Wallonie 1831-1996 |
Dune forte croissance à une régression potentielle
Deux révolutions démographiques dans un contexte dimmigration de conjoncture
Robert André
Membre de l’Académie royale de Belgique
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1962 Le Rapport Sauvy
Le Rapport Sauvy est un événement important dans
lévolution de la structure régionale de la Belgique, qui nest pas mis en
évidence par les biographes français dAlfred Sauvy, sans doute parce quil
est perçu en France comme une dérivée dune politique française ancienne datant
de limmédiate avant-guerre. Or, le Rapport Sauvy est très différent, car
il considère limpératif dune dualité politique de la Belgique (1).
Dans la présentation du Rapport Sauvy, le Comité
de rédaction de la Revue du Conseil économique wallon sexprimait comme
suit : Depuis des années, nous dénonçons ici la crise démographique sans
pareille qui accable la Wallonie... la communauté wallonne a graduellement pris
conscience du mal qui la minait. Mais si elle nous a entendus, elle na pas réagi,
tout au moins en proportion de la menace qui pèse sur elle... Cest alors que
lidée a été lancée de faire appel au témoignage dune personnalité
étrangère dont la compétence, limpartialité et lautorité seraient
au-dessus de toute discussion : celui dAlfred Sauvy, professeur au Collège de
France, directeur de lInstitut français détudes démographiques,
spécialiste de renommée mondiale (2).
1945-1961 La prise de conscience dun
problème démographique wallon
Inévitablement se pose le choix délicat du point de
départ chronologique de la prise de conscience dun problème de population, se
transformant en élan politique. Nous retenons le lendemain de la guerre, car le Congrès
national wallon se réunit à Liège, les 20 et 21 octobre 1945, décidant à
lunanimité de dresser un cahier des griefs wallons, rédigé par des experts, exposé
des maux dont souffre la Wallonie, parmi lesquels le problème de la dénatalité
ou plus exactement de la dépopulation wallonne apparaissait lun des plus
importants (3).
Cependant 1945 nétait pas la première année où
les Wallons sinquiétaient dune telle situation. Déjà au début du XXème
siècle, le néomalthusianisme effrayait. Dans la Gazette de Liège, en mars 1907,
Joseph Demarteau se prononçait avec une vivacité lyrique contre la dénatalité
wallonne, écrivant : Quel est le mal le plus redoutable, le plus mortel dont
souffre la Wallonie en général, notre province, notre arrondissement en particulier, la
ville de Liège par dessus tout ? Est-ce le socialisme, les écoles sans Dieu,
lirréligion ? Il y a pis ! Le pays wallon, notre ville se suicident
lentement mais continûment par la diminution voulue et toujours plus meurtrière de leur
natalité (4). Il était quasi
logique quen 1920 parût un ouvrage La Wallonie qui meurt (5) reflétant les inquiétudes des milieux
catholiques et donnant une liste des communes-tombeaux dans le district de Charleroi-Thuin
en 1909-1913, et aussi une liste des villes-tombeaux de Wallonie, localités où les
décès lemportaient sur les naissances. Ainsi, dans les années trente,
lexpression suicide démographique wallon apparaissait de manière fréquente
de même que ladjectif vieilles attribué à la population et aux industries
de la Wallonie (6).
1946 Le Congrès national wallon. La
Dépopulation de la Wallonie
Au lendemain de la guerre, dans les Cahiers des griefs
wallons, paraissait le rapport de la Commission détudes démographiques La
Dépopulation de la Wallonie (7),
titre souligné par lépigraphe suivante : Dans ce domaine, rien nest
perdu pour peu que nous sachions vouloir, empruntée à R. Debré et A. Sauvy (8). Ce travail aboutissait aux conclusions
suivantes : 1. La Wallonie connaît une hausse de mortalité et une baisse de
natalité qui lui sont particulières; 2. La Wallonie est distancée, quant à sa
population, par les régions voisines, spécialement le pays flamand; 3. Le
vieillissement de la population wallonne se poursuit de façon lente mais continue;
4. Le peuple wallon constitue une minorité au sein de lEtat belge (9). Les auteurs ajoutaient : en
présence de la gravité de la situation, la première mesure à prendre, cest
délever un barrage institutionnel qui soit de nature à protéger la Wallonie dans
son infériorité numérique. La seconde cest de lui permettre de poursuivre
elle-même la politique qui soit capable de la sauver de sa pénible situation
démographique. Ce barrage institutionnel et cette autonomie nécessaire sappelle
lintroduction du fédéralisme en Belgique (10).
Ce rapport sappuie sur les données statistiques des
mouvements de la population de 1932 à 1945, époque perturbée par la grande crise
économique et la Seconde Guerre mondiale, le dernier recensement disponible datant du 31
décembre 1930. Pour dessiner lavenir, de 1950 à 1980, létude utilise les
perspectives établies par lInstitut national de Statistique (11), calculs qui ne tiennent pas compte des
mouvements migratoires, ni des différences de mortalité entre les différentes régions,
le premier phénomène étant le plus important. Quoi quil en soit, les résultats
dans leur ensemble indiquent la tendance du développement futur des trois grands groupes
qui forment la population belge (12).
Il est clair que ces projections mettent uniquement en évidence leffet de la
persistance dun faible fécondité qui se traduit par une chute numérique des
populations wallonne et bruxelloise saccompagnant dans les deux cas dun double
vieillissement intense, cest-à-dire hausse du pourcentage de personnes âgées et
baisse du pourcentage de personnes jeunes.
Ces propos nous conduisent à rappeler que 1946 est
lannée de naissance à Paris de lInstitut national dEtudes
démographiques. Dans le numéro initial de la revue Population daté de
janvier - mars 1946, on lit dans lintroduction, non signée mais
dévidence écrite par Alfred Sauvy, que La démographie est une science
déshéritée à laquelle a peut-être manqué un parrainage vigoureux à lépoque
où les branches voisines, telles que léconomie politique ou lethnologie
prenaient leur essor. Peut-être aussi a-t-elle souffert de létendue même de son
domaine, de la variété de ses richesses. Toujours est-il que cest aujourdhui
une science sauvage, sans chaire, ni maîtres, ni élèves, cultivée seulement par des
amateurs... Ainsi, la création dun organisme spécialisé, chargé détudier
lensemble du problème de la population... est apparue comme une condition
indispensable du relèvement national (13).
1952 Le Rapport du Comité détude
des problèmes de la dénatalité en Belgique
Dans le courant de lhiver 1950-1951, le Conseil
économique wallon, le Centre dEtudes et de Documentation sociales de la Province de
Liège ainsi que lInstitut de Recherches économiques de la Province de Hainaut
eurent lidée détudier lexpérience française en la matière et ses
résultats. Un Comité détude, de caractère privé, se constitua sous la
présidence de Jean Rey et présenta en décembre 1952, un rapport intitulé Le
vieillissement de la population belge et le péril de la dénatalité (14). En apparence, il ne sagissait pas de
lexamen dun problème wallon mais de lanalyse dun phénomène
national. Toutefois, dans ses conclusions générales, le Comité, tout en dégageant que
la dénatalité menaçait lavenir de tout le pays, ajoutait : Nous ne
méconnaissons pas les conséquences politiques internes du phénomène résultant de ce
que la décroissance du chiffre global de la population wallonne se manifeste déjà en un
temps où la diminution de la population flamande napparaît pas encore... Mais le
phénomène qui nous a paru résulter de notre étude de la façon la plus flagrante est
moins la diminution du chiffre global de la population que le vieillissement de celle-ci
et le déséquilibre croissant de la structure de la population... Autrement dit, la
charge de la sécurité sociale, des pensions et de lentretien des vieillards ne
cessera de saccroître pour la population active au point de devenir difficilement
tolérable... Là est le mal. Il faut y apporter remède sans retard (15). Le Comité préconisait donc une
augmentation des allocations familiales quil fallait octroyer dès la conception,
les dispositions pour salariés étant étendues aux indépendants, plus des mesures
mettant la famille à lhonneur. Enfin, il exigeait la création dun centre de
recherches en démographie.
Lélan est donné et le Comité organise à Liège et
à Mons des journées dinformation faisant appel à Alfred Sauvy pour quil
vienne exposer son appréciation des résultats de lexpérience française. Il reste
une trace de ces deux journées sous la forme dun article intitulé Un exemple
pour la Wallonie. La renaissance française qui reste dans la mémoire des politiques
et des démographes à cause dune phrase en forme de slogan résumant une opinion et
diffusant une inquiétude : Un pays sans jeunesse est voué à devenir un pays de
vieilles gens ruminant de vieilles idées dans de vieilles maisons et aussi à cause
dune réflexion finale : quil soit permis à un Français de dénoncer
à dautres et notamment à ses amis belges les effets sournois de cet affreux cancer
malthusien qui ronge les organismes les plus sains. Ces épreuves par lesquelles la France
est passée doivent être épargnées à dautres et ainsi elles nauront pas
été vaines (16).
