Institut Destrée - The Destree Institute

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 Institut Destrée, Centre de recherche européen basé en Wallonie Jules Destrée, l'antisémitisme et la Belgique :
Lettre ouverte à tous ceux qui colportent
des mythes éculés sur les Wallons et leur histoire
Philippe Destatte
Historien
Directeur Institut Destrée

Quatre manifestations importantes se sont inscrites depuis juillet 1995 à l'agenda de l'Institut Jules Destrée. Ces événements sont représentatifs de l'action menée pour la promotion de la personnalité d'une Wallonie faite à la fois d'héritages et de projets. Ils nous ont permis d'ouvrir ou de poursuivre des débats que nous pensons fondamentaux pour l'avenir de notre région.

  • La Treizième Conférence des Peuples de Langue française, consacrée aux Identités et à la Citoyenneté, a constitué un moment important de notre engagement dans une Francophonie des peuples où la démocratie, plus encore que la langue, doit constituer notre affinité.

  • Le Colloque sur La Décentralisation et les Droits de l'Homme a permis de mesurer le scénario du fédéralisme belge à l'aune des attentes des minorités des pays d'Europe centrale et orientale.

  • Le Troisième Congrès La Wallonie au Futur, élaboration progressive, déterminée et concrète d'un projet de société pour la Wallonie, s'est focalisé de manière volontariste sur les stratégies pour l'emploi.

  • La commémoration du Congrès national wallon de 1945, avec une gamme complète de supports didactiques - ouvrage scientifique de référence, pièce de théâtre, cassette vidéo de témoignages, dossier pédagogique - a permis de rappeler que, voici cinquante ans, le fédéralisme avait été revendiqué en Wallonie comme une ultime faculté de cohabitation.

Tandis que se déroulaient ces activités, un ouvrage a été publié dont les échos ont meublé les jours creux des médias. Pour des raisons qu'il serait intéressant d'analyser de manière approfondie, certains d'entre eux, essentiellement à Bruxelles, ont littéralement poussé à la diffusion de ce livre, sans pour autant s'interroger réellement sur sa qualité. Plus particulièrement, les parties où il pouvait atteindre l'idée wallonne et la personnalité de Jules Destrée ont été mises en exergue. De nombreux amis nous ont contactés pour nous mettre en garde à propos de ces dérives. Cependant, en dehors d'un exposé devant l'Assemblée générale de l'Institut Jules Destrée et d'une émission Samedi Première organisée de manière impromptue le 17 juin 1995 où je fus interrogé sur ce livre Les Grands Mythes de l'histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, j'ai considéré ne pas avoir de temps à consacrer à répondre à un certain nombre d'errements contenus dans ce livre. Mais, bientôt, cette agaçante sottise finissait par s'accréditer avec l'autorité des notions que l'on ne discute plus. Il fallait réagir (1).

A toutes fins utiles, il est assurément important de rappeler que l'objet de l'Institut que je dirige n'est pas de se consacrer à la personnalité de Jules Destrée mais bien de poursuivre et de développer son action dans le domaine de l'illustration de la Wallonie, en Europe, dans la Francité et dans le monde. Bien que certains exégètes accordent une importance primordiale à la qualité de socialiste de Destrée - et, dans mon esprit, le mot qualité n'est pas fortuit - il faut en effet se souvenir des multiples facettes de sa personnalité. En effet, il fut à la fois un promoteur de l'idée de fédéralisme pan-européen, d'une forme de Francité avant le mot (2) et d'une ouverture active au monde, au travers de la Société des Nations dont il se fit l'un des propagandistes, mais aussi de la Commission de Coopération intellectuelle dont il devint président de la Sous-Commission des Lettres et des Arts. Ces diverses actions illustrent assez bien nos présentes préoccupations.

Dès lors, c'est en tant qu'historien, attentif à l'avenir de la Wallonie, que je réagis. Depuis longtemps, du reste, j'ai opté pour ce que le Professeur Jean Pirotte appelle une démarche lucide et honnête, dans laquelle seraient précisés d'emblée les affinités personnelles de l'historien, les options de sa recherche et le point de vue spécifique dans lequel il se place (3). Cette option, j'ai eu l'occasion de l'affiner dès 1987 - année de la création du Centre d'Histoire de la Wallonie et du Mouvement wallon - en soulignant que cette démarche était instable parce qu'elle s'appuyait sur le mouvement entamé par la collectivité wallonne pour conquérir une identité que, à l'époque, elle ne savait pas encore définir. Les premières enquêtes de nos jeunes historiens - je pense notamment à Paul Delforge ou à Chantal Kesteloot - ont montré que les contacts avec les grands témoins de notre histoire s'étaient parfois avérés difficiles, les expériences de nos chercheurs rejoignant celles de leurs grands prédécesseurs, Léopold Genicot et Hervé Hasquin. Comme je le soulignais alors, on constatait que, au gré de la mythologie qu'elle sécrète, la société, productrice et consommatrice d'histoire, se nourrit de ses historiens ou les vomit en fonction du degré de concordance entre ses espoirs (ou ses fantasmes) et les réponses apportées par les chercheurs confrontés à l'épreuve des faits. Préposés à l'imagination, comme aurait dit Pierre Chaunu, les historiens élaborent - parfois avec enthousiasme et bonheur, parfois avec scepticisme - les hypothèses qui leur permettront d'aboutir à une interprétation nouvelle et ainsi de se démarquer de l'approche conventionnelle (4).

Ceci étant dit, il n'est pas inutile de rappeler que l'historien qui, le premier, a jeté les bases méthodologiques d'une histoire en Wallonie fut aussi celui qui fit tant pour nous apprendre la critique historique : Léon-E. Halkin (5). Chacun comprendra en effet que toutes les audaces sont possibles en historiographie dans le choix tant des sujets que des perspectives, pour autant que l'historien fasse preuve d'honnêteté intellectuelle, de raison, d'esprit critique et de modestie professionnelle. Les historiens avec lesquels nous avons voulu travailler et dont nous avons suivi les conseils illustraient ces qualités : Léon-E. Halkin, bien sûr, mais aussi - parmi d'autres -, Félix Rousseau, Léopold Genicot et Hervé Hasquin. Tous les quatre, avec des sensibilités différentes, ont initié les recherches sur l'histoire de la Wallonie (6).

Ainsi, une large part de ma démarche d'historien est-elle contenue dans cet extrait de l'ouvrage d'Hervé Hasquin, Historiographie et politique, Essai sur l'Histoire de Belgique et la Wallonie, que nous avons édité en 1982 :

[...] L'Etat unitaire a, pendant des décennies, fait dispenser une histoire "orientée" en projetant dans le passé une situation qui ne remontait qu'à 1830. Au nom d'une certaine idée du patrio- tisme qui s'identifiait à l'unitarisme, on a banni tout ce qui permettait de douter de l'inéluctabilité du phénomène "Belgique" et, par contrecoup, on s'est efforcé de nier les spécificités régionales. Or, comme le disait si poétiquement un slogan de l'Association des Amis de l'Université de Liège, "Sans racines, l'arbre meurt. Nos racines, c'est l'histoire." Au moment où il est plus que jamais question de régionalisation et de communautarisation, il serait aberrant que le nouveau pouvoir substitue l'"absence de l'histoire" à une "histoire orientée", ce qui aboutira au même résultat : priver les citoyens de nos régions de leurs racines culturelles (7).

