Wallonie
libre et indépendante
CERAS (1977)
et MWIR (1980)
Front
démocratique wallon (1979)
Indépendance Wallonie (1979-1980)
Manifeste pour l’autodétermination de la Wallonie
(12 avril 1980)
Indépendance et Progrès (1980-1981)
Jeunes
wallons autonomistes
Premier congrès des Indépendantistes wallons (1980)
Front pour l’Indépendance de la Wallonie (FIW)
Rassemblement populaire wallon
Groupement pour la réunification du Mouvement
politique wallon
Le glas des
Européennes
Le
Mouvement wallon est loin d’être univoque. Depuis ses origines, à la fin du
xixe siècle, il est
traversé par de nombreux courants qui suscitent débats et réflexions sur le
devenir de la Wallonie. Si les régionalistes, les partisans d’une réunion de
la Wallonie à la France et les fédéralistes se manifestent à toutes les
périodes, les partisans d’une indépendance totale de la Wallonie sont, quant
à eux, peu nombreux et souvent isolés. L’idée de constituer une république
wallonne est parfois évoquée mais aucun projet n’est présenté lors des
multiples congrès wallons, ni avant la Première Guerre mondiale, ni dans
l’Entre-deux-Guerres. Pour les ligues wallonnes, l’Assemblée wallonne ou la
Concentration wallonne, par exemple, le cadre belge ou la nation française
sont les seuls lieux où pourrait s’épanouir la Wallonie. Lorsque le cadre
européen sera évoqué, essentiellement après la Seconde Guerre mondiale, ce
sera celui d’une Europe des régions où la Wallonie ne disposerait cependant
pas de la totalité de la souveraineté d’un État indépendant.
L’indépendance complète de
la Wallonie est étudiée pour la première fois, dans la clandestinité, au
sein du Rassemblement démocratique et socialiste wallon. Après le départ des
fédéralistes (juillet 1943), le Rassemblement définit en effet un projet de
Constitution pour une république wallonne (novembre 1943), dont le principe
repose sur la formation d’un État wallon indépendant, susceptible de
s’associer avec un État flamand et un État bruxellois, mais intégré dans le
système défensif de la France. Testament politique du RDSW, ce projet décrit
précisément les modalités de fonctionnement du système envisagé. C’est
d’ailleurs ce projet-là que défend François Van Belle, en son nom personnel,
lors du Congrès national wallon de Liège, le 20 octobre 1945. La thèse de
l’indépendance complète de la Wallonie y est aussi illustrée par un
représentant du Parti d’Unité wallonne et par Charles-François Becquet. Lors
du vote sentimental, sur 1.048 votants, 154 se prononcent en faveur de cette
option. Mais, curieusement, par la suite, à de très rares exceptions près,
il n’est plus du tout question de l’indépendance complète de la Wallonie
lorsque, au début des années septante, l’idée rejaillit, alimentée par des
articles de La Cognée et portée par une série de très petits
mouvements, dont le Front wallon de l’Indépendance et le Front de Libération
wallonne.
Wallonie libre et indépendante
En novembre 1974, le
conseil général de Wallonie libre décide d’organiser un congrès de recherche
et de réflexion, qui se penche sur les conditions de faisabilité de
l’indépendance de la Wallonie. Il s’agit, objectivement, chiffres en mains,
prospections à l’appui, de déterminer si une Wallonie indépendante est
viable. Jacques Rogissart y évoque les aspects économiques et Maurice
Coquelet les aspects politiques. S’appuyant sur des statistiques, Rogissart
préconise la fin de la sécurité sociale nationale, car l’indépendance de la
Wallonie serait plus profitable que son maintien dans une Belgique unitaire.
Quant à Maurice Coquelet, il explique que la Wallonie doit disposer d’une
souveraineté interne mais aussi internationale et que, quel que soit le
scénario ultime (séparation d’avec la Flandre, rattachement avec la France,
etc.), la création d’un État wallon apparaît comme l’étape obligée.