De 1954 à 1961, avant le Rapport Sauvy, les
publications se multiplièrent, notamment dans la Revue du Conseil économique wallon (17). Le 10 juillet 1956, un Plan de salut
public fut remis au Premier ministre et aux membres du Gouvernement par une
délégation du Conseil économique wallon conduite par son président, Emile Cornez, à
lépoque gouverneur du Hainaut. Il dégageait les incidences économiques et
sociales du problème démographique et exprimait linquiétude des Wallons, en
citant la phrase en forme de slogan dAlfred Sauvy, la paraphrasant dans les termes
suivants : le doute et le pessimisme y devisent au coin du feu dans une
atmosphère délétère à lenthousiasme. Ce plan comportait un programme
comprenant des mesures efficaces les plus propres à créer dans lopinion le choc
psychologique à défaut duquel il nest pas de redressement possible (18), cest-à-dire une réforme des
allocations familiales au sens le plus large. La suite fut, à la suggestion même du
Premier ministre, une rencontre entre les deux Conseils économiques, qui se traduisit par
un accord entre Flamands et Wallons sur la réforme des allocations familiales (19).
1962 Le Rapport Sauvy
Le Rapport Sauvy sappuie sur les perspectives
calculées par Roland Pressat, qui ne tiennent pas compte du recensement du 31 décembre
1961 dont les résultats ne sont pas encore connus.
Les propositions dAlfred Sauvy
Loriginalité du Rapport Sauvy fut
dabord de considérer le problème démographique selon les ethnies, car Du
moment quil y a dualité, il faut que chacune des deux parties ait sa vie propre
convenablement assurée. Il serait certes facile de montrer que chaque partie a intérêt
à la vie de lautre, car tout déséquilibre trop accentué pourrait entraîner une
crise aiguë menaçant lexistence de lensemble. En tout cas, il nest pas
contestable que lethnie biologiquement menacée doit consacrer tous ses efforts à
son relèvement (20).
Le premier objectif est larrêt du vieillissement
tant au sommet quà la base et, le second, lalignement sur les populations les
plus vieillies. Pour les atteindre Alfred Sauvy préconise une politique de soutien des
naissances, en développant une série de mesures sinspirant du modèle français en
accroissant notablement laide accordée aux deuxième et troisième enfants,
prévoyant aussi des mesures daide indirecte en recommandant trois orientations
principales : étude et formation professionnelle; logement et service militaire
ainsi que des dégrèvements en matière fiscale. En outre, il montre quune
politique de soutien des naissances, même réalisée dans un cadre régional, donnerait
des résultats insuffisants à moyen terme, dégageant ainsi la nécessité de prévoir
une politique dimmigration à effectifs importants, à caractéristique familiale.
Cette proposition constitua la seconde originalité du Rapport Sauvy.
Le Rapport Delpérée, réponse du Gouvernement
Le Rapport Delpérée (21) a vu le jour en 1962 à cause des remous
provoqués par le Rapport Sauvy. Le Premier ministre installa la Commission
présidée par Albert Delpérée le 17 avril 1962 et lui donna comme mandat de préparer un
ensemble de mesures de nature : à pallier, sur le plan de lemploi, les
conséquences du vieillissement de la population, à provoquer et soutenir un renouveau
démographique (22).
Les deux rapports diffèrent très nettement. Dabord
lanalyse entreprise par Albert Delpérée concernait le pays tout entier. Ensuite,
son inspiration était sociale et familiale, alors que celle dAlfred Sauvy
sinscrivait dans une optique nataliste et ethnique. La politique proposée par
Albert Delpérée a pour objectif principal de donner au pays un optimum de population;
dans le cadre belge, il sagit dempêcher ou de freiner le vieillissement de la
population lequel se traduit par la proportion entre les personnes actives et inactives;
dans certaines régions du pays, plus singulièrement dans certaines provinces wallonnes;
il sagit de combattre une décroissance démographique qui se traduit déjà dans le
potentiel de population active et qui est génératrice à long terme, de marasme
économique (23). Selon une telle
finalité, Albert Delpérée proposait diverses mesures soutenant les naissances et
améliorant le bien-être des familles et se rapprochait de maintes suggestions
dAlfred Sauvy. Toutefois, selon Sauvy, il y avait lieu de recourir à une politique
dimmigration pour la Wallonie, afin certes de soutenir le nombre dactifs, mais
aussi et surtout de faciliter une politique nataliste et denrayer plus tôt le
processus dun double vieillissement.
Reconnaissant que la situation démographique de la
Wallonie pouvait constituer un frein à son expansion économique et que les pénuries de
main-duvre pouvaient décourager les investisseurs enclins à implanter une
nouvelle entreprise, le Rapport Delpérée proposait donc de prendre des mesures
facilitant le recrutement de travailleurs migrants, limportance de
limmigration étant déterminée par le nombre demplois. Cest le choix
dune politique visant à la relance économique et qui est wallonne parce que les
industries de cette région ont besoin dune main-duvre à faible
qualification. Cest différent des vues dAlfred Sauvy qui envisageait une
politique dimmigration comme soutien indispensable à une démographie wallonne en
difficulté.
Ajoutons que le Rapport Delpérée reprenait
lidée de la création dun centre de recherches en matière de population et
de famille. Le centre fut fondé par larrêté royal du 20 juin 1962 (24).
1962-1996 Après le Rapport Sauvy
A lépoque du Rapport Sauvy, lespoir
renaissait en Wallonie et on commençait à croire à une reprise possible de la
fécondité. Le problème démographique wallon se limitait alors à une stagnation du
nombre dhabitants malgré lapport migratoire, à une accentuation du fait de
minorité, à un vieillissement par le sommet et à une diminution du taux
dactivité. Mais laccroissement naturel était redevenu positif et les
générations de filles devenaient supérieures en nombre aux générations de mères. En
clair, la situation démographique wallonne était la meilleure depuis 1930, tout en
correspondant à un modèle dépressif.
1974 Le Colloque de Namur
Douze ans plus tard, en 1974, le Conseil économique
régional wallon organisait une journée de réflexions, afin de préparer les options
wallonnes pour le plan 1976-1980 (25).
La baisse de la fécondité était telle que, si le niveau atteint se maintenait, la
reconduction des générations nétait pas assurée; le bilan naturel était devenu
négatif et la croissance de la population wallonne provenait dun soutien migratoire
sexpliquant surtout par le flux bruxellois à destination de la banlieue wallonne de
la capitale. Tout cela dessinait pour la fin du siècle une perspective de régression.
Cette situation était de plus aggravée par la persistance dune surmortalité
wallonne.
La justification de cette journée, Albert Delpérée la
dégageait en affirmant : le gouvernement na pas suivi les suggestions du Rapport
Sauvy. Il a par contre réalisé la plupart des suggestions du Rapport Delpérée
dans la mesure où ces suggestions se ramenaient à des prestations en espèces... Les
problèmes ont été isolés, traités séparément, sans vision cohérente. Il ny a
surtout pas de liaison entre la politique de la population et la politique de la
population active... Il nest pas concevable de continuer de la sorte (26). La situation démographique de la Wallonie
était devenue plus mauvaise quau moment du Rapport Sauvy. Le vieillissement
au sommet persistait et le rajeunissement par la base faisait à nouveau place au
vieillissement.
Quatre options retenaient lattention du Conseil pour
le plan 1976-1980. La première consistait à maintenir un taux de reproduction net
égal à 1. Cet objectif est conforme à la volonté de survivre de la région et il est
réaliste... Il convient donc denrayer la diminution actuelle de la fécondité et
déviter que certaines tendances à un relèvement de la mortalité des adultes
(maladies cardio-vasculaires, cancers, accidents,...) se développent (27). La deuxième option préoccupant le
Conseil concernait la surmortalité surtout masculine qui frappait la Wallonie. La
troisième option concernait la population étrangère; le CERW estimait nécessaire de
faciliter beaucoup plus quactuellement lintégration des travailleurs
étrangers dans la société wallonne et de ne plus les enfermer dans les tâches ingrates
abandonnées par les Belges. Lapport des immigrés à lamélioration des
structures démographiques, sociales et économiques de la Wallonie dépend donc de leur
mobilité professionnelle quil sagit de faciliter (28). La quatrième option était de
maintenir un équilibre raisonnable entre les actifs et les inactifs. Négliger cet aspect
conduisait à remettre gravement en cause léquilibre de la sécurité sociale et
partant de compromettre le progrès social (29).
La première option, retrouver un taux net de reproduction
égal à lunité impliquait pour le CERW que la région renonce à une politique
systématique dimmigration à des fins démographiques. Cest la population de
la Wallonie telle quelle est qui devra se renouveler de génération en génération (30). En outre, dans le but dassurer un
certain équilibre entre les personnes au travail et les inactifs, il convient de
favoriser le relèvement global du taux dactivité en Wallonie; les taux féminins
restent en effet relativement faibles et, en raison de la structure économique ancienne
de certaines sous-régions, les taux masculins autour de la cinquantaine présentent aussi
un niveau anormalement bas (31).
La politique démographique wallonne ainsi définie fut
celle du Plan 1976-1980 qui, pour la première fois, tenait compte du phénomène
démographique. Ces propositions sécartaient fortement de celles du Rapport
Sauvy, sauf quelles étaient conçues dans un cadre régional, puisquelles
se proposaient datteindre un stade stationnaire sans recourir à lapport de
limmigration. Cet objectif minimum correspondait aux idées du moment liées à la
pression démographique mondiale.
