséquences sur le volume de l’emploi et sur le
potentiel économique de la Wallonie. Il a jeté les bases scientifiques d’une
politique démographique et familiale adaptée à la Wallonie. Ses observations
conditionneront, dans une certaine mesure, la réforme du régime des
allocations familiales et des primes de naissance (avril 1957, février et
juillet 1961), faisant de la famille de trois enfants le pivot de la
législation. En 1962, le rapport remis par le professeur français Alfred
Sauvy confirmera les travaux du Conseil économique wallon et formulera de
nouveaux objectifs qui seront partiellement atteints (réformes d’octobre
1962, avril 1964 et janvier 1966). Dans l’attente d’une véritable action
nataliste, le Conseil économique wallon préconisera aussi une politique
immédiate d’immigration, impliquant accueil et intégration des arrivants.
Le Conseil économique wallon joue aussi un rôle
fondamental dans la prise de conscience collective du vieillissement de
l’outil wallon et de la nécessité d’assurer une reconversion rapide. Face
aux nouveaux défis technologiques, le Conseil économique wallon entend aussi
être à la pointe de l’analyse : orienter l’économie wallonne vers tel ou tel
secteur, favoriser tel type d’enseignement, analyser l’influence des
techniques sur l’économie, prévoir le remplacement du charbon, etc. La
perspective d’un chômage massif est très tôt perçue par le Conseil
économique wallon. Refusant des expédients aussi rudimentaires que le renvoi
des étrangers dans leur pays, le Conseil économique wallon mobilisera la
population wallonne contre la désindustrialisation de la Wallonie
(manifestation de Charleroi, 18 janvier 1960). La fermeture des
charbonnages doit s’accompagner de mesures de reconversion : le Conseil
économique wallon s’emploiera à montrer, études à l’appui, les voies et
moyens à suivre pour atteindre cet objectif. La loi du 14 juillet 1966
rencontrera, en partie, les desiderata du Conseil économique wallon,
en favorisant la part d’investissements étrangers et de nouvelles
technologiques en Wallonie.
En 1970, dans Wallonie ‘70, Naissance d’un
Peuple, André Patris salue les éminents services rendus par le Conseil
économique wallon à la communauté wallonne. Aux appétits mini-régionaux
aiguisés en sous-main par le pouvoir central, il a eu le mérite d’opposer
avec constance la notion de l’intérêt général et d’offrir aux éléments les
plus combatifs une tribune de choix.
Paul Delforge