Une tradition
Choisir une date historique
La première Fête de Wallonie à Verviers
Fêtes populaires à caractère politique (1923-1940)
Maintien de la tradition (1945-1980)
Officialisation de la Fête de la Wallonie
Durant les
premières années de son indépendance, la Belgique rend officiellement
hommage aux combattants des journées de septembre 1830. En 1831, pour le
premier anniversaire, la place des Martyrs, à Bruxelles, est décorée avec
soin. L’année suivante, Léopold Ier remet des drapeaux d’honneur
aux députés des villes qui se sont le plus distinguées pendant la Révolution
(27 septembre). Le pli est pris. Les Journées de Septembre deviennent des
journées sacrées au cours desquelles la fête ne cesse d’amplifier. L’État
apporte son soutien, en décrétant symboliquement le 24 septembre 1849
l’érection de la Colonne du Congrès, en posant la première pierre le 24
septembre 1850, et en inaugurant le monument achevé le 26 septembre 1859. En
1853, le duc de Brabant ne se maria-t-il pas durant les fêtes de septembre ?
Jusqu’en 1880, la Belgique officielle cultive ainsi le culte des fondateurs
de l’État. Mais le souci de ne pas froisser la Hollande commence à animer
les esprits. Ainsi, le 12 août 1880, le ministre Rolin Jacquemyn dépose-t-il
un projet de loi instituant les fêtes nationales le troisième dimanche du
mois d’août et les deux jours suivants. Le Parlement adopte le rapport de la
Commission non sans préciser que les deux jours ne sont pas des fériés
légaux. Le décret du 19 juillet 1831 est ainsi supprimé. Mais les réactions
seront vives et, dix ans plus tard, sur proposition du ministre Devolder, il
est décidé que la fête nationale se déroulerait le 21 juillet (vote de la
Chambre, 9 mai 1890).
Une tradition
La population,
surtout celle de Wallonie, continue à célébrer les Journées de Septembre. À
Bruxelles, des cortèges continuent à rendre un hommage à la tombe des
révolutionnaires tombés en 1830 ; des associations patriotiques et d’anciens
militaires coordonnent la manifestation et l’échevin Léon Lepage contribue à
conserver un caractère populaire à la manifestation. Les Ligues wallonnes
(avec les frères Chainaye) organisent aussi annuellement un dépôt de fleurs
à partir de 1905.
À Liège, l’hommage
à Sainte-Walburge (fin septembre, début octobre suivant les années) est un
rendez-vous respecté. En octobre 1892, on y rencontre Édouard Termonia,
avocat à Bruxelles et président des premiers Congrès wallons ; (…) il
fait appel à l’union des Wallons et des Flamands pour créer une Belgique
prospère et forte (pèlerinage à la Tombe de Sainte-Walburge, dans La
Meuse, 3 octobre 1892, p. 2). Dès sa création en 1897, la Ligue wallonne
de Liège se fait un devoir d’être présente, au mois de septembre, au
monument aux morts de 1830 à Sainte-Walburge. L’année suivante, la Garde
wallonne la rejoint. Ce monument est l’objet d’un hommage appuyé, mais, avec
le décès du dernier combattant liégeois de 1830, Walthère Ista (en mai
1900), la commémoration paraît perdre l’un des principaux motifs de son
organisation.
Parallèlement, le
Mouvement wallon se structure et, à l’initiative de la Fédération des
Sociétés littéraires et dramatiques de la Province de Liège, une Grande Fête
wallonne est organisée le 28 mai 1899, à Liège. Manifestation solennelle
en faveur du Mouvement wallon, elle reçoit la participation de la ville
de Liège et de la Ligue wallonne (La Meuse, 27-28 mai 1899, 29 mai
1899). Il semble que ce soit très précisément en 1903, lors d’une réunion de
la Ligue wallonne de Liège, que naisse l’idée d’organiser régulièrement une
Fête wallonne. La proposition de Joseph Pickman, membre du comité exécutif
reçoit cependant un accueil mitigé : la Ligue n’a pas été créée pour
organiser des fêtes (septembre 1903). Cependant, l’exemple du Félibrige, du
Midi de la France, incite Julien Delaite à relancer l’idée d’organiser des
Fêtes wallonnes, et ce à l’occasion du Congrès wallon de 1905. Le principe
est accepté et Rodolphe De Warsage écrit à Mistral pour lui demander des
renseignements pratiques ; dans sa réponse, Mistral adresse toute sa
sympathie au Mouvement wallon et l’encourage dans son projet. Cependant, le
caractère spécial de la fête occitane conduit la Ligue wallonne de Liège à
considérer toute adaptation impossible et à opter pour un cortège historique
(projet Roger).
Au nom de la Ligue
wallonne de Liège, Julien Delaite propose alors de prendre en charge
l’organisation de la participation civile à Sainte-Walburge. Mais la Ligue
est rapidement en butte avec les militaires et décide de renoncer à
s’occuper de l’activité (1903) tout en continuant de se rendre, seule, sur
la tombe. En 1904, le conflit entre civils et militaires persiste. La Ligue
wallonne de Liège est présente via Antoine Rouma et le drapeau, mais elle
propose de créer une fédération des sociétés civiles (19 au total) sous la
présidence de Defrecheux. En 1905, le projet de Fêtes wallonnes et le
pèlerinage à Sainte-Walburge sont liés ; le Congrès wallon se rend à
Sainte-Walburge le samedi 30 septembre. La Fédération des sociétés civiles
ayant refusé de convoquer ses membres au cortège, c’est la Ligue wallonne
qui s’en occupe. Malgré une pluie torrentielle, le cortège a lieu. Par
ailleurs, à l’occasion du 75e anniversaire de l’Indépendance, les
autorités liégeoises ont choisi la date du 17 septembre (1905) pour
inaugurer le monument Rogier.