Établissant une comparaison avec des États européens de même taille que la
Wallonie, Coquelet explique que celle-ci occuperait une place de choix dans
une Europe des régions, à condition de supprimer le Benelux pannéerlandais.
D’abord prudente, la Wallonie libre franchit le pas de l’État wallon, suite
à sa participation à la cinquième Conférence des Peuples de Langue
française. Le concept de souveraineté défendu par les Québecois et la
lecture du livre L’accession à la souveraineté, le cas du Québec
écrit, en 1976, par Jacques Brossard, professeur de droit à l’Université de
Montréal, apportent des arguments au mouvement. D’autant que les déçus de la
politique gouvernementale du Rassemblement wallon entendent radicaliser
leurs positions. Réuni en un conseil général compétent pour redéfinir sa
doctrine et lui donner une nouvelle orientation (25 novembre 1979), Wallonie
libre franchit un pas historique en inscrivant à l’article 1er de
ses statuts que son objectif est devenu l’indépendance de la Wallonie.
CERAS (1977) et MWIR (1980)
En 1977, Gérard Lambert
publie un manifeste en faveur d’une République wallonne et constitue le
Centre d’Études, de Recherches et d’Action socialistes qui se définit comme
une tendance indépendantiste au sein du PS. En 1980, le CERAS devient un
Mouvement wallon pour l’Indépendance et la République (MWIR).
Front démocratique wallon (1979)
En mars 1979, des militants
du Rassemblement wallon, essentiellement de la régionale de Charleroi,
mécontents de l’orientation idéologique de leur parti, font dissidence. Ils
créent le Front démocratique wallon qu’ils considèrent comme une tendance de
leur ancienne formation mais que la direction de celle-ci ne reconnaît pas
officiellement. À l’initiative de ce mouvement, on rencontre Étienne
Duvieusart (président), René Swennen et Jacques Rogissart
(vice-présidents) ; ils se disent partisans de la souveraineté de la
Wallonie dans la mesure où seul ce statut permettra à la Wallonie de
négocier avec un État bruxellois et un État flamand les conditions d’une
union politique. Partisan de l’indépendance de la Wallonie, le FDW se
veut un mouvement et un parti pratiquant un pluralisme compris non seulement
sur le plan religieux et philosophique mais également dans le champ
politique et socio-économique. Le FDW dispose d’un bureau d’études présidé
par Jules Loriaux (Myriam Préaux en est la secrétaire). En mai 1979, le
Front démocratique wallon publie F.D.W. Contact…, sous la
responsabilité éditoriale de Gérald Brunelle. Au bout de quelques mois, le
Front démocratique wallon fusionne avec Indépendance-Wallonie pour donner
naissance, en 1980, au Front pour l’Indépendance de la Wallonie (FIW).
Indépendance Wallonie
(1979-1980)
On
trouve souvent les mêmes personnes au sein du Front démocratique wallon et
d’Indépendance-Wallonie ; tel Étienne Duvieusart, l’initiateur des deux
mouvements. Indépendance-Wallonie a été créé en 1979 et lancé véritablement
en 1980, suite à la parution de l’ouvrage du même nom, écrit par Étienne
Duvieusart qui en définit ainsi la doctrine. André Libert en est le
secrétaire. Philippe Sclaubas est l’un des membres dirigeants. Il participe
à ce titre au premier congrès des Indépendantistes wallons, organisé à
Liège, le 15 juin 1980, par Wallonie libre. I-W tente de populariser l’idée
de l’Indépendance notamment par la publication et la diffusion
d’autocollants.
Manifeste pour l’autodétermination de la Wallonie (12 avril 1980)
A
l’heure du 1er congrès des indépendantistes wallons organisé à
l’initiative de Wallonie libre (15 juin 1980), Jean Alexandre et
Charles-François Becquet promeuvent un Manifeste pour l’autodétermination
de la Wallonie, et projettent de créer des clubs de discussion à travers
le pays wallon. Ils constituent un Club des Indépendantistes wallons qui se
place sous l’égide de Wallonie libre.