1975-1977 Le Rapport Poliwa
Fin 1975, le Secrétaire dEtat aux Affaires sociales
wallonnes demande au Département de démographie de lUniversité catholique de
Louvain de préparer un rapport sur la démographie wallonne. Loriginalité de ce
travail est, comme lécrivaient les auteurs, labsence dobjectifs
purement démographiques. En effet, aucun objectif de croissance démographique ne nous
est apparu aller de soi ni davantage repris a priori pour la réalisation
dautres objectifs... A linverse ne pas dépasser la croissance nulle étant
donné lexplosion démographique actuelle de lhumanité peut paraître
dérisoire vu la part négligeable que représente la population belge. Enfin, dans le
cadre de la Wallonie, tout au moins, aucun argument dordre économique (équilibre
entre population active et inactive), politique (minorisation politique), sociologique
(vieillissement des mentalités) ou ethnique (part importante des étrangers dans la
population) ne nous a paru déterminer nécessairement un objectif de croissance
démographique (32).
Dans la quatrième partie intitulée Perspectives
daction, les auteurs dégageaient divers objectifs dune Politique de la
famille et de la sociabilité comme lever les obstacles à la parenté responsable
indiquant comme mesures juridiques la suppression des articles du code pénal relatifs
à lavortement et la création dun nouveau code (civil) de la
procréation et de la vie affective (33)
et enfin dune Politique sociale de lemploi et du travail où les
auteurs souhaitaient favoriser lintégration de la population étrangère
proposant diverses mesures institutionnelles notamment : obligation pour toute
commune fusionnée comptant plus de 15 % dimmigrés de mettre sur pied un
Conseil consultatif communal des Immigrés; création dun service de liaison et de
promotion des immigrants et dun Fonds daction sociale pour les travailleurs
étrangers (34).
Les auteurs présentaient aussi comme objectif une intégration
du troisième âge sappuyant sur trois mesures juridiques : reconsidérer
la législation sur le cumul de la pension et dune activité rémunérée dans le
sens dun encouragement à la continuité de la vie active, envisager la possibilité
dune politique plus souple en matière dâge de prise de la retraite...;
envisager la possibilité dengager les personnes âgées dans le fonctionnement des
services sociaux (35) plus diverses
mesures financières, la création de lits pour accueillir les personnes âgées
invalides, laménagement de logements et aussi la mise au point dun vaste
programme daide sanitaire et ménagère. Enfin, ils retenaient aussi comme
objectifs, laccueil de lenfance et la promotion de lactivité féminine.
1979 Numéro spécial de Wallonie 79
Dans ce climat nouveau, le Conseil économique wallon
décida de consacrer le n° 5 de 1979 de sa revue à la démographie; il contenait
neuf articles et lon retrouvait, parmi les auteurs, trois des six démographes ayant
participé à lélaboration du n° 5 de Wallonie 1974 (36).
Ces communications étaient introduites par une note du
Comité de rédaction intitulée Nous vieillirons ensemble. Ce texte
sinspirait du Rapport POLIWA insistant sur le fait que tout le monde ne
pense plus que la croissance de la population constitue un stimulant suffisant à la
croissance économique et tout le monde ne pense même plus que cette dernière soit
lultime finalité dune société... Dans cette perspective, ni la baisse de la
fécondité, ni le vieillissement démographique, ni la décroissance numérique
nont plus la même signification... peut-être demain une société décroissante
prendra-t-elle davantage conscience que ses vieux méritent aussi attention et respect et
que réaliser leur insertion harmonieuse dans la vie communautaire nest en
définitive quun moyen de gérer une économie de ressources rares (37). Lespoir était donc dans un
changement de société, ce que soulignait le libellé du titre général de ce dossier
démographique Le dilemme wallon. Croître ou sadapter ?
Quelle était la situation démographique de la Wallonie en
1979 ? La population wallonne avait légèrement augmenté par rapport au nombre
recensé en 1970, le bilan migratoire compensant avec un gain assez mince, un
accroissement naturel négatif. Toutefois, presque tout lapport migratoire
bénéficiait au Brabant wallon, le reste de la Wallonie étant en équilibre positif.
Cependant, le trait évolutif principal marquant cette période était la poursuite de la
chute de la fécondité qui amenait le taux net de reproduction en dessous de
lunité. Ajoutons que lespérance de vie à la naissance restait très
éloignée de celle des Scandinaves. Indiscutablement la situation de 1979 était plus
dépressive que celle de 1974 et donc plus inquiétante que celle de 1962, époque du Rapport
Sauvy.
Or, les perspectives formant la base commune de tous les
articles pouvaient conduire à lillusion dune situation stationnaire. Ces
projections ninquiétaient guère puisque la crise se renforçait, donnant
limpression de trop dhommes, ce que le chômage en progression semblait
confirmer. Il est clair que de telles perspectives écartaient toute velléité
dinvestir effort et argent dans la recherche dune solution démographique
optimale, lente dans sa mise en place. Cette politique du "ne rien faire" se
contentait de lespoir dune faculté dadaptation, absorbant les données
démographiques jusquau début du XXIème siècle. Complétons ce tableau de
synthèse, en soulignant que le pourcentage de jeunes diminuait et que celui des personnes
âgées fléchissait, avec comme conséquence une atténuation de la charge des inactifs
par actif. Ainsi, la population de la Wallonie apparaissait en 1979 comme un modèle
malthusien facilitant un "faire face à la crise".
1983 Une adresse au public des démographes
Le numéro 2 de 1981 publié en janvier 1983 de Population
et Famille comprenait un Editorial (38)
signé par huit membres du Conseil de rédaction, professeurs dans les universités de
Bruxelles, Liège, Louvain et Mons, qui traduisaient linquiétude des démographes.
Cet éditorial visait à démontrer, aux autorités de la Communauté française et à
tous, la gravité de la situation démographique. Il contenait un constat, vision
partagée par les démographes des universités de langue française de Belgique. La
dégradation qui retient le plus souvent lattention est celle de la natalité.
Celle-ci sest effondrée après 1964, et son repli a été rapide entre 1965 et
1975... Nous avons atteint pour combien de temps ? un plancher; il
ny a aucun indice de reprise. Même si ce répit momentané persiste, les
générations de mères ne sont pas remplacées par des générations suffisantes de
filles... Il en résultera que la communauté dans son ensemble commencera à
disparaître, en nombres absolus dici une vingtaine dannées. Dans ces
conditions toujours, seul un recours à une immigration massive permettra déviter
une telle réduction (39). Les
immigrations auxquelles on a eu recours dans le passé pour des raisons exclusivement
économiques... sont actuellement presque totalement interrompues pour les mêmes
raisons... On na jamais songé à faire de limmigration un des leviers
dune politique démographique (40).
Cest toutefois la nuptialité qui a connu récemment les bouleversements les plus
profonds. La baisse du nombre annuel de naissances coïncide avec lapparition dans
les nouvelles générations dun nouveau système de normes et de valeurs régissant
la vie familiale. Ce système est nettement orienté vers lindividualisme,
lépanouissement personnel. Il en résulte, dabord, un déclin du nombre de
mariages, ensuite une instabilité beaucoup plus grande de ceux-ci... Inéluctablement le
nouveau système de normes et valeurs familiales, parce quil entraîne une
instabilité et des incertitudes croissantes, rend nécessaire pour la femme,
lexercice dune profession rémunérée... Toutes ces aspirations nouvelles
font que les mariages récents sont peu féconds... De tout ceci, il résulte que les
mesures traditionnelles daide à la famille risquent dêtre désormais peu
efficaces (41).
Enfin, on entend dire souvent que la population de la
Communauté vieillit. Si lon entend par là que le nombre de personnes âgées de 65
ans et plus saccroît, ce nest pas exact... le nombre de vieillards devra se
réduire, dici 1985... Après cette date il va recommencer à saccroître (42). Quant aux immigrés (900.000
environ)..., ils sont fort inégalement répartis : par moitié en Wallonie, pour un
quart à Bruxelles, pour un quart seulement en Région flamande... (cette population) ne
sest pas (dans sa totalité) définitivement fixée chez nous. Or, elle ne
représente pas seulement une population dâge actif, elle intervient aussi pour
près de 43 % des naissances à Bruxelles et près de 20 % en Région wallonne
(1979). Son départ aggraverait encore le déficit de la natalité (43).
La Fondation Charles Plisnier refaisait dès lors campagne
pour, à nouveau, alerter lopinion sur les problèmes démographiques wallons et
bruxellois par une série darticles, dont nous étions lauteur, qui furent
réunis pour former la première partie Les faits statistiques dun livre dont
la seconde partie sintitulait Politique démographique ou non ? Croissance
ou régression ? Ce livre édité conjointement par la Fondation Charles Plisnier
et lInstitut Jules Destrée est paru le 30 avril 1983 (44). Dans les conclusions, nous dégagions que le
point le plus délicat pour la Wallonie semble donc quelle reste lethnie
minoritaire du pays... Sans doute le fait minoritaire ne serait pas accentué par rapport
au recensement de 1981, mais linfluence de la Flandre aurait grandi à cause de
leffondrement de Bruxelles (45).