Le livre de la décennie ?

Le premier contact avec l'ouvrage dirigé par Anne Morelli se fit par l'intermédiaire d'un support promotionnel intitulé Inforlivres, dans lequel on annonçait la sortie du livre de la décennie qui allait nous entraîner dans les coulisses d'une histoire fabriquée de toutes pièces : idée étonnante qui nous pousse à nous interroger sur l'existence d'une histoire "révélée" ou d'une histoire existant "à l'état naturel". Deux photos, parmi d'autres, illustraient ce propos, la première était celle d'un homme âgé portant un drapeau tricolore. La légende disait : L'ancien combattant est un indécrottable nationaliste. Il est le symbole un peu flétri de l'unité nationale. La seconde photo, représentant le coq wallon, était accompagnée de ce commentaire : Le coq, qui est aussi l'emblème de la France... et des petits hommes secs, sûrs d'eux-mêmes et arrogants (8).

Faut-il dire que la première image nous a heurté au sortir de l'hommage que nous venions de rendre aux Combattants de 40 et aux prisonniers de guerre qui avaient passé cinq ans en Allemagne ! Plus de cinq cents survivants venaient de se rassembler à Liège, à l'initiative du Gouvernement wallon, donnant une image de dignité fort éloignée de tout nationalisme indécrottable - qu'il soit belge ou wallon -. Quant à la seconde image, elle laissait deviner, de la part de ceux qui avaient pris l'initiative d'éditer ce livre, un préjugé simpliste et malveillant à l'égard de la Wallonie et des Wallons. En publiant cet ouvrage, les éditions Vie ouvrière semblent d'ailleurs voguer bien loin de la sagesse d'André Samain et de la publication des livres de Willy Bal, Michel Quévit, Yves de Wasseige, Robert Moreau ou Bastin-Yerna !

Le second contact avec l'ouvrage - et avant même qu'il ne soit disponible en librairie - nous vint par l'intermédiaire de l'émission radiophonique de Jacques Bauduin, Arguments, du 11 juin 1995, au cours de laquelle Anne Morelli présenta l'ouvrage qu'elle avait dirigé : une histoire en forme de "scoop", "douloureuse", qui dénonçait, parmi d'autres choses, "les apparatchiks" de l'histoire régionale, le nationalisme wallon et Jules Destrée dont on nous aurait caché sciemment les côtés obscurs : il aurait été belge (?!), raciste et antisémite, notamment.

Le troisième contact fut le livre lui-même, qui m'est apparu rapidement comme un ouvrage dont on parlera effectivement longtemps - et particulièrement dans les cours de critique historique - comme étant un modèle, à bien des égards, de ce qu'il ne faut pas faire. D'abord, et de manière générale, je fus surpris par l'absence de cadre conceptuel et d'objectifs méthodologiques de travail. Ensuite, plus spécialement, par la manière de traiter la matière historique, ainsi que je l'ai constaté dans certaines contributions à l'ouvrage - il en est de très bonnes, malheureusement otages de l'ensemble -.

Ainsi, on ne peut qu'être frappé si l'on compare la démarche de l'historienne Laurence van Ypersele et celle d'Anne Morelli pour aborder le concept et la problématique des mythes. Anne Morelli conçoit le mythe dans le sens de légendes (9). Elle évacue la problématique de l'identité et de la nation par une référence à l'historien Eric Hobsbawm, puis noie son absence de définition dans des amalgames entre nationalisme belge, pseudo "sous-nationalisme" régional et "sur-nationalisme" européen, les uns comme les autres étant, d'après l'auteur, à la solde des pouvoirs politiques.

Dans Le Roi Albert, Histoire d'un mythe, Laurence van Ypersele montre bien que les mythes constituent des représentations liées aux identités collectives et que l'histoire de ces représentations, réappropriation d'un écart sans cesse renouvelé entre la vie factuelle et la vie imaginaire, est difficile à interpréter parce que celles-ci sont dynamiques (10).

En contraste avec l'ère des grandes certitudes dans laquelle se meut Anne Morelli, Laurence van Ypersele exprime une inquiétude méthodologique : Il s'agit - écrit-elle - d'accepter que la vérité de notre démarche est relative, qu'elle implique l'historien lui-même et qu'elle est à sa dimension, simplement humaine. L'humilité est un chemin difficile. [...] Et d'ajouter que la validité scientifique, la vérité historique et ses limites dépendent essentiellement de la problématique, du choix des sources, et des méthodes utilisées (11). Comblant ainsi le déficit méthodologique d'Anne Morelli dans l'introduction de son ouvrage, des pages entières du texte de Laurence van Ypersele seraient à citer tant elles montrent ce que doit être la juste démarche de l'historien : faire appel aux disciplines sur lesquelles le chercheur doit s'appuyer, ainsi qu'aux travaux théoriques déjà réalisés sur le sujet étudié. Les pages 399 et 400 de la bibliographie sont - avec la qualité du travail - les signes les plus visibles d'une tentative de maîtriser le difficile sujet qu'elle a traité.

Dans l'introduction de son ouvrage, Anne Morelli indique déjà, quant à elle, quels peuvent être les procédés du chercheur lorsqu'il est animé par d'autres volontés que celle d'écrire le vrai.

Pour s'en convaincre, il suffit d'évoquer le sort qu'Anne Morelli fait aux auteurs de l'Identité wallonne, en m'associant à Albert Henry, Professeur émérite de l'ULB - lien flatteur à mon égard, tant j'éprouve du respect pour ce grand intellectuel -, oubliant que je porte cependant, seul, l'unique responsabilité de cet ouvrage. Fustigeant ceux qui feraient de l'Europe le berceau exclusif de la démocratie, des droits de l'homme, du dialogue et du développement, elle écrit : Les auteurs de "L'Identité wallonne" auraient sans doute ajouté que cela est bien vrai mais qu'en outre seul le paysage de la Wallonie "n'abêtit ni n'exalte, n'abat ni ne galvanise, n'endort ni n'emporte, ce paysage aère l'âme" (12). Et la débusqueuse de mythes précise en note qu'il s'agit de l'extrait d'un "poème" d'Albert Henry.