La dispute entre
Ligue wallonne de Liège et associations à caractère militaire durera
jusqu’en 1911, année où est scellée une réconciliation : désormais une
délégation de la Ligue accompagnera le cortège avec son drapeau ; elle
n’offrira plus de fleurs et ne fera plus de discours. Avec un changement de
personnes à la tête du comité organisateur militaire, la Ligue wallonne de
Liège renoue sans difficulté avec le pèlerinage de Sainte-Walburge en
septembre 1912. À la même époque, la Ligue wallonne du Brabant propose à
celle de Liège de fêter la Wallonie à Bruxelles, en organisant un train
spécial. Méfiante à l’égard des activités organisées par les Wallons de
Bruxelles, la Ligue wallonne de Liège se contentera d’assurer une présence.
Dans le même temps, le Pourquoi Pas ? lance une enquête pour
connaître l’événement qui pourrait être le prétexte à une fête wallonne
annuelle. La Garde wallonne a déjà pris les devants en organisant une
manifestation d’hommage à la Paix de Fexhe. Les journées de septembre et
Jemappes ont aussi la cote. Et, ainsi que l’a montré Philippe Carlier, Paul
Magnette avait, dès décembre 1911, proposé de fêter la Wallonie les 18 juin,
en l’honneur de la Paix de Fexhe, signée en 1316 entre l’évêque Adolphe de
La Marck et l’ensemble des représentants de la principauté de Liège.
Cette date était bien évidemment antérieure, et de beaucoup, à ce 21 juillet
(1831) qui ne suscite aucun enthousiasme (La Lutte wallonne, 24
décembre 1911, p. 1).
Choisir une date historique
Interrogé par le
Pourquoi Pas ? à qui revient ainsi le mérite de populariser l’idée,
Émile Jennissen opte pour une fête sans anniversaire déterminé qui aurait
lieu, par exemple, le 15 juillet. En cette journée seraient magnifiées
toutes nos gloires du passé et serait exalté le présent réveil de la
Wallonie. La proposition de Paul Magnette (la date de la Paix de Fexhe)
est partagée par Nicolas Barthèlemy car une telle commémoration viendrait
à point pour réveiller au cœur des populations wallonnes la passion de
l’individualisme et de la liberté. Charles Delchevalerie y voit pour sa
part un motif de fierté dans le passé, de confiance en l’avenir et de
joie pour l’instant, sans provocation pour qui que ce soit.
Auguste Donnay,
rejoint par Robert Sand et le journaliste verviétois Honoré Lejeune, est
favorable à l’exploit des Six cents Franchimontois mais débarrassé de toute
influence politique. Louis Piérard propose la commémoration de la Bataille
de Jemappes. Hector Voituron insiste sur la part que les Wallons ont prise
dans cette bataille. François André pense que ce que nous devons
illustrer, c’est notre travail, nos œuvres, notre civilisation wallonne :
notre fête doit être la fête de notre jeune vie. Dès lors, il verrait
avec plaisir exalter le renouveau de nos espoirs à l’occasion du renouveau
de la nature.
Rejetant l’idée
d’une commémoration au caractère local (Six cents Franchimontois, etc.),
Jules Destrée propose de commémorer le départ simultané des volontaires
wallons vers Bruxelles, dans les premiers jours de septembre 1830. Il est
suivi par Bufquin des Essarts, Alphonse Lambilliote et Gaston Talaupe ainsi
que par le Pourquoi Pas ?, organisateur de l’enquête (12 septembre
1912).
Quant à la revue
Wallonia (t. XX, n° 9-10, septembre-octobre 1912), elle fait observer
que tout le monde a oublié qu’en 806 les Liégeois ont hébergé l’empereur
Henri, dépossédé de son trône, poursuivi par les armées allemandes et qu’ils
ont combattu pour que Henri soit respecté et, avec lui, l’indépendance du
pouvoir civil. Grande date qui évoque les principes des gouvernements
modernes !, estime Wallonia.
C’est finalement à
l’Assemblée wallonne qu’il reviendra de déterminer le jour de fête
nationale de la Wallonie. À l’époque déjà, Léon Troclet suggère la date
du 20 octobre, afin de commémorer le jour de la constitution de l’Assemblée
wallonne. Celle-ci choisira finalement le dernier dimanche de septembre,
célébrant ainsi les journées révolutionnaires de 1830. Ce choix coïncide
d’ailleurs et bien évidemment, à Liège, avec la manifestation annuelle de la
Fédération des Sociétés d’anciens militaires au cimetière de Sainte-Walburge
à la mémoire des combattants de 1830.
Il convient de
préciser que ce choix a reposé sur une erreur d’analyse historique. Au début
du xxe siècle, en
effet, on considérait que la Révolution belge de 1830 avait été
essentiellement l’œuvre des Wallons. Sans nier la participation des
provinces flamandes, on considérait que les heures décisives avaient été
marquées par l’action des volontaires wallons. En 1981, l’historien
américain John W. Rooney, procédant à une analyse informatique systématique
des listes de participants aux événements de 1830, fera apparaître une plus
faible importance numérique de l’apport des volontaires wallons aux Journées
de Septembre. La mémoire collective s’était cependant déjà emparée de
l’événement et l’interprétation erronée de l’Assemblée wallonne montre bien,
finalement, la pertinence d’une de ses revendications : une meilleure
connaissance de leur histoire par les Wallons.