Cet examen nous amenait à conclure que la Wallonie pouvait espérer au mieux une
hausse de la fécondité permettant de retrouver une situation pseudo-stationnaire... cet
objectif est difficile à atteindre, car une politique de soutien des naissances ne
réussit que si elle sinscrit dans une tendance générale évoluant dans le même
sens... De toute manière, cette solution politique impose le maintien et
lintégration de la population étrangère résidant aujourdhui (1983) en
Wallonie... Attirons lattention sur lapparence stationnaire de
lévolution démographique de la Wallonie... qui voile une évolution régressive
qui débouche sur une reprise du vieillissement. Dès lors, dans le cadre souhaité et
probable dune baisse de la mortalité, si les générations wallonnes ne se
reconduisent pas, le recours à une immigration simposera si la Wallonie retrouve
une prospérité économique (46).
1983-1984 Lanalyse statistique de la
population de la Wallonie et perspectives à lhorizon 2031
En 1983, lExécutif régional wallon marquait sa
volonté de réexaminer lévolution démographique de la Wallonie, en son entier et,
aussi et surtout, dans ses composantes géographiques internes, de 1981 à la fin du
siècle et même au-delà jusquen 2031. Il confiait ce travail au Centre de
Démographie de lInstitut de Sociologie de lUniversité libre de Bruxelles; ce
rapport fut intitulé: Analyse statistique de la population de la Wallonie et
perspectives à lhorizon 2031 (47).
Une première originalité de cette recherche est que la base géographique des
projections nest pas un territoire administratif tel larrondissement ou la
province, mais une région polarisée par un centre urbain sintégrant dans un
système hiérarchisé, sappuyant sur un substrat naturel et historique (48). Une réflexion fondamentale simpose
ici. Une région polarisée est si complexe, donc si hétérogène, quil est
improbable quelle corresponde à une région démographique homogène tant du point
de vue des mouvements que de celui des structures. Lanalyse statistique fournit,
dès lors, non un critère fondamental de discrimination régionale, mais un apport
indispensable à létablissement des hypothèses présidant au calcul des
projections.
La seconde originalité de ce travail repose sur
lidée que toute combinaison dhypothèses formant le scénario dune
projection de la population dun ensemble géographique important tel la Wallonie
retentit très diversement dans ses composantes régionales internes. Ainsi
lhypothèse dun maintien des migrations nettes 1979-1982 de la Wallonie qui
correspond à un solde migratoire négatif, couvre dans le Namurois et les Ardennes un
solde positif et dans les agglomérations carolorégienne et liégeoise un solde négatif.
Il en résulte que, dans cette recherche, la totalisation des résultats de chaque
projection régionale constitue le résultat de la perspective selon le scénario retenu.
Les projections mettaient en évidence un double
vieillissement de la Wallonie, qui se déclencherait de façon intense dès 2005. Si nous
retenons un scénario envisageant une baisse de la fécondité au niveau de 1,4 enfant par
femme en 2001, ly maintenant jusquen 2011 et prévoyant une hausse ensuite, et
la combinant avec une hypothèse se soldant pour lensemble de la Wallonie par une
immigration nette (retour en 2001 aux taux de 1962-1970), lindice de sénilité
[(P. 60+ / P. 0-19)x100] de la Wallonie passerait de 67,9 en 1981 à
88,6 en 2006 et à 116,3 en 2016. Lintensité du phénomène différerait selon les
régions : dans le Brabant wallon 54,5 (1981), 75,2 (2006) et 89,1 (2016); dans le
Namurois 63,7, 78,1 et 110,5; dans lagglomération liégeoise 75,2, 96,3 et 114,5;
dans lagglomération carolorégienne 66,7, 90,7 et 116,6; dans lArdenne
namuroise 64,1, 85,3 et 127,5; dans le Nord-Hainaut 72,1, 98,4 et 140,6.
Que la population de la Wallonie vieillisse est une
certitude puisque le phénomène dépend inéluctablement dun événement
antérieur, la reprise de la fécondité de laprès-guerre qui se traduit par
lapport, pendant deux décennies, de générations étoffées qui entrent dans la
soixantaine à partir de 2005 et qui bénéficient, apport supplémentaire, des progrès
de la science et de la société, dune espérance de vie à 60 ans qui
sélève. En outre, la fécondité continuant à saffaiblir, les effectifs
initiaux de ces générations âgées savèrent plus nombreux que les effectifs
initiaux des générations jeunes, ce phénomène accentuant le vieillissement au sommet
en créant un vieillissement à la base. La conclusion qui simpose est que la
population de la Wallonie subira un double vieillissement dans les deux premières
décennies du XXIème siècle, ce que traduit une hausse généralisée de lindice
de sénilité qui dépasserait 100 en 2016 pour lensemble de la Wallonie. Autrement
dit, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus serait supérieur au nombre de
jeunes âgés de moins de 20 ans.
Evolution de la population de la Wallonie
Statistiques démographiques
1991-1996 La poursuite des tendances dans les trois
régions et intégration de la population étrangère
Au cours des 4 ans et 10 mois séparant le recensement du
1er mars 1991 de la date du 1er janvier 1996, les chutes de la population étrangère de
Wallonie et de la population belge de Bruxelles-Capitale se poursuivent.
En Wallonie, la diminution de la population étrangère se
chiffre à 25.996 personnes représentant 7,0 % de la population étrangère du 1er
mars 1991, ce qui correspond à un taux daccroissement annuel moyen de
- 14,9 , plus négatif que celui de - 9,7 observé en
1981-1991. Comme dans la période précédente, la population belge augmentait, gagnant
84.853 personnes (2,9 %) au taux annuel de 6,0 , plus positif que celui de
3,0 enregistré en 1981-1991. Ces deux courants inverses se soldent par une
hausse de 58.857 personnes (1,8 %), cest-à-dire par un taux
daccroissement annuel moyen de 3,7 .
A Bruxelles-Capitale, la diminution de la population belge
se chiffre à 16.252 personnes (- 2,4 %), correspondant à un taux annuel moyen
daccroissement de - 5,0 , moins négatif que celui de
- 10,6 observé en 1981-1991. Comme dans la période précédente, la
population étrangère augmentait, progressant de 10.329 unités (3,8 %) au taux
annuel moyen de 7,8 , inférieur à celui de 13,3 observé en
1981-1991. Ces deux courants inverses se soldent par une diminution de 5.923 personnes
(0,6 %) de la population totale, se traduisant par un taux daccroissement
annuel moyen de - 1,3 , moins négatif que celui de - 4,4
noté en 1981-1991.
Le comportement de la Flandre se caractérise, comme en
1981-1991, par une hausse des populations belge et étrangère, se chiffrant chez les
Belges par un gain de 86.851 personnes (1,6 %) correspondant à un taux annuel moyen,
de 3,2 supérieur à celui de 2,1 noté en 1981-1991, et chez les
étrangers par un gain de 24.581 personnes (9,5 %), le taux daccroissement
annuel valant 18,9 supérieur à celui de 10,8 observé en
1981-1991. Ces deux courants positifs aboutissent à une augmentation de 111.432 personnes
(1,9 %), le taux de 4,0 étant supérieur à celui de 2,4
observé dans la population totale en 1981-1991.
Le graphique n° 13 présente le bilan des changements
de nationalité, se soldant par un gain pour la population belge, en 1985 et de 1988 à
1995. Ce mouvement numériquement important à partir de 1985 est représentatif de
lexistence de lintégration dune partie de la population étrangère.
Après la décision darrêt de limmigration en 1974, liée à la récession
économique due à la crise pétrolière de 1973, la loi du 15 décembre 1980 est la
première à constituer des dispositions permanentes claires et précises sur le statut
des étrangers garanti aux immigrés... la sécurité de séjour... Comme lécrit le
professeur Rigaux, cette loi sans constituer une politique dimmigration, en exclut
cependant une, celle qui entendrait traiter la mainduvre immigrée comme une
masse anonyme et indistincte sans droit propre, que ladministration du pays
dimmigration pourrait à son gré accueillir et rejeter (49).
Selon le ministère de la Justice, la politique
dimmigration menée en Belgique depuis 1981 sarticule autour de deux principes
fondamentaux : poursuivre efficacement larrêt de nouveaux étrangers
extérieurs à la CEE dune part, favoriser lintégration progressive des
étrangers résidant régulièrement en Belgique dautre part (50). A la mi-octobre 1983, le gouvernement
dépose sur le bureau de la Chambre le projet de loi relatif à certains aspects de la
condition des étrangers et instituant le Code de la nationalité belge.
Ce projet deviendra la Loi Gol du 28 juin 1984. Le législateur amende la loi de
1980 en avalisant les non-inscriptions dans certaines communes de lagglomération
bruxelloise concentrant un grand nombre détrangers et en limitant les possibilités
de regroupement familial, le droit de laide sociale des étrangers et la
possibilité de venir faire des études en Belgique (51).