L'attentat intellectuel se trouve contenu dans le mot "seul", qui est de la plume d'Anne Morelli. En effet, en ajoutant ce mot qui n'existe pas dans le texte, elle donne un côté exclusif à l'affirmation et en fait donc un argument pour soutenir sa thèse d'une identité wallonne différentialiste et nationaliste. C'est simple et cela peut paraître efficace. Notre manipulatrice ne relève pas, par contre, que le paysage illustrant ce texte en couverture de l'ouvrage est un paysage rural et que cette image va à l'encontre du nouveau mythe identitaire wallon industriel qu'elle a évoqué à la page précédente de son texte, grâce à une photo... anonyme. De même, il aurait peut-être été utile pour l'historienne de se rendre compte, en le consultant, que ce texte Offrande wallonne n'est pas un quelconque "poème" mais bien un livre de 143 pages, écrit par l'un de ces soixante-cinq mille Wallons - mythiques eux aussi ? - qui furent enfermés, pour la plupart, pendant cinq ans de guerre dans des camps allemands, simplement parce qu'ils étaient... wallons. Si Anne Morelli avait seulement ouvert ce livre magnifique dont Hervé Hasquin cite lui aussi un extrait dans Historiographie et Politique... (13), elle y aurait lu, en avant-propos, cette phrase de Montesquieu : Tout citoyen est obligé de mourir pour sa patrie, personne n'est obligé de mentir pour elle (14).

Communauté ou Région ?

C'est probablement cette même méconnaissance du sujet qui fait que, à une exception près, la contribution de la directrice de la publication est probablement la plus faible de tout le volume. Comment, en effet, évoquer la construction des symboles "patriotiques" de la Belgique, de ses régions et de ses communautés, en se montrant incapable de distinguer correctement, sur un tel sujet, la Communauté française de la Région wallonne ? En fait, Anne Morelli aurait dû emprunter à son collègue Jo Tollebeek l'article bien documenté que Philippe Carlier a consacré à La Wallonie à la recherche d'une fête nationale dans la Revue belge de Philologie et d'Histoire (15).

Quant au choix du coq comme emblème, à la place des salmigondis de Anne Morelli, j'y vois plutôt - comme Jacques Hoyaux en 1975 - un emblème de paix, créé dans un légitime mouvement de solidarité contre des lois de contraintes (16).

Jules Destrée, peu sympathique ?

Un des chevaux de bataille d'Anne Morelli dans son livre - tout autant que dans ses nombreuses déclarations - est assurément la vision qu'elle cultive de Jules Destrée. Ainsi, renvoie-t-elle le lecteur au chapitre comparant Jules Destrée dans la mythologie régionaliste wallonne avec des aspects occultés de sa personnalité sans doute moins sympathiques aux socialistes qui prônent son culte (17). Il y aurait beaucoup à dire sur la mythologie régionaliste wallonne et sur le culte que les socialistes seraient sensés vouer à Destrée ! Néanmoins, nous retiendrons surtout l'accusation d'occultation par l'Institut et les aspects moins sympathiques de Jules Destrée.

De quoi s'agit-il ? De l'exception que j'évoquais ci-dessus, c'est-à-dire de l'article de Jean-Philippe Schreiber : Jules Destrée, entre Séparatisme et Nationalisme (18). Il serait trop long de relever toutes les fautes méthodologiques et toutes les affirmations erronées contenues dans ce texte. Que retient-on de cet article ?

  • Que les renardistes wallons et l'Institut Jules Destrée auraient créé le mythe de Jules Destrée, le régionaliste, alors que le député de Charleroi aurait été un nationaliste belge;

  • Que Jules Destrée aurait fondé son nationalisme wallon sur un racisme et un antisémitisme chroniques;

  • Que nous aurions occulté ces traits et même que, en 1981, Maurice Bologne aurait tronqué la Lettre au Roi pour cacher l'attachement de Destrée à la Belgique !

Notons d'emblée la contradiction qu'entretiennent Jean-Philippe Schreiber et Anne Morelli en associant le pseudo-racisme de Destrée à son caractère de régionaliste wallon mais pas à la qualité de nationaliste belge qui, selon eux, a succédé au régionalisme du député de Charleroi.

Ces trois thèses sont fausses et sans fondement.

1. Jules Destrée "patriote belge" ?

Un simple coup d'oeil sur la notice que j'ai rédigée en 1988 pour le Dictionnaire d'Histoire de Belgique, publié sous la direction scientifique de Hervé Hasquin suffit à montrer que nous avons tenu à présenter la personnalité de Jules Destrée dans toute sa complexité et dans toute sa dynamique (19). Ainsi, on ne peut nier, ni avant, ni après la guerre, son attachement à la Belgique, qui est le fait de la grande majorité des personnalités du mouvement wallon à l'époque. Mais, de la même façon, on ne peut passer sous silence la référence constante que constituera pour lui sa Lettre au Roi, son accord de la rééditer peu avant sa mort, son départ de l'Assemblée wallonne et son adhésion à l'Action wallonne - fait considérable ! -, de même que le fait de prendre la parole au pèlerinage de Waterloo en 1934. Tout ceci a fait l'objet d'un dossier commandité par l'Inspecteur d'Histoire Michel Révelard et publié par la Communauté française en 1988 (20). De son côté, l'historien bruxellois Jean-Christophe Pirnay a relevé, au cours de son analyse de l'ouvrage d'Anne Morelli, que je n'avais pas écrit autre chose dans L'Identité wallonne (21). On trouvera d'ailleurs le même discours dans l'interview donnée au journal Le Peuple, à l'occasion du cent trentième anniversaire de la naissance de Jules Destrée (22).

Historien peu suspect de wallingantisme, Luc Mullier conclut le mémoire de licence qu'il a consacré à La Lettre au Roi, sous la direction du Chanoine Aubert, de la manière suivante: Destrée après la guerre n'est plus aussi mordant qu'il ne l'est dans sa lettre, il veut sauver la Belgique par le régionalisme, le compromis des Belges de 1929 va dans ce sens. Mais cela ne signifie nullement que sa foi en une Wallonie plus ou moins autonome se soit amoindrie; au contraire, on pourrait dire qu'en devenant plus "raisonnable", sa foi wallonne croît en qualité (23).

2. Jules Destrée, l'antisémite ?

Pour admettre qu'Anne Morelli et Jean-Philippe Schreiber révèlent des vérités dissimulées ou, à tout le moins, fassent preuve d'innovation, il faudrait faire abstraction des auteurs qui, depuis vingt ans, ont évoqué ce problème : Jean-Claude Henrotin (1977), Marcel Liebman (1979), Michel Dumoulin (1980), Isabelle Karolinski (1982), Pol Vandromme (1984), René Henoumont (1984), André Méan (1984), Philippe Destatte (1986) (24). Il ne s'agit assurément pas uniquement de diffusion dans des cénacles, même si la qualité de ces travaux est de valeur inégale.

Roger Chartier rappelait récemment que les historiens eux-mêmes ne font pas toujours ce qu'ils croient faire et que les ruptures hautement proclamées masquent souvent des continuités méconnues (25).