La première Fête de
Wallonie à Verviers
C’est la Ligue
wallonne de Verviers qui aura l’honneur d’organiser la toute première fête
officielle de Wallonie, en Wallonie. Le 21 septembre 1913, en effet, le
Comité de la Ligue wallonne de Verviers organise un grand cortège, suivi
d’un meeting où parlent Charles Van Beneden, Émile Jennissen et Jules
Destrée. Un chanteur interprète le Chant des Wallons. Le même jour,
la Ligue wallonne d’Ixelles convie aussi les associations wallonnes à fêter
la Wallonie et c’est là que se rendent les associations wallonnes de
Bruxelles. Mais les associations wallonnes de Wallonie et de Flandre
(Association wallonne de Malines, la Wallonne d’Ostende) sont, quant à
elles, représentées, souvent en masse, à Verviers, où L’Express a
dénombré 2.500 personnes dans le cortège. En tout septante sociétés sont
ainsi accueillies par l’échevin des Finances de Verviers, par ailleurs
président du comité organisateur, l’industriel Joseph Mélen. Des concerts
ont lieu l’après-midi dans les jardins de l’Harmonie.
La semaine
suivante, c’est au tour de Liège, Bruxelles, Charleroi, Mons, Namur,
Tournai, Braine-le-Comte, Frameries, Dour, Roux, Couillet, Marcinelle,
Châtelet, Gilly et Montigny-le-Tilleul d’organiser leur première fête de
Wallonie (28 septembre 1913). Généralement, il s’agit d’inaugurer le nouveau
drapeau, le coq hardy, en présence de nombreuses sociétés. Des cortèges, des
meetings sont prévus ainsi que des représentations théâtrales, des harmonies
et des chorales ; seuls les auteurs wallons sont exécutés. Partout,
s’accordent à dire les journaux, ce fut un grand succès populaire, le soleil
apportant sa part.
Fortes de ce
premier succès, de nombreuses sociétés s’apprêtent à fêter plus dignement
encore la deuxième édition officielle des Fêtes de Wallonie. L’entrée des
troupes allemandes en Belgique, le 4 août 1914, en décide autrement. Il ne
faudrait cependant pas passer sous silence l’initiative de l’Union des
Femmes de Wallonie qui, à Liège, le 15 mars 1914, organise une Grande Fête
des enfants wallons, en fait un bal travesti qui réunit une centaine
d’enfants. L’UFW pense créer une autre fête wallonne en touchant les enfants
car c’est dans la petite enfance que le sentiment d’attachement à un mode
de vie se forme. Un concours de déguisements évoquant la Wallonie
récompense des enfants déguisés en fleur de la Wallonie, en coq wallon, en
hiercheuse, en Marcachou… Par ailleurs, alors que la Ligue wallonne de Liège
s’inquiète officiellement de l’état de délabrement de la tombe de
Sainte-Walburge (juillet 1914), Joseph-Maurice Remouchamps l’incite à
pavoiser aux couleurs wallonnes le 21 juillet.
La Première Guerre
mondiale met un terme à toute manifestation festive en l’honneur de la
Wallonie, sur le territoire wallon. À Liège, cependant, plus précisément à
Sainte-Walburge devant le monument traditionnel, de nombreuses fleurs sont
déposées, de façon spontanée, le dernier dimanche de septembre. À Paris, en
1916 et 1917, L’Opinion wallonne organise néanmoins de grands
banquets franco-wallons qui réunissent écrivains, journalistes et hommes
politiques français et belges. Après l’Armistice, les fêtes de septembre
seront essentiellement consacrées à un hommage aux Combattants de 14-18 qui,
comme ceux de 1830, ont donné leur vie pour défendre leur pays.
Trois années après
l’Armistice, l’Assemblée wallonne, sous la plume de Remouchamps, invite
toutes les communes wallonnes à fêter la Wallonie le 25 septembre 1921. Ce
jour-là correspond à la Journée du drapeau malmédien, manifestation
organisée en faveur d’un rattachement de Malmedy à la Belgique. Le
secrétaire général de l’Assemblée wallonne invite chaque commune à arborer
au minimum le drapeau wallon et le drapeau malmédien. Celui-ci sera mis en
vente et le fruit de la vente devra permettre d’ériger un monument en
hommage à l’abbé Pietkin.
Parallèlement, une
proposition de loi concernant l’emploi des langues dans l’Administration,
déposée par le député catholique flamingant Frans Van Cauwelaert, mobilise,
contre elle, le Mouvement wallon. Au lendemain même du vote final, une
certaine pression est maintenue. C’est ainsi que, le 24 septembre, des
meetings sont organisés de Liège à Tournai et de Nivelles à Arlon, avec des
auditoires bien fournis parfois, comme par exemple à Charleroi où l’on
comptait de 1.200 à 1.500 personnes.
Cette double
mobilisation est ponctuelle. Il faut en effet attendre 1923 pour que se
constitue à Namur, à l’initiative de François Bovesse et Léon Évrard, un
Comité de Wallonie pour organiser des manifestations en l’honneur de la
Wallonie.
Fêtes
populaires à caractère politique (1923-1940)
Le Comité de
Wallonie organise sa première manifestation le dimanche 30 septembre.
