C’est un an après la Ligue wallonne d’Ixelles
que la Société de Propagande wallonne voit le jour, le 23 février 1888. La
Société s’assigne un triple objectif : défendre les droits acquis des agents
wallons des administrations publiques, défendre la langue et la culture
françaises et unifier, sous une bannière commune, les ligues wallonnes de
Bruxelles. Elle entend s’implanter à Bruxelles mais aussi auprès de la
bourgeoisie francophone de Flandre. On doit sa création à l’avocat libéral
Édouard Termonia. Sur le plan politique, la Société de Propagande wallonne
regroupe quasi exclusivement des libéraux et porte d’ailleurs en guise de
sous-titre, l’intitulé Cercle libéral. La Société de Propagande se montre
très attachée aux institutions belges et ne manque pas une occasion de faire
connaître ses sentiments patriotiques, incitant notamment les Wallons à
adopter le vieux drapeau de 1830 comme drapeau de la Wallonie.
À l’heure où seules quelques rares ligues ont
vu le jour à Bruxelles, les projets de regroupement de Termonia sont
immanquablement voués à l’échec. Un mois pourtant après la création de la
Société de Propagande, Édouard Termonia fonde une Fédération des Ligues et
Sociétés wallonnes de l’Arrondissement de Bruxelles, un projet qui demeure
sans lendemain au même titre qu’un Comité d’Action créé un an plus tard.
Outre la volonté des jeunes ligues de conserver leur autonomie, l’incapacité
de définir clairement les objectifs à atteindre et la vague d’absentéisme
qui décime déjà les rangs de la Société de Propagande wallonne contribuent
fortement à l’échec des initiatives de Termonia. Pourtant, c’est encore lui
que l’on retrouve, au nom de la Société de Propagande, derrière
l’organisation des quatre premiers congrès wallons. Même s’ils sont marqués
du sceau de l’hésitation quant à la stratégie à adopter, ces congrès
constituent néanmoins une étape importante dans la prise de conscience
wallonne. La période était certes peu favorable : les esprits sont
concentrés sur la lutte pour l’obtention du suffrage universel et aucune
nouvelle menace ne vient troubler la quiétude de la domination des
francophones en Belgique. En 1895, la Société de Propagande wallonne vote
deux propositions : l’institution d’un comité fédératif des Sociétés
wallonnes de l’agglomération et l’envoi aux députés wallons du vœu de les
voir quitter la séance de la Chambre quand un orateur sachant le français
prononcera un discours en flamand (La Société de Propagande wallonne,
dans La Meuse, 21 mars 1895, p. 1).
Au moment où la proposition Coremans-De Vriendt
est approuvée une première fois à la Chambre, en novembre 1896, les
associations wallonnes de Bruxelles, c’est-à-dire essentiellement la Société
de Propagande wallonne et la Ligue wallonne d’Ixelles, entament une campagne
de protestation. Des pétitions sont envoyées au Sénat par des
administrations communales, mais aussi par des membres du barreau, plus
particulièrement touchés par les futures dispositions de la loi et, par
ailleurs, particulièrement bien représentés au sein du Mouvement wallon
actif à Bruxelles.
Quand, en 1898, la loi dite d’égalité est
difficilement votée par le Sénat et finalement promulguée, la Société de
Propagande wallonne, présidée par le docteur Nestor Charbonnier, prend un
nouvel essor. Elle se dote, en février 1898, d’une éphémère publication,
L’Organe wallon, qui est absorbée, en janvier 1899, par L’Âme
wallonne, éditée par la Ligue wallonne de Liège. Mais la loi dite
d’égalité est elle-même un facteur de division pour la Société de
Propagande. Les socialistes et certains libéraux “ radicaux ” quittent la
Société qui entend mener une vive campagne contre la loi Coremans – De
Vriendt approuvée au Parlement par l’ensemble des élus socialistes, sauf
quatre députés abstentionnistes. Malgré ou à cause de cette vague de
défections, un nouveau comité - présidé par Adelson Scailteur, directeur de
l’Hôtel des ventes - est mis sur pied, mais sans grand succès. La Société de
Propagande est traversée par une nouvelle vague d’absentéisme. Un dernier
avatar de la Société de Propagande wallonne est l’Association pour la
Conservation de la Langue française fondée par le sénateur Julien
Tournay-Detilleux qui connaît un relatif succès à Gand mais demeure sans
grand écho à Bruxelles et en Wallonie. Cette initiative vaut en outre à son
promoteur d’être violemment pris à partie par L’Âme wallonne qui
estime que ce n’est pas la langue française qui est menacée mais bien les
droits des Wallons et, donc, que le sénateur Julien Tournay-Detilleux se
trompe de combat. En 1900, la Société de Propagande wallonne a
définitivement disparu.
Chantal Kesteloot