Indépendance et Progrès
(1980-1981)
En proie à des divergences
idéologiques profondes, le Rassemblement wallon hésite entre l’autonomie,
l’autodétermination et l’indépendance, entre une alliance étroite ou lâche
avec le FDF et surtout entre un projet régional ou communautaire. Se sentant
minorisé au sein du bureau du parti, P-H. Gendebien, Paul Nopère et Yves de
Wasseige créent Indépendance et Progrès, une structure qui demeure au sein
du RW afin de mieux y défendre leur point de vue. Mais, le 3 octobre 1981,
un vote du bureau confirme l’entente technique et tactique du Rassemblement
wallon et du FDF ainsi que la mise en sourdine des revendications
indépendantistes. Dénonçant cette alliance paralysante, P-H.
Gendebien et Yves de Wasseige décident de voler de leurs propres ailes.
Indépendance et Progrès se retire du Rassemblement wallon et forge un nouvel
instrument politique, le Rassemblement populaire wallon.
Jeunes wallons autonomistes
En décembre 1979, un noyau
d’étudiants de l’Université de Liège se constitue en un mouvement de Jeunes
Wallons autonomistes avec un programme qui se réfère explicitement à celui
de Wallonie libre. Ils participent au premier congrès des Indépendantistes
wallons, organisé par Wallonie libre, le 15 juin 1980, à Liège.
Premier
congrès des Indépendantistes wallons (1980)
Éditant une brochure
d’argumentation en faveur de l’indépendance, réalisant un tract présentant
le mouvement et imprimant un autocollant sur le thème de l’indépendance, le
directoire de Wallonie libre organise aussi le premier congrès des
Indépendantistes wallons (Liège, 15 juin 1980), à l’occasion du quarantième
anniversaire du mouvement. Trois cents personnes participent à ces assises.
En octobre 1981, Wallonie libre rend public son manifeste pour
l’indépendance préparé lors d’un week-end d’études, à Hamois, les 21 et
22 mars. Pour lui, plus aucune solution n’est possible au sein de l’État
belge dans la mesure où l’esprit de solidarité indispensable est dénié par
la Flandre. L’indépendance fournira à la Wallonie les moyens d’assurer son
redressement en lui octroyant la maîtrise du crédit et en lui permettant
d’orienter son budget comme elle l’entend et de gérer ses ressources
naturelles propres à son seul bénéfice. Quant au territoire de la Wallonie
indépendante, il ne pose aucun problème à ses défenseurs. Si Bruxelles ou
d’autres communes le souhaitent, elles feront partie de la Wallonie. Quant
aux Fourons, le problème ne se pose pas : cette commune est
historiquement, sociologiquement, culturellement et économiquement wallonne
(…). Wallonie libre propose aussi que l’Exécutif régional issu des
élections du 8 novembre 1981 et composé à la proportionnelle décide de
proclamer l’indépendance des régions. Pour Wallonie libre, l’exécutif
régional préfigure le gouvernement de la future république wallonne. Le
deuxième congrès des Indépendantistes wallons (Charleroi, 25 avril 1982)
confirme ces prises de position qui diviseront de plus en plus le mouvement
Wallonie libre sur le déclin.
Front pour
l’Indépendance de la Wallonie (FIW)
En 1981, Étienne Duvieusart
lance un appel en faveur du rassemblement de tous les patriotes wallons sous
la bannière de l’indépendance de la Wallonie. Un congrès se tient le 23 mai
1981, en présence de représentants du Val d’Aoste, du Parti québecois et du
Jura français ; Jacques Rogissart et Étienne Duvieusart sont les deux
orateurs. Le congrès est une initiative du Front pour l’Indépendance de la
Wallonie – on lit aussi l’appellation Front démocratique pour l’Indépendance
de la Wallonie – qui, lui-même, est le résultat de la fusion du Front
démocratique wallon et d’Indépendance Wallonie. Parmi les responsables du
nouveau Front, outre Étienne Duvieusart, on rencontre Jacques Menin, Jacques
Dupont (de Flobecq) et Gérard Fontaine. Le FIW veut se présenter aux
prochaines élections pour les transformer en un referendum en faveur
de l’indépendance de la Wallonie.