Conformément au vœu de l’Assemblée wallonne, il s’agit de rendre hommage aux
défenseurs de la patrie, à ceux qui sont morts en 1830, mais aussi,
dorénavant, à ceux qui sont morts durant la Grande Guerre. Après l’hommage
au cimetière de Namur, où François Bovesse exhorte les Wallons à défendre
leurs droits et à le faire sans haine des autres cultures ni étroitesse
d’esprit, le cortège formé des représentants des associations culturelles
locales redescendent en ville et font la fête. Le cérémonial deviendra
immuable. Sous la conduite de François Bovesse, sans interruption, de 1925 à
1940. C’est lui qui donne son sens à la fête. Après la Libération, en 1945,
les Fêtes de Wallonie à Namur reprendront de plus belle sous les auspices du
Comité central de Wallonie.
À Liège, c’est sous
la houlette du Comité d’Action wallonne que la Fête de Wallonie est
organisée à partir de 1924 ; un banquet est organisé le samedi soir ; le
dimanche est consacré aux hommages : monument Rogier, hôtel de ville pour
les discours des édiles communaux, enfin Sainte-Walburge où les discours
assurent l’attachement des Wallons à la Belgique de 1830. En 1927, on
enregistre la présence et l’intervention d’Ivan Paul au nom de l’Assemblée
wallonne devant beaucoup de monde. Un cortège termine ce week-end wallon,
où, suivant les années, seront aussi organisés une retraite aux flambeaux,
des concours de ballonnets, des représentations dramatiques, et interprétées
des chansons populaires. En 1930, le Comité d’Action wallonne choisit les
fêtes de Wallonie pour organiser le premier congrès de la Concentration
wallonne. À l’issue de la première journée, les 300 délégués wallons se
rendent à Sainte-Walburge. Après le discours, les chants et le dépôt de
fleurs, ils sont accueillis à la Maison wallonne où un banquet les attend.
Le lendemain, les congressistes adoptent une résolution par laquelle ils
définissent les principes d’une Constitution fédérale. À l’heure où la
Belgique fête son centième anniversaire, on mesure l’importance de la
coïncidence des dates.
À Bruxelles, la
Fédération des Sociétés wallonnes de l’Arrondissement de Bruxelles organise
son traditionnel dîner depuis 1921 et convie à un hommage devant le monument
Gendebien, avant de consacrer son dimanche après-midi à une fête artistique
généralement organisée à la Madeleine ; au cimetière d’Ixelles, un petit
cortège dépose des fleurs sur la tombe des frères Chainaye. À Bruxelles
aussi, à l’initiative de Maurice Esser, avec l’aide de ses amis Henri
Putanier et Adrien Bouvet, se déroule une manifestation particulière :
l’hommage à la Terre wallonne (1924). Originellement, Esser développe le
projet de rassembler, dans une urne en grès flammé de Bouffioux, de la terre
prélevée sur les champs de bataille de Wallonie et de France pendant la
Première Guerre mondiale. Il voulait qu’un peu de terre wallonne soit jetée,
dans un dernier adieu, sur le cercueil des militants wallons disparus. En
fait, la cérémonie consiste essentiellement en l’appel du nom des
principales villes wallonnes qui ont fait parvenir au comité organisateur un
peu de terre prise sur leur territoire et conservée, à Bruxelles, dans une
urne artistiquement sculptée par le Dinantais Aubry. La cérémonie donne
évidemment lieu à des discours prononcés devant les délégations des sociétés
wallonnes de l’arrondissement de Bruxelles auxquelles se joignent des
Wallons venus des villes wallonnes. Dans les années trente, la fête de
Wallonie à Bruxelles sera ritualisée : un cortège se rend au Poilu inconnu,
fait pèlerinage au monument de la Brabançonne, de Charles Rogier, au Soldat
inconnu, passe place des Martyrs, s’arrête devant Gabrielle Petit et
Gendebien ; l’hommage à la Terre wallonne donne lieu à des discours ;
viennent ensuite des festivités où l’on boit, où l’on mange et où se déroule
un spectacle en wallon.
Dans la deuxième
moitié des années vingt, les villes wallonnes commencent à fêter
régulièrement la Wallonie, en septembre. En 1927, l’Assemblée wallonne
encourage les sociétés de langue wallonne à organiser des représentations
dramatiques dans le dialecte de l’endroit. À Nivelles, la fête est organisée
pour la première fois en 1927 à l’initiative de la Fédération des Cercles
littéraires et dramatiques du Brabant wallon (Émile Van Cutsem, président) :
réception à l’hôtel de ville, discours, cortège et fanfares jusqu’au
monument aux morts de 1830 et sur la tombe de l’écrivain patoisant Willame.
L’année suivante, un Comité de Wallonie se met en place ; il est présidé par
Paul Collet. En plus des fêtes de septembre, il prévoit d’organiser le
dimanche qui suit le 18 juin une manifestation franco-wallonne (1933) et,
pour 1935, l’érection d’un monument à la mémoire des 5.000 réfugiés français
décédés à Nivelles en 1918.
En 1929, Charleroi
se joint au mouvement, célébrant la Révolution de 1830, mais il faut
attendre 1932 pour que se constitue un Comité des fêtes de Wallonie qui
reçoit le patronage de la ville ; Jules Vigneron, secrétaire général ;
Robert Maiglet, secrétaire adjoint, Arille Carlier, vice-président, R. Noël
président ; membres : Octave Pinkers, Jean Coyette, Jean Wyns, Armand
Guillaume ; au programme : cortège de sociétés avec drapeaux,
représentations folkloriques et historiques, concours, jeux, concerts… Ce
Comité organise par ailleurs un grand banquet wallon qui rassembla
350 personnes en octobre 1932.