La source de cette question d'antisémitisme nous ramène un siècle en arrière. Le 1er décembre 1897, Emile Zola peut écrire dans Le Figaro que Pas un homme de nos Assemblées n'a eu un cri d'honnête homme, ni un modéré, ni un radical, ni un socialiste. Aucun de ceux qui ont la garde des libertés publiques ne s'est encore levé contre, pour parler selon sa conscience (26). A ce même moment, l'ex-Capitaine Alfred Dreyfus est pourtant au bagne de l'île du Diable, au large de Cayenne, depuis près de trois ans. On a oublié aujourd'hui le temps où Jean Jaurès et Georges Clémenceau regrettaient qu'on n'ait pas fusillé Dreyfus, on a oublié qu'il fallut les convaincre un à un, les chapitrer à part (27). L'historienne Madeleine Rebérioux soulignait en 1985 que, au plan du socialisme international, on ne disposait d'aucun relevé sérieux des prises de position et des analyses pendant l'Affaire, ce qui, écrivait-elle, facilite évidemment les indignations et les enthousiasmes (28).

Jean Jaurès, lui-même, n'évolua progressivement que dans les dernières semaines de 1897 (29). C'est le 13 janvier qu'Emile Zola écrit son J'accuse dans L'Aurore de Georges Clémenceau. Le 18 janvier, trente-deux députés socialistes français - dont Jaurès - publient un manifeste dans lequel ils se désintéressent du sort de Dreyfus, qu'ils considèrent essentiellement comme bourgeois. Le 22 janvier, Jaurès écrit encore, dans La Petite République, que derrière Zola, derrière son initiative hardie et noble, toute la bande suspecte des écumeurs juifs marche, sournoise et avide, attendant de lui je ne sais quelle réhabilitation indirecte, propice à de nouveaux méfaits (30). C'est l'abstention aussi que Jules Destrée prône dans Le Peuple du 29 janvier 1898, en refusant de suivre Zola. Et il l'explique notamment par l'amalgame qu'il fait entre l'antisémitisme et l'anticapitalisme, dans ce texte dont j'ai publié un extrait en 1986, voici presque dix ans (31) ! Cette prise de position est une faute politique de Jules Destrée, car il reste attaché à la tradition d'antisémitisme social de tout le mouvement ouvrier - y compris de la démocratie chrétienne (32) - depuis Pierre-Joseph Proudhon, Charles Fourier, Karl Marx, Gustave Defnet, Louis Bertrand, Jean Volders et tant d'autres, au moment où certains ont mesuré que cette doctrine était dépassée et ont entamé - souvent timidement - un changement de cap. Ce faisant, Jules Destrée, à la suite d'Edmond Picard et de Léon Hennebicq, prend le risque d'être assimilé à la grande partie de la droite catholique qui, depuis longtemps, se déchaîne contre les Juifs, particulièrement La Gazette de Liège, le Journal de Bruxelles et, à Namur, L'Ami de l'Ordre (33).

Guère brillant, ai-je écrit en 1986. Il est anormal, à toutes les époques, d'être antisémite, ai-je répondu en juin 1995 lorsque, au cours de son émission Samedi Première, Jean Rosoux me demandait si la réaction de Jules Destrée était normale ou si l'on avait affaire à une vision anachronique de l'histoire (34). Toutefois, il faut être prudent dans les conclusions que l'on tire : Michel Winock souligne que l'Affaire Dreyfus ne met pas aux prises des citoyens honnêtes et des racistes, mais, comme le dit Maurice Paléologue, deux sentiments sacrés, l'amour de la Justice et la religion de la Patrie. De même, les engagements des dreyfusards - comme des antidreyfusards - ont des origines diverses, mimétisme, arrivisme, intimidation, reconnaissance envers un maître, hostilité envers un rival, relève Michel Winock (35). Des précautions de prudence que Jean-Philippe Schreiber a ignorées !

Ignoré aussi, dans le livre d'Anne Morelli, ce passage de L'Avenir social de mars 1899, hebdo- madaire du Parti ouvrier belge, article dont Jean-Philippe Schreiber cite pourtant quelques lignes en oubliant de relever que, dans le paragraphe qui précède l'extrait qu'il épingle, Jules Destrée a dénoncé sa propre attitude à l'égard de l'Affaire Dreyfus. J'avais cité ce passage en 1986 :

[...] qu'on érige en principe la nécessité de l'opposition des intérêts de classe, qu'on proclame anathème tout ce qui vient de la bourgeoisie, qu'on déclare ne vouloir rien de commun avec elle, la théorie, ainsi poussée à l'extrême, devient funeste et rétrograde. On en a vu l'aboutissement étrange dans la décision d'ailleurs éphémère des marxistes de se désintéresser de l'Affaire Dreyfus, sous prétexte que les prolétaires français n'avaient pas à se préoccuper de ce débat entre bourgeois (36).

En parallèle avec celui des socialistes français, Jules Destrée a fait preuve d'antisémitisme pendant quelques mois, de janvier 1898 jusqu'en mars 1899, date à laquelle il notifie lui-même l'évolution de sa pensée.

En outre, il aurait été utile également que Jean-Philippe Schreiber cite la fin de l'article de L'Avenir social:

[...] Quant à nous, qui n'avons point de révélation divine à propager, mais seulement des révélations humaines, sans cesse révisables et perfectibles, gardons-nous sérieusement de ce travers. Ne créons point de dogmes et d'articles de foi. Admettons la discussion des maîtres les plus vénérés et des principes les moins contestés. Contrôlons-les sans cesse par l'observation des faits. N'oublions jamais qu'ils sont soumis, comme nous, à la loi de l'évolution, que tout arrêt est un recul ! Restons ouverts à toutes nouveautés, attentifs à toutes les rumeurs annonciatrices des temps à venir. Qu'il n'y ait point un socialisme fermé, sectaire, orthodoxe. Soyons tolérants pour ceux d'entre nous qui errent, puisque nous pouvons errer nous-mêmes. [...] (37)"

Ainsi, Jules Destrée a-t-il pu errer en 1898, de même que Jean-Philippe Schreiber continue à errer en 1995. Le premier a le mérite de l'avoir reconnu dès l'année suivante...

Qu'en est-il de la suite ?

Ses conférences en Italie allaient permettre à Jules Destrée d'aborder une nouvelle fois l'Affaire Dreyfus. Un de ces textes sera publié en conclusion de l'ouvrage Les Socialistes et la Guerre européenne, 1914-1915, édité en 1916 (38) et reproduit en 1929 dans un chapitre intitulé Socialisme et Internationalisme, de son livre Introduction à la vie socialiste.

[...] Si le socialisme se réduisait à la question du salaire, ce serait une assez misérable doctrine, et l'on ne comprendrait plus le prestige qu'elle exerce sur les masses et l'élite. En France, lors de l'affaire Dreyfus, on a entendu des controverses analogues. Certains théoriciens farouches proclamaient que c'était une affaire de bourgeois, devant laisser indifférents les travailleurs. Ils n'ont pas été suivis. Les travailleurs ont répondu qu'il ne pouvait leur être indifférent que fussent violées la Justice et la Vérité. A l'heure actuelle, il ne peut de même leur être indifférent de voir violer le Droit et la Liberté (39).