Cette loi présente à côté des restrictions des mesures permettant un accès plus large
à la nationalité belge. Sont visés : 1. les immigrés de la troisième
génération nés en Belgique de parents eux-mêmes nés en Belgique qui se verront
attribuer la nationalité belge de plein droit si leur parent fait une déclaration en ce
sens avant lâge de 12 ans (article 11); 2. les immigrés de deuxième
génération qui, étant nés en Belgique ou y ayant eu leur résidence principale
pendant un an avant lâge de 6 ans, pourront opter pour la nationalité belge entre
18 et 22 ans (articles 13 à 15); 3. lépoux ou lépouse dun(e)
Belge qui pourra opter pour la nationalité belge après 6 mois de résidence commune
(article 16); 4. tous les immigrés qui peuvent obtenir la naturalisation
ordinaire ou la grande naturalisation par décision des chambres législatives (articles
19 à 21). Linnovation majeure par rapport à lancienne législation en
matière de nationalité est lélargissement des cas doption touchant les immigrés
de deuxième génération et les couples belgo-étrangers. Outre les nécessités
dâge et de résidence, loption est toutefois conditionnée par une volonté
dintégration suffisante qui sera appréciée par le tribunal de première
instance (52). On se doit de souligner
que lentrée en vigueur du Code de la nationalité le 1er janvier 1985 a permis à
63.824 personnes de devenir belges en 1985 (graphique 13).
Citons encore la loi du 14 juillet 1987 qui concerne les
réfugiés politiques. Considérant que le droit dasile permet aux étrangers de
contourner larrêt de limmigration décrété en 1974, le ministre de la
Justice décide de supprimer laccès automatique des demandeurs dasile au
territoire, de multiplier les possibilités de refoulement à la frontière, de limiter le
droit de recours des candidats réfugiés et de sanctionner pénalement les transporteurs
qui amènent en Belgique les personnes démunies des documents requis (53).
Analyse des mouvements
Lanalyse des mouvements des populations belge,
étrangère et totale des régions permet de comprendre les changements intervenus dans le
comportement des populations belge et étrangère. Elle porte sur les années 1991, 1992,
1993, 1994 et 1995 sappuyant sur les données dont la source est le Registre
national des Personnes physiques; elles concernent lensemble de la population de
droit (54). Le graphique n° 14
présente les mouvements de la population totale de la Belgique au cours des cinq années
considérées. Il met en évidence que le pays enregistre, tout au long de la période, un
bilan migratoire naturel positif responsable de 54 % (89.486 personnes) de la hausse
et un accroissement naturel positif, presque aussi fort (76.288 personnes, 46 % de la
hausse). Le graphique n° 14 met aussi en évidence une anomalie statistique puisque
lajustement statistique défini dans la note 55 est exceptionnellement grand en
1995, contrairement aux prévisions puisquil sélève à - 10.542, le
graphique n° 15 montrant que cet ajustement concerne seulement la population
étrangère (55).
Le graphique n° 15, qui concerne lannée 1995,
montre clairement leffet démographique de lintégration de la population
étrangère à léchelon du pays. La population étrangère perd 1.897 personnes
malgré lapport de 24.212 personnes provenant des bilans positifs naturel et
migratoire, à cause du bilan des changements de nationalité (- 26.109). Dans la
population belge, le bilan migratoire négatif efface avec déficit le gain de
laccroissement naturel; il en résulte que la hausse de cette population
sexplique par les changements de nationalité (+ 26.109).
Examinons dabord les mouvements en Wallonie au cours
de la période quinquennale 1991-1995. La population totale augmente chaque année grâce
surtout à un bilan migratoire positif saccompagnant dun accroissement naturel
positif. Pour lensemble de la période, on enregistre une immigration nette de
19.642 personnes venant de lextérieur du pays et une immigration nette de 28.602
personnes venant du reste du pays. Avec lajout dun accroissement naturel de
13.870 personnes le gain total (hors ajustement) sélève à 62.114 habitants en
cinq ans. Il est important de souligner que, en nombre absolu, laccroissement
naturel et le bilan migratoire intérieur diminuent chaque année et que la même tendance
sobserve pour le bilan migratoire extérieur.
Entre les 1er janvier 1991 et 1996, la population
étrangère de Wallonie diminuait de 22.123 unités, à cause dune perte de 50.617
personnes due aux changements de nationalité nettement supérieure au gain migratoire de
28.671 personnes, venant pour lessentiel de lextérieur du pays. Précisons
que laccroissement naturel, fait nouveau, était légèrement négatif (- 177).
Au cours de la même période, la population belge augmentait chaque année, aboutissant
au total à un accroissement de 84.237 personnes se ventilant comme suit :
changements de nationalité 50.617; bilan migratoire 19573 et accroissement naturel
14.047. On se doit de préciser que le bilan migratoire se ventile en une perte migratoire
extérieure de 7.372 personnes et un gain migratoire intérieur de 19.573 personnes.
Analysons les mouvements démographiques de
Bruxelles-Capitale entre les 1er janvier 1991 et 1996. Au cours de cette période
quinquennale, la population totale diminuait en passant de 960.324 habitants à 948.122.
Cette régression sexpliquait par une perte migratoire intérieure se chiffrant à
52.047 personnes, que ne parvenait pas à combler un apport migratoire de 31.921 personnes
venant de lextérieur du pays, même avec le soutien dun accroissement naturel
positif sélevant à 8.013 personnes. Cette émigration nette à destination de
lintérieur du pays sobservait chaque année et se dirigeait surtout vers la
périphérie de lagglomération bruxelloise et notamment vers larrondissement
de Nivelles devenu la province du Brabant wallon. La perte enregistrée par
Bruxelles-Capitale au profit de larrondissement de Nivelles représentait
24,6 % de la perte intérieure totale de la capitale en 1993, 26,7 % en 1994 et
28,1 % en 1995. Si le bilan migratoire intérieur de Bruxelles-Capitale était
négatif chaque année, le bilan migratoire extérieur était au contraire positif chaque
année, mais était insuffisant pour compenser la perte migratoire intérieure, sauf en
1994, année où la population bruxelloise augmentait surtout grâce à
laccroissement naturel.
La population étrangère de Bruxelles-Capitale augmentait
au cours de la période 1991-1995, passant de 274.590 habitants à 281.916, grâce à un
bilan migratoire extérieur sélevant à 35.042 personnes, soutenu par un
accroissement naturel de 14.195 personnes. Ce double apport positif était amoindri par
une émigration nette intérieure de 8.494 personnes, ce qui aboutissait à un solde des
mouvements se montant à 41.463 personnes. Toutefois, ce gain important était fortement
diminué par le solde négatif des changements de nationalité (- 33.881 personnes),
ce qui donnait un gain final de 7.582 personnes. Ajoutons que la population étrangère de
Bruxelles-Capitale avait augmenté chaque année, sauf en 1995.
La population belge de Bruxelles-Capitale avait diminué
chaque année sauf en 1995, la perte se chiffrant à 19.695 habitants pour lensemble
de la période. Elle était due surtout à un bilan migratoire intérieur très négatif,
sobservant chaque année, lhémorragie étant de - 43.553 personnes pour
la période, et aussi à un bilan migratoire extérieur négatif (4 années sur 5) valant
- 3.121 pour la période; le bilan migratoire total se soldait par une perte de
- 46.674 personnes. A cela sajoutait un accroissement naturel négatif (5
années sur 5) se chiffrant à - 6.902. Tous ces mouvements entraînant un déficit
de - 53.576 habitants pour la période quinquennale. Ce bilan négatif des mouvements
était atténué par lapport de 33.881 personnes dû aux changements de
nationalité. Rappelons que le Brabant wallon attirait les Belges de Bruxelles-Capitale;
27,6 % de la perte migratoire intérieure des Belges de Bruxelles-Capitale se
destinait à larrondissement de Nivelles, 27,7 % en 1994 et, en 1995,
29,9 %.
Examinons les mouvements de la population flamande entre
les 1er janvier 1991 et 1996. La population totale augmentait puisque toutes les
composantes du mouvement étaient positives chacune des années. Laccroissement
naturel sélevait, pour la période, à 54.405 et le bilan migratoire à 61.368.
Ajoutons que le bilan migratoire extérieur était positif (+ 37.923) ainsi que le
bilan migratoire intérieur (+ 23.445). Tous ces mouvements provoquaient un gain de
115.773 personnes pour lensemble de la période.
Lévolution était analogue pour la population
étrangère de Flandre, qui augmentait à cause dun bilan migratoire positif
(+ 54.263) et dun accroissement naturel moindre, mais aussi positif
(+ 13.267). On observait aussi un bilan migratoire extérieur très positif
(+ 47.426) et un bilan migratoire intérieur positif (+ 6.837). Tous ces
mouvements se traduisaient par un gain de 67.530 personnes pour toute la période. Ce gain
était diminué de plus de la moitié (- 38.451 personnes) à cause du bilan des
changements de nationalité.
La population belge de Flandre augmentait surtout à cause
dun accroissement naturel sélevant à 41.138 personnes pour la période, qui
était soutenu par un bilan migratoire intérieur positif (+ 16.608), contrarié par
un bilan extérieur négatif (- 9.503). Sauf en 1995, le bilan migratoire total
était positif, ce qui se traduisait par un bilan migratoire total positif (+ 7.105)
pour toute la période. Tous ces mouvements aboutissaient, pour la période, à un
accroissement de 48.243 personnes, auquel sajoutait lapport de 38.451
personnes, bilan des changements de nationalité. Ainsi, entre les 1er janvier 1991 et
1996, laccroissement de la population flamande était de 86.694 unités.