En septembre 1932,
Verviers renoue pour la première fois depuis 1913 avec les Fêtes de
Wallonie ; elles ont lieu aussi à Gembloux où la Ligue wallonne locale
organise un spectacle en wallon, à Nivelles, Charleroi, Liège et Bruxelles :
fort remarqués, les discours très politiques de Xavier Neujean à Liège, de
François Bovesse à Bruxelles. En effet, si les fêtes de Wallonie sont avant
tout le temps de réjouissances et d’un hommage aux combattants de 1830 et de
1914, elles deviennent aussi l’occasion, pour les hommes politiques wallons,
de traiter de questions d’actualité. Ainsi les discours de François Bovesse
sont-ils de plus en plus attendus à Namur. Ainsi le Comité d’Action wallonne
de Liège connaît-il un incident quand, en 1929, les autorités communales
refusent des passages du discours du notaire Englebert parce qu’il souligne
l’existence en Belgique de deux peuples différents. Ainsi, en 1933, en
raison des grèves et de la crise qui touchent la Wallonie, le Comité central
de Namur organise-t-il une activité au profit des nécessiteux. Par ailleurs,
le même comité namurois prend l’initiative d’organiser un congrès wallon qui
soutient unanimement la position de Bovesse en matière de défense militaire
(17 septembre 1933). François Bovesse, qui préside le Congrès, et Louis
Huart insistent sur la nécessité de défendre la frontière de l’Est. Pour
entendre le député Georges Hubin, Émile Terwagne et Fernand Pavard, les
ligues et associations de Wallonie ont envoyé de nombreux représentants ;
ils approuveront, unanimes, une résolution finale au caractère politique
affirmé. Outre les propos de Hubin et de Huart (à Namur), les discours de
Neujean (à Liège) et de Dryon (à Charleroi) sont particulièrement remarqués.
Mais plus
significative encore est l’initiative prise par l’Avant-Garde wallonne, en
1932, d’inviter toute la presse de Wallonie à consacrer la première page du
25 septembre 1932 à glorifier la Wallonie et à présenter la Fête de
Wallonie. Ce jour-là, dans tous les quotidiens du pays wallon (hormis Le
Rappel), des mandataires de tous les partis politiques mêlent leur plume
pour célébrer la Wallonie et évoquer ses griefs. Le Mouvement wallon ne
manquera pas de s’étonner de la réelle ferveur manifestée par les
catholiques.
En 1933, à
l’initiative des associations folkloriques et patoisantes, surtout le
Théâtre wallon montois, Mons se joint aux fêtes wallonnes ; à l’instar de
Tournai, où l’initiative est prise par le Cabaret wallon (cortège, discours
au monument à la Littérature et à la Chanson wallonnes), Limal, Rixensart,
La Louvière, Mariembourg (à l’initiative de la Ligue locale et de son
président X. Chapaux) et Dinant participent à la fête wallonne pour la
première fois. À Charleroi, du haut du pont de la route de Philippeville,
sur la Sambre, le cortège a jeté une brassée de gaillardes en guise de salut
aux Wallons de Namur et de Liège. À Namur, justement, on organise des Jeux
floraux et des concours de rédaction wallonne ou française dont les thèmes
sont souvent destinés à glorifier la Wallonie. Des prix sont remis : des
Gaillardes d’argent.
À Verviers, pour sa
deuxième organisation, un salut aux drapeaux belge et wallon est rendu,
après les discours devant les monuments aux morts ; dans le cortège,
soixante sociétés sont présentes. L’initiative en revient à la Ligue
wallonne de Verviers et à Pré-Javais Attractions. Présents à Verviers en
1933, les Malmédiens décident d’organiser les Fêtes de Wallonie chez eux, en
1934. Le Club wallon de Malmédy s’occupe de l’organisation. En 1935, la
programmation musicale de Radio-Wallonie (du 28 septembre) est totalement
consacrée à la musique wallonne mais aussi à la musique française : pendant
une heure, des marches et des refrains de l’armée française sont diffusés.
Après une année
morne, Liège entend se reprendre en 1935 et multiplier les activités :
rallye motocycliste, concerts de carillons, concours d’étalage de magasins,
illuminations publiques, banquet. Mais le deuil qui frappe la famille royale
(mort accidentelle de la reine Astrid) entraîne tantôt la suppression totale
tantôt la diminution des réjouissances prévues aux quatre coins de Wallonie.
Les Fêtes de Wallonie de 1937 se dérouleront dans un autre contexte
particulier ; depuis plusieurs semaines, le statut des communes de la
frontière linguistique est en discussion ; tant le Mouvement wallon organisé
qu’un nombre important de communes refusent le bilinguisme obligatoire. Dès
lors, les associations wallonnes de Bruxelles font de la Fête de Wallonie
la Journée de la Liberté. En présence de représentants de nombreuses
communes de la frontière linguistique, le bourgmestre d’Enghien prend la
parole devant le monument Rogier. À Liège, c’est un Banquet de la
frontière linguistique qui est organisé. L’année suivante, Liège saisira
l’occasion de la Fête de Wallonie pour annoncer l’exposition de l’eau de
1939. Quant à la Fête de Wallonie de 1939, elle est placée sous le signe du
souvenir aux martyrs de 1830 et de 1914-1918. Dans le climat de Drôle de
Guerre, les instances wallonnes incitent à des manifestations sobres,
mettant en évidence le bonheur de vivre dans la paix. Ce seront en effet les
dernières fêtes wallonnes avant l’offensive allemande. À la veille de la
guerre, on peut affirmer que la célébration de la Wallonie a gagné les
villes les plus importantes du pays wallon même si les villes
luxembourgeoises restent à la traîne. La fête et les messages politiques
s’entremêlent ; le Mouvement wallon n’est pas étranger au succès des Fêtes
de Wallonie.