On peut certes regretter que Jules Destrée ne rappelle pas qu'il fut, un temps, parmi ces théoriciens farouches. L'époque n'était pas encore propice aux confessions d'hommes politiques. Plus sérieusement, cette prise de position est importante car elle montre que, contrairement à de nombreux dreyfusards, Destrée ne va pas suivre ceux qui, au sein du mouvement socialiste, vont voir dans l'Affaire Dreyfus une immense mystification et regretter d'avoir apporté leur secours à la République en péril. Ceux-là et d'autres vont dériver vers un socialisme national et révolutionnaire (40). Jules Destrée non. La dérive, dans le POB, sera l'oeuvre d'Hendrik De Man de même que, dans sa lignée et celle de Léopold III, de Paul-Henri Spaak. On devrait le savoir dans l'Université du Professeur Jean Stengers (41)...

On ne peut pas clore ici le dossier visant à établir une liaison entre Jules Destrée et l'antisémitisme sans évoquer une réponse précise à une question que posait René Henoumont en 1984 dans Pourquoi Pas ?, après avoir rendu compte du livre de Pol Vandromme évoqué plus haut : L'antisémitisme de Destrée est de son époque. Il y a quasi un siècle. La seule vraie question est de savoir si Destrée aurait approuvé la déportation des petits-fils de Dreyfus à Auschwitz. Il y a des mots qui changent de sens au prix de millions de morts (42).

La question est cruelle mais elle est pertinente. L'historienne de l'Université de Liège Isabelle Karolinski nous livre une réponse en mettant en évidence le patronage que Jules Destrée apporte à un ouvrage - publié à Paris en 1934 - qui dénonce les persécutions des Israélites allemands par les hitlériens et met en évidence les dangers de la logique nazie de Mein Kampf. L'éditeur de La question juive, vue par 26 éminentes personnalités y publie d'ailleurs la lettre de Jules Destrée du 19 janvier 1934, que Isabelle Karolinski reproduit elle aussi dans son travail (43) :

J'ai bien reçu votre lettre du 18 janvier. Je ne puis qu'approuver la publication que vous annoncez. Avec un pareil Comité de patronage, ce volume ne pourra être que fort intéressant. Il vient à son heure, car les mouvements d'opinion que nous avons constatés en Allemagne rendent la question actuelle et de nature à faire réfléchir le monde entier.

Recevez mes salutations distinguées.

Jules DESTREE, député de Charleroi
45, rue des Minimes.


Tout ceci a évidemment échappé à Jean-Philippe Schreiber, comme cela a, du reste, échappé à tous les journalistes d'investigation qui, du journal Le Soir (44) à la revue Regards (45), préfèrent appâter les lecteurs en colportant l'image d'un Jules Destrée antisémite, non en fonction de son socialisme, mais en fonction du fait qu'il était wallon.

Sous le titre L'Etat wallon, entre rêve et réalité, cette dernière revue rapproche d'ailleurs, sur la même page, Jules Destrée "l'antisémite" décrit par Jean-Philippe Schreiber et un José Happart " nationaliste" "révélé" par Bénédicte Vaes et Claude Demelenne. Pour assurer la liaison chronologique, l'auteur de l'article, Manuel Abramowicz, n'hésite pas à écrire que durant l'occupation du pays, une poignée de militants wallingants se regroupent pour défendre bec et ongles une conception nationaliste. Avec le soutien des nazis, ils revendiquent clairement l'existence d'une race wallonne. Ces nationaux- régionalistes sont bien entendu antisémites (46).

De quoi parle-t-on ? J'avoue mon ignorance. C'est José Gotovitch, actuel Directeur du Centre d'Histoire de Recherches et d'Etudes historiques de la Seconde Guerre mondiale, qui écrivait que, par rapport à la Flandre, à aucun moment, par contre, en Wallonie, cette collaboration ne put prendre un contour effectivement wallon, s'appuyer sur une réalité nationaliste (47). J'ajoute que la continuité fondamentale que l'on peut déceler dans le mouvement wallon des années trente est celle qui mène de l'antifascisme et de l'antirexisme d'avant-guerre à la Résistance précoce de Wallonie libre.

Dans ma mémoire d'historien, le Comité de Défense des Juifs et le mouvement wallon étaient, aux heures les plus noires, dans le même camp : celui du Front de l'Indépendance, ce mouvement de Résistance que des Wallons avaient plus que contribué à créer, à Liège, dès 1941, sous le nom de Front wallon pour la Libération du Pays (48).

A quel jeu joue donc Manuel Abramowicz ?

3. L'occultation de Jules Destrée par l'Institut qui porte son nom

L'Institut Jules Destrée n'a rien occulté. D'abord, certainement pas les prises de position antisémites de Destrée. J'ai montré avoir accordé une place importante à ce problème dans l'analyse de la pensée politique de Destrée que j'ai réalisée en 1986. J'ajouterai que, avant même la publication de ce texte en tant qu'article dans la Revue belge d'Histoire contemporaine, l'Institut Jules Destrée a diffusé, sous forme de brochure, le texte de la conférence sur Jules Destrée et l'Italie où j'évoque cet antisémitisme relatif. Cette brochure, éditée à plus de 1.500 exemplaires par la Ville de Charleroi, a été largement diffusée lors des trois expositions qui ont accueilli un large public (à l'Innovation, au Musée des Beaux-Arts et au Musée du Verre) en septembre et en octobre 1986. De même, l'Institut Jules Destrée avait inscrit, parmi ses ouvrages en diffusion, le livre que Michel Dumoulin avait consacré au même sujet.

Ensuite, La Lettre au Roi. Pour Jean-Philippe Schreiber, La lettre au Roi, quelque peu oubliée jusqu'en 1960, ne connut de seconde vie que grâce à André Renard puis à l'Institut Jules Destrée (49). Flatteur pour notre Institut mais bêtise pour l'historien !

On pourrait évoquer les nombreuses références à Jules Destrée et à sa lettre, avant la guerre, pendant la guerre, au Congrès national wallon de 1945 et par la suite également. Je me limiterai à citer Maurice-Pierre Herremans, Secrétaire général de l'Institut belge de Science politique. Celui-ci écrivait en 1950 que la Lettre au Roi est restée d'actualité et il n'est pas un orateur wallon qui puisse traiter du problème wallon sans y faire allusion (50). A noter que, en annexe de cet ouvrage important, le futur Vice-Président du Crisp avait jugé utile de publier le texte de la Lettre au Roi dans sa totalité.

C'est un texte complet aussi, celui de la Revue de Belgique, que nous envoyons depuis de nombreuses années à ceux qui nous demandent la Lettre au Roi. D'abord, parce qu'il n'y a rien à cacher ni à renier dans ce document fondamental, mais bien, au contraire, des analyses pertinentes à replacer dans leur contexte, à comprendre et à expliquer. Ensuite, parce que le texte paraîtra dans les Ecrits politiques wallons de Jules Destrée, dont la publication est en préparation.

Quel procès bizarre que celui fait par Jean-Philippe Schreiber à Maurice Bologne concernant l'édition de 1981 de La Lettre au Roi, depuis longtemps épuisée. Edition allégée pour Maurice Bologne, tronquée pour Jean-Philippe Schreiber. Celui-ci se demande, sans douter de la sincérité de l'auteur, pour quelle raison on ne publia pas le texte original de Jules Destrée dans son entier, ou, autre question, pourquoi on ne reprit pas l'édition contenue dans Wallons et Flamands..., publié en 1923 (51).