Rassemblement populaire wallon
Dissidence du Rassemblement
wallon, le Rassemblement populaire wallon est présidé par Yves de Wasseige.
Responsable du mouvement Wallonie libre, Roger Thiry devient le secrétaire
général du nouveau parti. Aux élections du 8 novembre 1981, le RPW formera,
à Verviers, Liège et Nivelles, des cartels avec le PS. Dans le Hainaut, P-H.
Gendebien, Yves de Wasseige et Paul Nopère s’entendent avec le Front pour l’Indépendance
de la Wallonie d’Étienne Duvieusart avec lequel ils se présentent sur des
listes communes portant le nom WALLON.
Groupement pour la réunification du Mouvement politique wallon
En mars 1982, dans le
Hainaut et le Namurois, des négociations sont entreprises, entre des membres
du RW, du RPW et du FIW, pour rassembler les initiatives électorales placées
sous le signe de l’indépendance. Le 30 mars, sous une appellation
provisoire, apparaît le Groupement pour la réunification du Mouvement
politique wallon, présidé par Fernand Massart. Autour de lui, quatre
vice-présidents, Marius Cohard (RW), René Walgraffe (Rassemblement wallon),
Étienne Duvieusart (FIW) et Roger Thiry (FIW). Se sont ralliés à cette
initiative une partie du Rassemblement wallon des provinces de Hainaut et de
Namur, tout le FIW et quelques membres du RPW, chacun conservant néanmoins
son attachement à son parti d’origine. Ce groupement devait présenter une
liste lors des communales de septembre 1982, à Charleroi, sous le nom
W.A.L.L.O.N. (Wallon, agis et lutte contre l’oppression nationale).
Le glas des Européennes
Le 11 mars 1983, le Rassemblement wallon propose un rapprochement au
Rassemblement populaire wallon, sous la forme d’une fédération. Quelques
jours plus tard, P-H. Gendebien annonce qu’il revient au Rassemblement
wallon considérant qu’il n’y a plus d’obstacle sur la question de
l’indépendantisme du parti présidé par Henri Mordant. Le RW offre le
meilleur poste de travail pour œuvrer à l’unification de toutes les forces
séparatistes. Certains membres du RPW réintègrent le RW à la suite de
Gendebien, d’autres gagnent un Parti socialiste qui fait sienne une partie
du programme défendu par les milieux wallons. Dans la perspective des
élections européennes du 17 juin 1984, les partis wallons regroupés se
présentent sous le nom de Présence wallonne en Europe. P-H. Gendebien emmène
la liste. Mais son message en faveur de la création d’États-Unis d’Europe où
s’inscrirait la Wallonie est assourdi par les 234.996 voix que récolte José
Happart sur la liste socialiste. Les “ Européennes ” sont un échec pour le
parti wallon et l’idée de l’indépendance, d’autant que José Happart annonce
son adhésion au Parti socialiste (septembre 1984). Président du Front pour
l’Indépendance de la Wallonie, Étienne Duvieusart dénonce l’OPA lancée
par le parti socialiste sur la Wallonie. Partisan d’un combat pour la
Wallonie indépendante sans coloration politique partisane, Duvieusart salue
la ligne de conduite de Wallonie libre et annonce reprendre sa liberté par
rapport au Rassemblement wallon. Le directoire du FIW (22 octobre 1984)
décide de maintenir une structure politique latente. En attendant, il donne
à ses membres totale liberté d’action. Le Front pour l’Indépendance de la
Wallonie n’est pas mort, il est en suspens, ses dirigeants promettant de se
revoir régulièrement. Au milieu des années quatre-vingt, c’est l’option d’un
rattachement de la Wallonie à la France qui va émerger et réunir les
militants wallons mécontents du résultat des réformes institutionnelles.
Paul Delforge