Mais avec
l’occupation allemande, toutes les manifestations sont suspendues. L’heure
n’est pas à la Fête de la Wallonie. Toutefois, symboliquement, le
30 septembre 1941, le Front wallon pour la Libération du pays dépose des
fleurs au monument de Sainte-Walburge, associant les martyrs de 1830 aux
fusillés de l’armée hitlérienne et les centaines de patriotes prisonniers à
Huy et dans les prisons de la Gestapo.
Maintien de la tradition
(1945-1980)
Au lendemain de la
Libération, le Comité de Wallonie se restructure rapidement à Namur et
renoue avec la tradition ; Liège, Mons, Charleroi, Nivelles, Gembloux,
Bruxelles, Verviers organisent chacune à leur manière, tout au long du mois
de septembre, des manifestations diverses et variées. Les Fêtes de Wallonie
de septembre 1945 sont surtout l’occasion de fêter le retour des prisonniers
de guerre. Mais le nouveau développement des fêtes de Wallonie n’est surtout
perceptible qu’à partir des années 1955 et 1956. Il est important de
souligner qu’il s’agit presque toujours d’initiatives privées : section
locale de Wallonie libre, associations culturelles wallonnes ou, comme à
Namur, comité d’organisation spécifique. Les manifestations ne cesseront de
gagner en importance même si des difficultés pratiques naîtront dans
certaines villes ou communes ; parfois c’est à une véritable hostilité que
se heurteront les organisateurs.
Le troisième
dimanche de septembre, Namur conserve son itinéraire conduisant au cimetière
de Belgrade où l’hommage est rendu non seulement aux combattants de 1830,
mais aussi à François Bovesse, assassiné par des rexistes en 1944. Ensuite
ce sont les discours à l’hôtel de ville et au gouvernement provincial ainsi
que la fête dans les quartiers, le combat des échasseurs et le concert des
Quarante Molons. À Liège, discours à l’hôtel de ville, hommage aux
combattants de 1830 à Sainte-Walburge, hommage au monument Rogier et au
monument de Charlier Jambe de Bois. S’ajouteront des hommages à plusieurs
militants wallons (Truffaut, Jennissen, etc.) ou à des auteurs wallons. Un
cortège, une retraite aux flambeaux, un bal populaire animent encore le
dernier week-end de septembre. À Charleroi et à Marcinelle, les deux
monuments Jules Destrée sont régulièrement fleuris ; ce sont aussi des
concours de chansons, des représentations théâtrales, un défilé militaire
avec des compagnies de marcheurs de l’Entre-Sambre-et-Meuse et parfois un
feu d’artifice. En 1953, la ville de Charleroi commémore le quarantième
anniversaire de la Fête de la Wallonie par un programme chargé et la
publication d’une brochure reprenant les chants caractéristiques de toutes
les villes wallonnes qui participent au grand cortège folklorique. En 1956,
des géants sortent pour la première fois.
À Bruxelles, le
troisième dimanche du mois, la tombe des frères Chainaye fait l’objet d’un
hommage, au cimetière d’Ixelles. Un dépôt de fleurs a lieu au monument
Rogier. Un dîner suivi d’une représentation réunit les Wallons de Bruxelles.
À Mons, c’est la Grand Place qui accueille, le premier dimanche de
septembre, bals, concerts de carillons, ainsi qu’un cortège commémoratif de
1830. Tournai se retrouve à proximité de la halle aux draps après avoir
fleuri le monument à la chanson wallonne. À Verviers, le premier dimanche du
mois, les monuments aux morts des deux guerres ainsi que celui des
combattants de 1830 sont fleuris.
À La Louvière, Huy,
Gembloux (dès 1952), des sections locales de Wallonie libre mettent sur pied
de petites manifestations ; la Ligue wallonne de Mouscron organise un rallye
automobile (1953). C’est aussi l’occasion pour certains hommes politiques de
prononcer un discours musclé. Mais l’enthousiasme wallon n’est pas partout
partagé.
Ainsi, en 1973, les
membres du Rassemblement wallon qui organisent les fêtes de Wallonie à
Saint-Hubert se qualifient-ils de maquisards wallons. Ainsi, en 1981,
assistait-on encore, à Nivelles, à l’organisation de deux cortèges et de
deux hommages distincts, le même jour, devant le même monument aux morts de
1830. Le premier cortège, “ officiel ”, se déroulait sans un seul drapeau
wallon et au son de la Brabançonne ; le deuxième, organisé par
Wallonie libre, poursuivait une tradition lancée en 1945 et jamais
interrompue.