Je vais répondre, puisque M. Schreiber n'a pas trouvé tout seul, laissant planer l'idée - et tentant de la démontrer - que Maurice Bologne aurait essayé de cacher l'attachement de Destrée à la Belgique. Dans cette même optique, Bernard Padoan, journaliste au Soir, n'hésite pas, quant à lui, à écrire qu'il est intéressant de noter qu'en 1981, lorsque l'Institut Jules Destrée (le bien-nommé) publia une nouvelle édition de la "Lettre", il en élaguera certains passages où Destrée affirme clairement son patriotisme (52). Pour la compréhension, j'ajouterai "patriotisme belge", le collaborateur du Soir semblant considérer qu'il ne puisse pas en exister d'autre.

D'abord, il faut savoir que la lettre publiée en 1981 n'est, elle-même, qu'une réédition, avec l'ajout de trois photographies, de la brochure publiée en 1963 par Maurice Bologne aux Editions de la Wallonie libre. Dans ce premier texte - déjà incomplet -, Maurice Bologne avertit le lecteur de ce caractère incomplet et précise, d'une part, que c'est à la demande du Conseil général de la Wallonie libre qu'une version allégée a été préparée et que, d'autre part, les phrases non reproduites auraient demandé, pour être comprises de nos jours, des explications de caractère historique ou des notes complémentaires. Et Maurice Bologne d'annoncer une édition critique de la Lettre au Roi, que prépare l'Institut Jules Destrée. Celle-ci n'a, malheureusement, pas encore vu le jour.

Ensuite, on peut se demander pour quelle raison Maurice Bologne aurait tenté de cacher l'attachement de Jules Destrée à la Belgique en supprimant des extraits de sa Lettre, alors que, dans son introduction à cette publication, le Président honoraire de l'Institut Jules Destrée écrit :

L'exposé de J. Destrée n'est pas purement négatif, comme on pourrait le croire à la lecture de ce qui précède. Il propose en effet une solution à ce conflit maintenant séculaire : "une Belgique faite de l'union de deux peuples indépendants et libres".

Il avait écrit avant cela toutefois "que la séparation sera avant tout ce que les circonstances la feront". Tout en souhaitant une solution qui maintienne l'existence de la Belgique à laquelle il était fort attaché, sa clairvoyance lui fera cependant admettre que, si les Wallons étaient opprimés par les Flamands, "ils se tourneraient désespérément vers la France".

Et Maurice Bologne ajoute en citant Destrée :"Si la Belgique disparaît dans cette tourmente", concluait-il, "l'incompréhension des centralisateurs nationalistes en aura été cause tout autant que le fanatisme conquérant des flamingants" (Wallons et Flamands, Paris, 1923, p. 175).

Sans vouloir accabler Anne Morelli ou Jean-Philippe Schreiber, j'ajouterai a contrario de leur thèse que Maurice Bologne a donné, à la lettre publiée en 1981, le sous-titre "La Belgique en danger" (p. 25) et a repris, en caractères gras, la formule déjà évoquée : Une Belgique faite de l'union de deux peuples indépendants et libres, accordés précisément à cause de cette indépendance réciproque, ne serait-elle pas un Etat infiniment plus robuste qu'une Belgique dont la moitié se croirait opprimée par l'autre moitié ? (p. 27).

C'est là que réside, assurément, l'actualité de Jules Destrée.

Quand le sens des mots évolue...

Je ne passerai pas sous silence la question de l'emploi du mot race par Jules Destrée ni celle des commentaires désobligeants qu'il adresse aux Bruxellois. Mais quel est le sens de race au début du XXème siècle ? Tout comme à propos du mot juif, Léon Poliakov a écrit des phrases tout en nuances sur ce thème (53). A propos de l'antisémitisme et de l'antijudaïsme, Emile Poulat rappelle, dans sa préface à un ouvrage récent, qu'il faut toujours être attentif à l'histoire et à l'usage des mots, surtout quand ils sont aussi chargés - de sens, de passions -, à la fois surdéterminés et indéterminés. Tout débat devrait s'ouvrir par la question: quel sens précis donner aux mots dont on convient de se servir? C'est rarement le cas (54). Effectivement, il est anachronique de reporter sur ces termes la charge affective qu'ils ont eue depuis l'époque du nazisme.

Concernant le mot race, Jules Destrée, quant à lui, souligne - à la tribune de la Chambre le 22 mai 1913 - qu'il faut permettre à nos deux peuples d'épanouir totalement leurs qualités diverses et ne pas chercher à confondre, dans une unité illusoire et brutale, les deux nationalités qui composent notre Belgique, car il ne s'agit pas à proprement parler de deux races, mais bien de deux nationalités. En réalité, ajoute-t-il, il n'y a plus, au XXème siècle, une seule race pure en Europe, et il est plus exact de parler de nationalités (55). De même, en 1915, Jules Destrée dénonçait la propension des nationalistes italiens à reprendre la spécieuse théorie des races supérieures (56).

Qu'est-ce qu'un Bruxellois en 1912 lorsque Jules Destrée évoque la cité des métis ? Qu'est-ce qu'un Bruxellois en 1923 lorsque, habitant depuis la fin de la guerre rue des Minimes à Bruxelles, Jules Destrée écrit dans Wallons et Flamands que la Cité des métis devient l'ardent foyer d'une civilisation européenne; c'est un rôle assez beau pour que nous puissions beaucoup lui pardonner (57) ? Qu'est-ce qu'un Bruxellois le 12 février 1930 lorsque, à la Chambre, le Premier Ministre Henri Jaspar, catholique bruxellois mais élu à Liège, lance à Jules Destrée : Mais vous êtes Bruxellois ! Et que celui-ci répond : Allons donc, monsieur Jaspar ! Je suis Bruxellois comme vous êtes Liégeois (58) !

C'est ce même jour - certains l'ont oublié à Bruxelles - que Jules Destrée demandera au gouvernement, en échange de son vote, que l'on reconnaisse le caractère bilingue de la région bruxelloise, que l'on s'engage à ne recourir à aucune contrainte pour atténuer ce caractère bilingue, que l'on fixe la frontière linguistique en rectifiant la limite des arrondissements selon la volonté de la population des communes égarées (59).

Quel jeu a-t-on voulu mener en dressant un portrait aussi barbouillé qu'inexact de celui dont, en 1933, Paul Valéry vantait les qualités d'ouverture et de dialogue aux hommes de toute race, de tout parti, de tous rangs, de tous caractères (60) ? De cet homme à qui venaient rendre visite, dans sa maison bruxelloise, Henry Carton de Wiart, Paul Hymans, Albert Einstein, Paul Claudel, Colette et Ventura Garcia Calderon (61) ?

Nationalistes, les Wallons ?

Pourquoi , en contradiction avec toute la démarche de l'Institut Jules Destrée et des historiens honnêtes, avoir voulu tenter de créer le mythe d'un Jules Destrée intolérant alors que l'essentiel de sa vie fut autre ?