Le mouvement naturel
Dans des conditions de maintien dune fécondité
très faible correspondant à une régression potentielle, la natalité reste à un niveau
similaire à celui de la période précédente, les taux les plus élevés
sobservant dans la population totale à Bruxelles-Capitale (13,0 à
13,6 ), les plus bas en Flandre (11,0 à 12,2 ) et des
taux bas intermédiaires en Wallonie (11,4 à 12,9 ). Une baisse de
la natalité apparaît clairement dans les trois régions. Le taux de 11,0 de
la Flandre observé en 1995 est le plus bas de la série depuis 1963, les plus élevés
apparaissant en 1963 (18,5 ) et, en 1964, (18,4 ) à la fin du Baby
boom; on notait 15,1 en 1970, 13,3 en 1973 et, ensuite, des
taux inférieurs à 13,0 . En Wallonie, lévolution est analogue. Le taux
de 11,4 de 1995 étant le plus faible de la série, les valeurs les
plus fortes se situent en 1963 (15,5 ) et en 1964 (15,7 ) à la fin
du Baby boom (cest-à-dire à un niveau inférieur à celui de la Flandre);
on notait 13,5 en 1973 et ensuite des taux inférieurs à 13,0 . Il
est évident que la dualité régionale nord-sud de la natalité a cessé dexister
depuis un quart de siècle.
Le cas de Bruxelle-Capitale est différent. Certes, on
observe une baisse récente de la natalité de 1992 (13,6 ) à 1995
(13,0 ). Toutefois, lexamen de la série montre que les taux les plus
élevés apparaissent à la fin du Baby boom, 13,9 en 1964 et 1965 et
14,0 en 1966 (mais ils sont plus faibles quen Flandre et en Wallonie) et
aussi que les taux tombent en dessous de 13,0 de 1974 à 1986, mais ils
dépassent 13,0 ensuite avec un maximum de 14,1 en 1990, qui est
aussi le maximum de la série. Limplantation dune population étrangère
originaire du Maroc et de la Turquie, devenue relativement très importante, explique le
taux de natalité plus élevé de la population totale de Bruxelles-Capitale.
Dans un contexte de hausse de lespérance de vie à
la naissance dans les trois régions, les valeurs étant les plus élevées en Flandre et
les plus faibles en Wallonie dans chacun des deux sexes, et dun vieillissement au
sommet prononcé qui, malgré un fléchissement, était le plus élevé à
Bruxelles-Capitale (22,2 % de personnes âgées au 1er janvier 1996) et qui
saccentuait dans les deux autres régions, se chiffrant, au 1er janvier 1996, à
21,5 % de personnes âgées en Wallonie et à 21,2 % en Flandre, les
fluctuations du taux de mortalité étaient faibles. On note que le taux de mortalité de
la Flandre restait le plus bas (9,6 à 10,0 ) et le taux de
Bruxelles-Capitale le plus haut (11,3 à 11,8 ), la situation de la
Wallonie (11,0 à 11,4 ) étant intermédiaire. Il convient de
préciser que le taux de 11,0 observé en 1994 en Wallonie est le plus bas de
la série depuis 1963, les taux wallons de mortalité étant supérieurs à
12,4 de 1963 à 1986 et tombant en dessous de 12,0 ensuite. Cette
observation met en évidence une tendance à la baisse du taux en Wallonie. A
Bruxelles-Capitale, le taux de mortalité de 11,3 de 1995 est le plus bas de
la série depuis 1963, les taux dépassant 12,4 de 1963 à 1986 et tombant
ensuite en dessous de 12,0 , situation indiquant comme en Wallonie une tendance
à la baisse du taux bruxellois. Lévolution des taux est différente en Flandre
puisquils se maintenaient de 10,2 à 11,0 de 1963 à 1986;
le taux se situe ensuite en dessous de 10,2 avec un minimum de 9,6
en 1994, ce qui indique une tendance à la baisse.
Grâce à un taux de mortalité le plus faible lié à
lespérance de vie à la naissance la plus forte et à la structure des âges la
moins vieillie au sommet, la Flandre enregistre un accroissement naturel relativement
élevé, variant de 2,5 en 1991 à 1,3 en 1995, donc en
diminution. Avec un taux de natalité un peu plus élevé que celui de la Flandre, la
Wallonie, à cause dun taux de mortalité plus fort provoqué par une espérance de
vie à la naissance la plus faible et par un vieillissement au sommet plus marqué
quen Flandre, présente un accroissement naturel plus faible régressant de
1,5 en 1991 à 0,2 en 1995. Enfin, grâce à un taux de natalité
le plus élevé, malgré un taux de mortalité un peu supérieur au taux wallon,
Bruxelles-Capitale présente un taux daccroissement naturel (1,5 à
2,0 ) qui se maintient et dépasse même le taux de la Flandre en 1994 et 1995.
En Flandre et à Bruxelles-Capitale, la population
étrangère amoindrit le taux de mortalité de la population totale et élève les taux de
natalité et daccroissement naturel. Au cours de la période 1991-1995, le taux de
mortalité des étrangers est de lordre de 3,4 à Bruxelles-Capitale et
de 4,7 en Flandre, valeurs très faibles sexpliquant par la structure
très jeune de cette population dont lindice de sénilité vaut 32,5 à
Bruxelles-Capitale et 39,9 en Flandre. Le taux de natalité est encore élevé mais en
diminution de 1991 à 1995, passant de 15,7 à 13,1 à
Bruxelles-Capitale et de 17,2 à 12,6 en Flandre. Le taux
daccroissement restait très élevé mais baissait de 12,1 à
9,7 à Bruxelles-Capitale et de 12,5 à 7,9 en
Flandre.
Analysons le comportement de la population belge dans ces
deux régions. En Flandre, on observe une baisse de la natalité de 12,0 en
1991 à 10,9 en 1995, saccompagnant dune mortalité en maintien de
lordre de 10,0 , ce qui se traduit par une régression de
laccroissement naturel qui valait 2,1 en 1991 et 0,9 en
1995. A Bruxelles-Capitale, la natalité (12,4 à 13,4 ) est chaque
année inférieure au taux de mortalité (14,7 à 15,1 ), ce qui
rend négatif le taux daccroissement naturel (- 1,6 à
- 2,7 ).
En Wallonie, la situation est différente. Certes, la
mortalité est moins élevée chez les étrangers (7,0 à 8,1 ) que
chez les Belges (11,4 à 11,9 ) et provoque dès lors une
diminution du taux de mortalité de la population totale. On se doit cependant de
souligner que le taux de mortalité des étrangers de Wallonie est nettement supérieur
aux taux correspondants de la Flandre et de Bruxelles-Capitale, ce qui sexplique par
le vieillissement plus marqué de la population étrangère de Wallonie où lindice
de sénilité a augmenté de 54,9 en 1991 à 97,1 au 1er janvier 1996; cette évolution
extraordinaire est provoquée par limportance des changements de nationalité qui
touchent les étrangers jeunes et adultes. Ce dernier phénomène se répercute sur la
natalité des étrangers de Wallonie dont le taux seffondre de 10,6 en
1991 à 5,8 en 1995 et est très inférieur à celui des Belges de Wallonie
qui passe de 13,2 en 1991 à 12,0 en 1996, ce dernier étant donc
supérieur au taux de natalité de la population totale; il y a donc baisse de la
natalité dans les deux populations. Cette double évolution de la natalité et de la
mortalité chez les étrangers aboutit à un taux daccroissement naturel négatif
dès 1992 (- 0,4 ) et qui lest de plus en plus
(- 2,3 en 1995). Le taux daccroissement naturel de la population
belge diminue aussi, de 1,7 en 1992 à 0,5 en 1995.
La population étrangère
Après lanalyse des mouvements, présentons la
structure de la population étrangère selon les nationalités au 1er janvier 1996. Par
rapport à la situation du 1er janvier 1990, les positions en rang sont très proches. En
Wallonie, la situation est identique : au 1er rang, les Italiens; au 2ème rang, les
Français; au 3ème rang, les Marocains; au 4ème rang, les Turcs et au 5ème rang, les
Espagnols. En Flandre, les situations sont très proches : au 1er rang, les
Néerlandais; au 4ème rang, les Italiens et au 5ème rang, les Français, avec un
permutation plaçant les Turcs au 2ème rang en 1990 et au 3ème rang en 1996, et les
Marocains au 3ème rang en 1990 et au 2ème rang en 1996. Dans le cas de
Bruxelles-Capitale, le premier rang est occupé par les Marocains en 1990 et en 1996, et
le 5ème rang par les Turcs en 1991 et 1996; les rangs intermédiaires avec permutation
reviennent aux Français (4ème en 1990 et 2ème en 1996); aux Italiens (2ème en 1990 et
3ème en 1996) et aux Espagnols (3ème en 1990 et 4ème en 1996)..
Lintérêt est la présentation des mouvements
récents selon les nationalités de la population étrangère entre les 1er janvier 1992
et 1996. En Wallonie, la population étrangère a diminué de 32.718 (- 8,7 %).
Cette régression a frappé : les Italiens (- 25.013, - 13,8 %); les
Turcs (- 2.656, - 11,9 %); les Marocains (- 2.314,
- 10,2 %); les Espagnols (- 1.242, - 7,6 %); les Algériens
(- 1.158, - 16,6 %); les Grecs (- 573, - 9,1 %) et les
Zaïrois (- 436, - 9,4 %). Ainsi les pertes concernent les populations
africaines et européennes du pourtour de la Méditerranée, à lexception des
Portugais (+ 617, + 15,5 %). Les gains apparaissent dans les pays
voisins : France (+ 702, + 1,3 %); Pays-Bas (+ 189,
+ 3,1 %); Royaume-Uni (+ 102, + 2,0 %) et Allemagne
(+ 1.499, + 11,1 %). Dans le cas des Allemands, il sagit dune
poussée dimmigration saffirmant surtout dans la Région de langue allemande.