A contrario,
citons l’exemple de Callenelle. Dès août 1945, Paul Gahide, alors conseiller
communal, a fait voter par le Conseil communal un arrêté qui accorde un jour
de congé aux écoles communales le jour de la fête de Wallonie. Il reprenait
une initiative que Jennissen, Truffaut, Lohest et Warroquiers avaient
inaugurée à Liège, avant la guerre. Le Conseil communal de Liège avait en
effet octroyé, aux enfants des écoles communales et à tout le personnel
communal, un jour de congé le lundi des fêtes de Wallonie (1933). À
Charleroi, l’échevin des travaux publics, R. Langrand, prend quant à lui la
responsabilité d’organiser une soirée wallonne, pour célébrer la fête de
Wallonie en septembre 1960. En l’absence d’un comité des fêtes, comme à
Namur, Langrand avoue avoir pris un risque : il s’agit d’une première à
Charleroi et le spectacle a été très bien accueilli. En 1962, sous les
auspices des Fêtes de la Wallonie, le comité de Verviers du Mouvement
populaire wallon organise un grand rallye ouvert aux autos, motos et
scooters ; ce rallye est doté de 75 prix pour un montant total de 20.000
francs. À partir de 1964, les Wallons du Québec organisent une fête de la
Wallonie à Montréal et, au Congo, les Wallons n’hésitent pas non plus à
fêter, en septembre, leur petite patrie. Néanmoins, la dispersion des dates
en septembre est dénoncée de longue date par les responsables du Mouvement
wallon (notamment dans Wallonie libre, octobre 1951) qui réclament
que tout se passe le 27 septembre.
Dans les années
soixante, les bourgmestres des grandes villes wallonnes saisissent à nouveau
l’occasion des fêtes de Wallonie pour tenir des discours politiques
vigoureux. En 1962, Auguste Buisseret réclame le maintien des Fourons à la
province de Liège ; il est imité par Maurice Destenay l’année suivante. Un
appel à l’union des Wallons est aussi lancé par Maurice Destenay. En 1978 et
1979, les Fêtes de Wallonie sont organisées à Charleroi par l’asbl CRIC
(Charleroi Renouveau Intellectuel et Culturel), présidée par Jean Delcoux,
journaliste à la RTBf Charleroi.
Officialisation de la
Fête de la Wallonie
Avec la création du
Conseil culturel de la Communauté culturelle française de Belgique, des
militants wallons de la première heure pensent le moment venu de faire
reconnaître officiellement les emblèmes et symboles wallons. La Fête de
Wallonie figure au même titre que l’hymne et que le drapeau dans la
proposition de décret, rédigée par Maurice Bologne et déposée, le 6 juillet
1972, à l’initiative de Fernand Massart par les parlementaires
Lassance-Hermant, Defosset, Leroy, Levaux et Defraigne. Le président du
Conseil culturel de l’époque, le sénateur socialiste Georges Dejardin,
saisit alors le Conseil d’État d’une demande d’avis (31 août 1972). Il suit
une procédure normale mais ne manque pas de faire savoir son opposition
personnelle à une proposition que le Parti socialiste n’a pas contresignée.
Le Conseil d’État remet son avis en octobre 1972, mais il n’est rendu public
qu’en 1973. Selon cet avis, rien n’empêche le Conseil culturel français
d’instaurer une fête de la Communauté mais il ne peut décréter une Fête de
la Wallonie ou de la Région wallonne. Par ailleurs, le Conseil d’État rend
un avis négatif sur la démarche, estimant qu’on ne peut trouver que dans
l’article 59bis de la Constitution la compétence recherchée. Le 18 juillet
1974, une nouvelle proposition de décret est déposée à l’initiative de
Fernand Massart, Léon Defosset, Jean Hubaux, Marcel Levaux et Pierret. Elle
étend à toute la Communauté française son champ d’application. Débute alors
une discussion sur la question du choix de la date. Jour fixe du 27
septembre ou dernier dimanche de septembre ? Fernand Massart retient le 27
septembre.
Ce n’est cependant
que la troisième proposition de décret de Fernand Massart (déposée le 24
juin 1975) qui sera la bonne. Les débats qu’elle soulève sont assez sereins
et portent surtout cette fois sur le choix du drapeau. Le choix du jour de
la fête est à peine argumenté et le texte rapidement adopté. Sur 138 membres
présents, 121 répondent par l’affirmative et 2 par la négative, tandis que
15 – dont Jean Gol et Jean-Maurice Dehousse – s’abstiennent (20 juillet
1975). Le décret est publié au Moniteur belge le 14 août 1975. Et le
27 septembre se tient pour la première fois la fête de la Communauté
française ; après avoir levé son verre au roi, à la Belgique
communautaire et à notre Communauté culturelle française, le président
du Conseil culturel, Émile-Edgar Jeunehomme, tient à dissiper l’une ou
l’autre confusion au sujet du 27 septembre : c’est la fête de la
Communauté culturelle française et non pas la fête de la Wallonie comme on
l’a écrit souvent. Lors de la discussion de la troisième proposition
Massart, le sénateur Jacques Hoyaux avait déjà souligné que la confusion
politique et la complexité de nos institutions ont influencé l’économie de
ce texte et peuvent être le fondement de réticences et de réserves.
La proposition de
décret s’inspire du souhait adopté par l’Assemblée wallonne le 20 avril
1913. En son article 3, l’Assemblée wallonne précise que La fête
nationale de la Wallonie se célébrera le dernier dimanche de septembre ;
elle aura pour objet la commémoration des journées révolutionnaires de 1830.