Probablement parce que Jules Destrée, comme Maurice Bologne, comme Albert Henry, ont affirmé la Wallonie.

Probablement parce que notre projet est celui d'une identité wallonne ouverte, respectueuse des femmes et des hommes, d'une identité wallonne participative et citoyenne plutôt que d'appartenance, multiple plutôt qu'exclusive.

Probablement parce que, comme Jules Destrée en 1915, comme Fernand Dehousse en 1937 ou comme José Happart et Robert Collignon aujourd'hui - pour ne citer qu'eux - ceux qui parlent au nom des Wallons refusent tout nationalisme, toute exacerbation du sentiment national. Certes, Anne Morelli balaiera cette affirmation avec la même arrogance sceptique qui lui a permis d'éliminer les contributions au colloque organisé aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, en avril 1994 (62): [...] que prouvent les déclarations de Wallons se défendant d'être nationalistes, sinon qu'ils se disent non nationalistes et qu'ils pensent que dans les circonstances politiques actuelles de la Wallonie, le nationalisme est mal perçu (63) ? Quel sophisme! Quel danger y aurait- il pour les hommes politiques à affirmer un nationalisme wallon puisque la majorité des médias situés à Bruxelles - Le Soir, La Libre Belgique, la RTBF et RTL - n'ont cessé, de toute manière, de leur attribuer et de dénoncer un pseudo-nationalisme wallon (64)? De plus, comment peut-on aborder une problématique relative à l'histoire des idées en récusant, en bloc, la continuité des positions d'un mouvement depuis un siècle? La vérité a ses droits, la science ses devoirs, n'en déplaise aux desseins qui, parfois, asservissent l'esprit.

C'est Jean-Pol Demacq, Président de l'Institut Jules Destrée, qui insistait, en juin dernier, sur le fait que nous avions voulu inscrire notre action dans la démarche du mouvement wallon, si bien exprimée par le Manifeste pour la Culture wallonne de 1983 :

Sont de Wallonie sans réserve tous ceux qui vivent, travaillent dans l'espace wallon. Sont de Wallonie toutes les pensées et toutes les croyances respectueuses de l'homme, sans exclusive (65).

Et, nous nous sommes tous réjouis lorsque, en nouvel écho des déclarations des intellectuels wallons, le président du Parlement wallon, Guy Spitaels, a rappelé que les Wallons sont tout simplement les habitants de la Wallonie, que l'identification des Wallons à la Wallonie ne saurait être exclusive, que cette multiplicité des appartenances permet aux immigrants de partager notre projet sans cesser d'être eux-mêmes (66).

Ainsi qu'il m'a été donné de le dire au Parlement wallon, à la reconnaissance de la citoyenneté - et donc de l'existence politique et culturelle des populations immigrées -, devra correspondre, à court ou à moyen terme, l'attribution du droit de vote pour tous les habitants de la Wallonie afin d'élire les membres de ce Parlement (67).

Nationalistes, les Wallons ?

Les Historiens : des opportunistes et des farceurs ?

En conclusion de son cours de critique historique à l'Université libre de Bruxelles, le Professeur Jean- Jacques Hoebanx essayait de tirer une leçon de l'histoire. En réalité, il en exprimait deux. D'abord, une leçon de relativité, puisque le fait d'étudier un phénomène quel qu'il soit le transforme par l'intervention de l'observateur. Ensuite, une leçon de compréhension, de tolérance et de sympathie vis-à-vis des hommes du passé, des milliards d'hommes qui sont venus avant nous et qui ont fait certaines expériences dont ils nous ont laissé le souvenir et qu'il importe de refaire ou au contraire de proscrire (68).

Après l'historien, l'ancien professeur d'histoire que je suis s'interroge également sur l'effet que le livre et le discours actuel d'Anne Morelli auront sur l'opinion publique et, au delà, sur les responsables de nos enseignements. En faisant passer les historiens pour des opportunistes ou des farceurs, Anne Morelli prend gravement le risque que, dans un climat politique qui est à la recherche d'économies, on ne réduise encore le nombre d'heures du cours d'histoire. Ce serait assurément la meilleure façon de supprimer les mythes dénoncés, ressuscités ou créés de toutes pièces.

Jules Destrée, lui, en tout cas, ne sera pas atteint, tant il reste largement absent - tout comme le mouvement wallon et la Wallonie en général - de l'enseignement qui est aujourd'hui dispensé dans les écoles de la Communauté française.

Après la communautarisation de l'enseignement, nous avions pourtant rêvé, en 1990 et 1991, d'un beau cours d'histoire, processus d'identification et de dialogue dans le sens que lui donnait M. Torrès-Bodet, premier directeur de l'Unesco, qui disait que c'est dans le milieu proche et concret que peut se former le mieux le sens civique et humain qui doit s'étendre aux dimensions du monde. Nous avions souligné que cette démarche devait se faire sans conception déterministe de l'histoire et dans le respect de la relation avec l'universel. Nous voulions un enseignement de l'histoire formation d'une personnalité rigoureuse, favorisant l'esprit civique et l'esprit de solidarité, une démarche intellectuelle active, des références historiques donnant à nos élèves la mesure d'une dimension, celle de l'évolution du monde tout entier, une ouverture sur cet univers politique, économique, culturel, social, un enseignement corollaire de la pratique de la démocratie.

Nous espérions que se mette en place une formation critique, aux approches méthodologiques multiples et pertinentes, un choix de contenus riches et adéquats. Nous voulions oser cette tentative d'appréhender le présent et de comprendre le monde d'aujourd'hui en privilégiant l'histoire contemporaine, en accentuant la formation des enseignants, en appréhendant les nouvelles identités, en articulant judicieusement perspective planétaire, patrimoine de l'humanité, approches locales et régionales, en nous inspirant de la démarche prônée par le Professeur Léon-E. Halkin (69).

Nous n'avons rien obtenu de tout cela et, tandis que l'enseignement dans la Communauté française n'en finit pas d'agoniser, on ressert à l'opinion publique, aux élèves et aux enseignants désabusés des mythes éculés sur les Wallons et leur histoire !

Rendre les femmes et les hommes libres et citoyens

Faudra-t-il attendre la régionalisation de l'enseignement pour disposer de la sérénité intellectuelle et institutionnelle qui rendra, aux habitants de la Wallonie, leur confiance en eux-mêmes, leur volonté d'agir et de se porter, sans complexes, à la rencontre du monde ?

Cette régionalisation ne pourrait, du reste, s'opérer que dans deux perspectives, corollaires des préoccupations que nous avons rappelées. D'une part, il faudrait favoriser une éducation du citoyen à sa propre prise en charge volontariste. Comme le Président de l'Assemblée nationale française, Philippe Séguin, voit sa France, je vois la Wallonie universelle, témoignant vis-à-vis de tous les citoyens et de toutes les nations, de ce que chacune et chacun, pour peu qu'il en ait la volonté, peut peser sur son destin et participer à l'écriture de sa propre histoire (70).