Entre les mêmes dates, à Bruxelles-Capitale, les pertes
et les gains répondent à la même géographie. En effet, la population diminue :
chez les Italiens (- 1.602, - 5,1 %); les Turcs (- 525,
- 2,4 %); les Marocains (- 4.495, - 5,7 %); les Espagnols
(- 1.804, - 7,2 %); les Grecs (- 159, - 1,5 %) et aussi les
Zaïrois (- 125, - 2,0 %). Les hausses concernent : les Français
(+ 3.670, + 13,5 %) les Néerlandais (+ 245, + 5,3 %); les
Britanniques (+ 1.047, + 15,0 %) et les Allemands (+ 921,
+ 13,2 %). Ajoutons que la population étrangère sétait accrue entre les
1er janvier 1992 et 1996 de 5.457 personnes (+ 2,0 %) à Bruxelles-Capitale.
En Flandre, au cours de la même période, la population
étrangère augmentait de 14.528 personnes (+ 5,4 %). On enregistrait des
pertes : chez les Turcs
(- 3.440, - 7,7 %); chez les Italiens (- 2.737, - 10,0 %) et
chez les Grecs (- 25, - 0,6 %). Les autres nationalités étaient en gain.
31 décembre 1961 - 1er janvier 1996 Le
double vieillissement : un fardeau social qui sera plus lourd demain
En 1962, lannée où la Wallonie se dessinait sur le
terrain, Alfred Sauvy proposait aux Wallons une politique démographique, propre à leur
région, de soutien des naissances sinspirant du modèle français dont
lobjectif était larrêt du vieillissement tant à la base quau sommet.
Il soulignait que, même réalisée dans un cadre régional, elle donnerait des résultats
insuffisants à moyen terme, dégageant ainsi lobligation impérative de prévoir
une politique dimmigration à effectifs importants et à caractéristique familiale.
A cette époque, lindice de fécondité se chiffrait, en Wallonie, à 2,6 enfants
par femme, la reconduction des générations étant assurée avec gain, et un flux
migratoire important composé surtout dItaliens, mais lié à la conjoncture
économique, se fixait en Wallonie.
Depuis, lindice de fécondité tombait à 1,6 et
sy maintenait, situation menant inéluctablement à une diminution de la population
et limmigration était arrêtée, les gouvernements dégageant dans les années 80
une politique dintégration, en facilitant laccès, à la nationalité belge,
des étrangers de la deuxième et de la troisième génération résidant dans le pays,
mais la surmortalité par rapport à la Flandre subsistait. Il ny avait pas eu de
politique démographique wallonne.
Dès lors, le double vieillissement saffirmait, ce
que la comparaison des structures des âges de la population wallonne au 31 décembre 1961
et au 1er janvier 1996 (graphique n° 27) met clairement en évidence. Le vieillissement
à la base est très prononcé à cause de la persistance dune très faible
fécondité, limportance des jeunes de moins de 20 ans tombant de 29,0 % à
24,9 %, le fait se manifestant dans les deux sexes. Le vieillissement au sommet est
sensible puisque les personnes âgées de 60 ans et plus augmentent relativement de
19,7 % à 21,5 %; il est modéré à cause de lapport dune
population étrangère sans vieillard et aussi à cause de larrivée, aux âges
élevés, des classes creuses de la Première Guerre mondiale et, aujourdhui, de
classes creuses de la crise des années 30 qui seront suivies des générations de la
Seconde Guerre mondiale en attendant leffet contraire daccentuation du
phénomène avec les classes fortes nées au cours de Baby boom à partir de 2005.
Ajoutons que le vieillissement au sommet est beaucoup plus prononcé chez les femmes où
près du quart sont âgées de 60 ans et plus et où 5 % atteignent 80 ans et plus.
Lindice de sénilité est passé de 67,8 à 86,5 dans la population totale (deux
sexes réunis) en précisant que chez les femmes, il dépasse 100 aujourdhui, les
plus âgées étant, en 1996, plus nombreuses que les jeunes.
Dans les années difficiles du début du XXIème siècle
et, dès lors dès aujourdhui, tant la structure dune population est lente à
se modifier, nous devons faire face avec un esprit jeune dans une société où la
retraite ou la prépension est le remède admis, voire lobjectif souhaité. Cet
état desprit irrationnel correspond au transfert inacceptable de nos
responsabilités aux générations jeunes daujourdhui, cest-à-dire aux
jeunes adultes de 2015.
Notes
1. A. SAUVY et R. PRESSAT, Le
problème de léconomie et de la population en Wallonie, Revue du Conseil
économique wallon, janvier -avril 1962, n° 54 et n° 55; le premier
article dû à R. PRESSAT sintitule Situation démographique de la Wallonie
p. 2-23, et le second dû à A. SAUVY se dénomme Conditions de
développement économique et mesures à prendre en vue dun renouveau général,
p. 24-51. Ce travail est connu sous le nom de Rapport Sauvy.
2. A. SAUVY et R. PRESSAT, op.
cit., voir p.1.
3. Congrès national wallon, Les
cahiers des griefs wallons, La Dépopulation de la Wallonie, p. 9-35, voir
p. 9.
4. Ce texte est extrait de J.
STENGERS, Les pratiques anticonceptionnelles dans le mariage au XIXème siècle, Problèmes
humains et attitudes religieuses, Revue belge de philologie et dhistoire,
tome XLIX, 1971, n° 2, p. 403-481 et n° 4, p. 1.119-1.174, voir p.
1.155.
5. A. LEMAIRE, La Wallonie qui
meurt, Etude sur la natalité en Wallonie, Action catholique, Bruxelles, 1920,
117 pages.
6. R. LESTHAEGHE, The Decline of
Belgium Fertility, 1880-1970, Princeton University Presse, 1977, 259 pages,
voir p. 132.
7. CONGRES NATIONAL WALLON, Les
Cahiers des griefs wallons, La Dépopulation de la Wallonie, p. 9-35.
8. Le 1er novembre 1938, Edouard
Daladier décida dappeler aux finances Paul Reynaud qui, le 3 novembre, appela
Alfred Sauvy, le prenant dans son cabinet, et, hasard de lhistoire, lui faisant
partager rue de Rivoli un bureau avec Michel Debré, à lépoque auditeur au Conseil
dEtat. Texte repris de Des Français pour la France. R. ANDRE, Alfred
Sauvy 31 octobre 1898 30 octobre 1990. Eloge, Académie royale de
Belgique, Bulletin de la Classe des Lettres, 6ème série, Tome III, 1992,
10-12, p. 283-299, voir p. 284.
9. La Dépopulation de la
Wallonie, op. cit., voir p. 33.
10. La Dépopulation de la
Wallonie, op. cit., voir p.34.
11. OFFICE CENTRAL DE STATISTIQUE,
Démographie de la Belgique de 1921 à 1939, Bruxelles, 1943, 458 pages, voir p.
277 et suivantes.
12. La Dépopulation de la
Wallonie, op. cit., voir p. 12.
13. Introduction, Population,
1946, n° 1, p. 5-8, voir p. 6-7.
14. COMITE DETUDE DES
PROBLEMES DE LA DENATALITE EN BELGIQUE, Le vieillissement de la population belge et le
péril de la dénatalité, Bulletin mensuel du Centre dEtudes et de
Documentation sociales de la Province de Liège, n° 3, mars 1953, 55
pages. Le premier chapitre est signé par A. DUFRASNE et concerne La situation
démographique de la Belgique, p. 7-24; le deuxième est dû à M. DRECHSEL et
est intitulé Les conséquences de la dénatalité, p. 25-36, et enfin le
troisième est luvre de P. GOLDSCHMIDT sous le titre Proposition concernant
la mise en uvre dune action tendant à enrayer la dénatalité,
p. 37-53.
15. COMITE DETUDES DES
PROBLEMES DE LA DENATALITE EN BELGIQUE, op. cit., voir p. 54.
16. A. SAUVY, Un exemple pour
la Wallonie, La renaissance démographique française, Revue du Conseil
économique wallon, mai 1953, p. 14-21, voir p. 20.
17. R. ANDRE, La population de
la Wallonie dans la dualité démographique de la Belgique, Institut Jules Destrée et
Fondation Charles Plisnier, 1983, 192 pages, voir p. 137-141.
18. Conseil économique wallon, La
Wallonie veut vivre ! Un plan de salut public pour conjurer la menace dune
décadence démographique, Revue du Conseil économique wallon, n° 20,
mai - juin 1956, p. 1-30, voir p.15 et p. 23.
19. Déclaration commune du
Conseil économique flamand et du Conseil économique wallon sur le problème
démographique et familial, Revue du Conseil économique wallon, n° 23,
novembre - décembre 1956, p. 31-34.
20. Rapport Sauvy, op.
cit., voir p. 32.