Par facilité, le Conseil culturel de la Communauté française opte pour une
date fixe, le 27 septembre. Sous le titre, Pourquoi le 27 septembre ?,
une brochure est largement diffusée dans les écoles ainsi que dans le public
par Paul de Stexhe, nouveau président du Conseil culturel. Rédigée par Hervé
Hasquin et Georges Van Hout, secrétaire de la Commission française de la
Culture de l’Agglomération de Bruxelles, cette brochure précise que, dans
la nuit du 26 au 27, entre trois et quatre heures du matin, les Hollandais
parviennent à évacuer le parc, silencieusement et dans un ordre parfait,
s’épargnant ainsi la reddition. Cette fuite consacre la victoire de
Bruxelles et des volontaires wallons.
Choisie dans le but
de célébrer une vieille solidarité entre la Wallonie et Bruxelles, la date
du 27 septembre va susciter de nombreux commentaires en sens divers ; en
1988, sous le titre 27 septembre : un symbole ?, l’asbl Coq d’Aousse
publie d’ailleurs les avis variés et contrastés d’Aimée Bologne-Lemaire,
Jean-Maurice Dehousse, Max Delespesse, Yves de Wasseige, Jacques Dubois,
Daniel Ducarme, José Fontaine, José Happart, Thierry Haumont, Jean Louvet,
Fernand Massart, Robert Moreau, François Perin et Michel Quévit notamment.
Quant à l’historien Philippe Carlier, dans un article scientifique, il
montre que, d’une part, la date elle-même a une histoire, et que, d’autre
part, les combats du Parc ne sont peut-être pas le modèle de solidarité
entre Bruxellois et Wallons que certains ont voulu décrire. Si le Mouvement
wallon avait choisi, en 1913, de commémorer les Journées de septembre 1830,
c’était pour manifester son hostilité aux lois linguistiques revendiquées et
obtenues par les Flamands et pour les menacer d’une nouvelle révolution,
dans le même temps, d’ailleurs, où ils conservaient encore pour la Belgique
de 1830 une relative nostalgie. De son côté, l’historien américain Rooney
bat en brèche l’exaltation du rôle des Wallons dans les Journées de
Septembre, en mettant en évidence le fait que la liste des morts et des
blessés qu’il a identifiés parmi les insurgés tombés au combat, était en
majorité composée de travailleurs manuels de Bruxelles ou des faubourgs,
soit essentiellement flamands. Il met ainsi fin à un mythe qui reposait sur
la croyance de Jules Destrée et de ses amis (dont Maurice Bologne auteur de
L’insurrection prolétarienne de 1830 en Belgique, 1929), suivant
laquelle les Wallons, seuls, avaient fait 1830.
Contestée quant à
la pertinence de la date choisie, la fête officielle de la Communauté
française ne remplace pas, dans les rues de Wallonie, les nombreuses
manifestations wallonnes de septembre. Bien que ne bénéficiant toujours pas
d’une reconnaissance officielle, ces dernières rencontrent un succès
populaire sans cesse croissant, alors que la Fête du 27 septembre revêt un
caractère officiel dont seuls les enseignants semblent bénéficier via un
jour de congé, dont ils profitent, en 1992, pour manifester. Les heurts
entre les enseignants en colère et les forces de l’ordre ne contribueront
pas à populariser la fête de la Communauté française.
En 1991, l’Institut
Jules Destrée propose de fixer au 20 octobre la date annuelle de la Fête de
la Wallonie. La proposition se réfère ainsi à la fondation de l’Assemblée
wallonne à l’automne 1912, idée qu’en son temps Léon Troclet avait
d’ailleurs suggérée. La décision de création de l’Assemblée wallonne a été
prise à Namur le 21 juillet 1912 à la suite du grand congrès wallon qui
s’est tenu à Liège le 7 juillet 1912. La première réunion de l’Assemblée
wallonne se tient à Charleroi le 20 octobre 1912. Pour la première fois, en
choisissant l’espace de toute la Wallonie, les Wallons créaient un Parlement
informel sur base d’un représentant par quarante mille habitants. Pendant
plusieurs années, l’Assemblée wallonne va jouer un rôle important. Ainsi que
l’écrit le Moniteur officiel du Mouvement wallon, édité par la Ligue
wallonne de Liège, c’est en somme une sorte de Parlement wallon qui est
né. L’Institut Jules Destrée souligne l’intérêt du choix de cette date :
Ni bataille sanglante, ni commémoration d’une victoire contre un
adversaire humilié, mais la volonté de se réunir en assemblée parlementaire
et de s’affirmer en démocratie respectueuse de toutes les composantes
philosophiques et politiques.
Conscient de l’absence
d’une fête wallonne officielle, appuyé par les députés wallons socialistes
Gustave Hofman et Léon Walry et sociaux-chrétiens Pierre Wintgens et
Ghislain Hiance, Willy Burgeon dépose une proposition de décret, devant le
Parlement wallon, le 20 juillet 1997. Il s’agit de fixer une date officielle
de fête de la Wallonie. Une Commission spéciale chargée de débattre des
modes d’expression de l’identité wallonne est constituée pour étudier la
question. La discussion a surtout trait à l’hymne wallon ; finalement, la
Commission spéciale du Parlement wallon décide, le 4 juin 1998, de fixer le
jour de fête de la Wallonie au troisième dimanche de septembre, conformément
à l’usage populaire qui fait les belles heures de Namur. Le Parlement wallon
entérine ce choix par décret le 15 juillet 1998. Il se réfère ainsi
davantage à la décision prise, à Namur, en 1923, par le Comité de la Fête de
Wallonie, qu’à la décision de l’Assemblée wallonne de 1913.
Paul
Delforge