21. A. DELPEREE, Politique de
la population et de la famille, Revue belge de Sécurité sociale,
juillet - août 1962, n° 7 et n° 8, p. 921-984. Il sagit
dune publication partielle du "Rapport Delpérée".
22. A. DELPEREE, op. cit.,
voir p. 921.
23. A. DELPEREE, Politique de
la population..., op. cit., voir p.926.
24. J.-L. CUSTERS, Présentation,
Population et Famille, Bevolking en Gezin, Cahier n° 1, p.3 et
p. 5.
25. Le numéro 5 de Wallonie 74
contient les communications de cette journée : A. DELOURME, Discours
douverture, p. 295-296; H. DAMAS, Le bilan démographique de la Wallonie,
p. 297-318; R. ANDRE, Eléments dune politique démographique wallonne,
p. 319-323; G. WUNSCH, Situation régionale de la natalité et de la mortalité en
Belgique, p. 324-330; A. DELPEREE, Le problème démographique wallon,
p. 331-341; H. GERARD, Pour une politique démographique en Wallonie,
p. 342-348; J. STASSART. Démographie et économie, p. 349-351; CERW, Options
wallonnes en matière de population pour le plan 1976-1980, p. 352-357.
26. A. DELPEREE, Le problème
démographique wallon, op. cit., voir p. 334-335.
27. CERW, Options wallonnes,
op. cit., voir p. 353-354.
28. CERW, Options wallonnes,
op. cit. voir p. 355.
29. CERW, Options wallonnes,
op. cit., voir p. 355.
30. CERW, Options wallonnes,
op. cit., voir p. 357.
31. CERW, Options wallonnes,
op. cit., voir p. 357.
32. DEPARTEMENT DE DEMOGRAPHIE DE
LUNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN, Etat démographique de la Wallonie et
éléments pour un politique de population, Documents du Centre dEtude de la
Population et de la Famille, 1977, n° 2, 412 pages, voir p. 2-3. Ce
"Rapport POLIWA" fut dirigé par M. LORIAUX et H. GERARD.
33. Rapport POLIWA, op.
cit., voir p. 380.
34. Rapport POLIWA, op.
cit., voir p. 381.
35. Rapport POLIWA, op.
cit., voir p. 382-383.
36. Le numéro 5 de Wallonie 79
contient les communications suivantes : A. LAMBERT, Démographie wallonne :
les limites du possible, p. 403-418; H. GERARD et G. MASUY-STROOBANT, A propos
du déclin de la fécondité depuis 1964, p. 421-434; M. SCHTICKZELLE, M. VAN
HOUTE-MINET et G. WUNSCH, Mortalité et vieillissement démographique, une analyse de
la situation wallonne, p. 437-451; S. FELD, Perpectives démographiques et
économiques de limmigration en Wallonie, p. 453-470; J. BRUYERE, Bilan
de la politique dimmigration étrangère, p. 473-479; M. POULAIN, P.
ANTHEMUS, J. SIMON et M. VINCENT, La mobilité de la population wallonne :
tendances récentes et perspectives, p. 481-496; R. ANDRE, avec la collaboration
de A.-M. GOSSIAUX, J. PEREIRA ROQUE, E. RICHEZ-RUELENS, Evolution démographique et
population active, le cas de la Wallonie, p. 497-530; P. HUGE et R. TOLLET, Perspectives
démographiques et sécurité sociale; p. 531-545; P.-M. BOULANGER, Les
conséquences sociologiques du vieillissement et de la décroissance démographique,
p. 547-559.
37. CERW, Nous vieillirons
ensemble, Wallonie 79, n° 5, p. 397-402 voir p. 399-400.
38. R. ANDRE, M. BRUWIER, E.
HELIN, J. MORSA, R. REZSOHAZY, E.A. SAND, J. STASSART, G. WUNSCH, Editorial, Population
et Famille, n° 53, 1981-2, p. I IV.
39. Editorial, op. cit.,
voir p. I.
40. Editorial, op. cit.,
voir p. II.
41. Editorial, op. cit.,
voir p. II et III.
42. Editorial, op. cit.,
voir p. III.
43. Editorial, op. cit.,
voir p. III et IV.
44. R. ANDRE, La population de
la Wallonie dans..., op. cit..
45. R. ANDRE, La population de
la Wallonie dans..., op. cit., voir p.173.
46. R. ANDRE, La population de
la Wallonie dans..., op. cit. voir p. 178 et p. 180-181.
47. CENTRE DE DEMOGRAPHIE DE
LUNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES, Analyse statistique de la population de la Wallonie
et perspectives à lhorizon 2031, Exécutif régional wallon, 1983-1984. Il se
compose des volumes suivants : R. ANDRE, Analyse régionale des éléments statistiques,
Etude globale, Mortalité régionale, 1ère partie, tome A, 1983, 278 pages; R. ANDRE, P.
GUILMOT et J. PEREIRA ROQUE, Analyse régionale des éléments statistiques, Fécondité
régionale, Migration régionale, 1ère partie, tome B, 1984, 208 pages; Réflexions sur
létat actuel de la population de la Wallonie, 2e partie, 272 pages; R. ANDRE, Les
régions, 3e partie, 1984, 133 pages, Atlas annexe 16 cartes; R. ANDRE, P. GUILMOT, J.
PEREIRA ROQUE et T. SOW, Projections démographiques à long terme de la Wallonie,
1981-2031, 4e partie, 1984, 201 pages, Annexes statistiques, 136 pages; R. ANDRE, P.
GUILMOT, J. PEREIRA ROQUE et T. SOW, Projections démographiques à long terme des
régions et des grandes villes de Wallonie, 1981-2031, 5e partie, 1984, tome A, 204 pages,
tome B, 218 pages, Annexes statistiques, vol. 1, 245 pages et vol. 2, 246 pages.
48. La subdivision régionale de
la Wallonie, fondement géographique des projections, prend principalement appui sur les
travaux collectifs de J. ANNAERT, J. DENIS, L. DETHIER, M.E. DUMONT, M. GOOSSENS, V.
PIEDANNA, J.A. SPORCK et H. VANDERHAEGEN, Les zones dinfluence des centres et la
structure des activités urbaines, Comité national de Géographie, Atlas de Belgique,
Commentaire des planches 28 A-B-C, Réseau urbain I-II-III, 86 pages.
49. Ph. DE BRUYCKER, Un mauvais
débat pour une non-politique de limmigration, Le Journal des procès,
1988, n° 133, p. 14-17, voir p.14.
50. Ph. DE BRUYCKER, op. cit.,
voir p. 16.
51. Ph. DE BRUYCKER, op. cit.,
voir p. 16.
52. J.-Y. CARLIER, Loctroi
de la nationalité belge, Le Journal des procès, 1988 n° 3, p. 33.
53. Ph. DE BRUYCKER, op. cit.,
voir p. 16.
54. Quelques remarques
simposent. Les événements sont enregistrés successivement dans lordre
chronologique et ne sont pas effacés. Il ne sagit donc pas de situations à un
moment donné (liste des personnes résidentes, mariées, etc.) mais de tous les
historiques. Les situations peuvent cependant être déduites des historiques... A
quelques inévitables rectifications tardives près, la situation portant sur un premier
janvier peut être communiquée à lINS dans le courant du mois de mars... La
production de la statistique endéans un délai raisonnable implique lexploitation
du Registre national dans son état à une date donnée. Des corrections sont toujours
possibles dans la statistique de lannée suivante sous une rubrique ajustement
statistique... En ce qui concerne lannée 1988, le choix a conduit à des
ajustements effectués dans les tableaux du mouvement de lannée 1989 dont le bilan
au niveau du pays atteint 3.676 personnes, soit 0,04 % de la population totale
au 1.1.1989. En fait la quasi-totalité des corrections couvre une amélioration des
registres dans un nombre très restreint des communes qui posaient encore quelques
problèmes. Lajustement devrait donc être sensiblement réduit dans lavenir
(INS, statistiques démographiques, 1992, n° 3, voir p. 5 à 10). Ajoutons en
prenant lexemple des années 1993 et 1994 que la population publiée officiellement
au 31 décembre 1993 à partir des mouvements de 1993 sera la même que celle qui servira
de base, une année plus tard, pour établir le mouvement de la population de
lannée 1994. On peut donc définir lajustement statistique comme suit :
Solde dopérations de lannée précédente qui navaient pas encore été
comptabilisées par le Registre national au moment où il a transmis le fichier du
mouvement de cette année-là à lINS. Les chiffres mentionnés dans la colonne
accroissement total ne correspondent donc pas à la différence entre le chiffre de la
population au 31 décembre et celui du 1er janvier de lannée en cours, car cette
différence tient compte de lajustement statistique.
55. Cet ajustement élevé
provient de la radiation des registres de population détrangers demandeurs
dasile qui y avaient été inscrits. La loi du 24 mai 1994 créant un registre
dattente pour demandeurs dasile, entrée en vigueur le 1er février 1995 a
ordonné leur inscription dans ce registre dattente. Larticle 4 de cette loi
stipule que les étrangers inscrits au registre dattente ne sont pas pris en compte
pour la détermination du chiffre annuel de la population (Statistiques démographiques,
1996, n° 1C, voir p. 7).
Ce texte est extrait du catalogue de l'exposition
Wallons d'ici et d'ailleurs. La société wallonne
depuis la Libération, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1996.