D'autre part, il faudrait que cette éducation pousse le citoyen vers sa propre autonomie. Avec Régis Debray, je suis persuadé que l'école est le centre de tout projet démocratique. C'est là que la formation doit rendre le citoyen apte à juger par sa propre raison. Cette éducation n'apprendrait pas à croire la chose enseignée, mais elle apprendrait à penser. En effet, pour l'ancien Chargé de mission du Président de la République, l'école ne doit pas être - dans son principe - une école de reproduction ou de reconduction sociale, mais - toujours dans son principe - une école d'émancipation (71).

Rendre les femmes et les hommes libres et citoyens, plutôt que les nourrir de facéties, n'est-ce pas - outre la meilleure des démythifications - la meilleure chance de progrès ?

Notes

(1) Jules DESTREE, Les Arts anciens du Hainaut, Résumé et Conclusions, p. 21, Bruxelles, Veuve Monnom, Novembre 1911.
(2) Allocution de Jean TORDEUR, Secrétaire perpétuel de l'Académie royale de Langue et de Littérature française lors de la Séance d'hommage à Joseph Hanse à l'occasion de la publication de la troisième édition du Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne, 21 septembre 1994, p. 4.
(3) Jean PIROTTE, Une Image aux contours incertains : l'identité wallonne du XIXème au XXème siècle, dans L'Imaginaire wallon, Jalons pour une identité qui se construit, p. 26, Louvain-la-Neuve, Fondation wallonne Humblet, 1994.
(4) Philippe DESTATTE, Questionnement de l'histoire et imaginaire politique, l'indispensable prospection, dans La Wallonie au Futur, Vers un nouveau paradigme, p. 308-310, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1989. Cette communication, présentée au premier congrès La Wallonie au Futur a aussi été publiée dans Les Cahiers marxistes, février-mars 1988, n 157-158, p. 49-53.
(5) Léon-E. HALKIN, La Wallonie devant l'histoire, dans La Cité chrétienne, n 298, Gembloux, 20 mai 1939, p. 420-424. Ce texte a été reproduit avec un avis actualisé de son auteur en introduction de la sixième édition de Félix ROUSSEAU, La Wallonie, Terre romane, suivi de L'Art mosan, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1993. Léon-E. HALKIN, Initiation à la critique historique, dans Cahiers des Annales, 6, Paris, Armand Colin, 4ème édition, 1973. Ouvrage couronné par l'Institut de France.
(6) Philippe DESTATTE, Félix Rousseau et Léon-E. Halkin, Ecrire la Wallonie avec quelques mots simples, comme celui de liberté, présentation de la sixième édition de Félix ROUSSEAU, La Wallonie, Terre romane, p. 7-40, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1993.
(7) Hervé HASQUIN, Historiographie et Politique, Essai sur l'histoire de Belgique et la Wallonie, p. 19 (avant-propos), Charleroi, Institut Jules Destrée, 1982.
(8) Le Livre, Inforlivres, n 0, Mai-Juin 1995, p. 7.
(9) Anne MORELLI dir., Les Grands mythes de l'Histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie, p. 8, Bruxelles, Vie ouvrière, 1995.
(10) Laurence van YPERSELE, Le Roi Albert, Histoire d'un mythe, p. 14, Ottignies, Quorum, 1995.
(11) Ibidem, p. 15-16.
(12) Anne MORELLI dir., op. cit., p. 14.
(13) Hervé HASQUIN, op. cit., p. 124.
(14) Albert HENRY, Offrande wallonne, p. 9, Liège, Georges Thone, 2ème éd., 1961.
(15) Philippe CARLIER, La Wallonie à la recherche d'une fête nationale, Un épisode du mouvement wallon à l'aube du XXème siècle, dans Revue belge de Philologie et d'Histoire, n 68, p. 902-921, 1990.
(16) CONSEIL CULTUREL DE LA COMMUNAUTE CULTURELLE FRANCAISE, Session 1974-1975, Séance du mardi 24 juin 1975 (CRI n 11), p. 8sv. - Philippe DESTATTE, Le Choix du coq par la Wallonie : "un emblème de paix créé dans un légitime mouvement de solidarité", dans Le Coq, Personnage et symbole, p. 11, Charleroi, Musée des Beaux-Arts, 1993.
(17) A. MORELLI, op. cit., p. 17.
(18) Ibidem, p. 243-254.
(19) Hervé HASQUIN, dir., Dictionnaire d'histoire de Belgique, Vingt siècles d'institutions, Les Hommes, les faits, Bruxelles, Didier Hatier, 1988, p. 157-158.
(20) Ph. DESTATTE, Séparation, décentralisation, fédéralisme, La pensée régionaliste de Jules Destrée (1895-1936), Cahier Francité n° 5, Ministère de la Communauté française, 1988.
(21) Jean-Christophe PIRNAY, Les Grands mythes de l'histoire de Belgique, dans République, Octobre-Novembre 1995, p. 8.
(22) Philippe Destatte: "La Lettre au Roi? Un SOS au profit de la Wallonie", Recueilli par D. SCAGLIOLA, dans Le Peuple, 22 août 1993, p. 3.
(23) Luc MULLIER, Lettre au Roi de Jules Destrée, Août 1912, Etude du contenu et des réactions de l'opinion, p. 82, Université catholique de Louvain, Mémoire pour l'obtention du grade de Licencié en histoire contemporaine, Année académique 1976-1977.
(24) Jean-Claude HENROTIN, La Pensée politique de Jules Destrée, Mémoire en Sciences politiques sous la dir. du Professeur M. LIEBMAN, p. 43-44, Université libre de Bruxelles, Année académique 1976-1977. - Marcel LIEBMAN, Les Socialistes belges, 1885-1914, La Révolte et l'organisation, coll. Histoire du Mouvement ouvrier en Belgique, p. 214-215, Bruxelles, Vie ouvrière, 1979. - Jules DESTREE, Souvenirs des temps de guerre, édition annotée par Michel DUMOULIN, p. 212, Louvain, Nauwelaerts, 1980. - Isabelle KAROLINSKI, L'Antisémitisme en Belgique francophone, de "La France juive" d'Edouard Drumont au procès de Rennes, 1886-1899, Université de Liège, Faculté de Philosophie et Lettres (Histoire), Année académique, 1981-1982. - Pol VANDROMME, Destrée, La Lettre au Roi, p. 81-83, Bruxelles, Legrain, 1984. - René HENOUMONT, Pol Vandromme, Destrée : la lettre au Roi, dans Pourquoi Pas ?, 12 décembre 1984, p. 170 et 175. - A.M. (André MEAN), Destrée : la lettre au Roi, Un livre de Pol Vandromme qui risque de faire du bruit dans les milieux socialistes et les cercles wallons, dans La Libre Belgique, 20 novembre 1984, p. 3. - Philippe DESTATTE, Jules Destrée et l'Italie, A la rencontre du national-socialisme, Conférence donnée le 25 février 1986 à l'initiative de l'Association "Dante Alighieri" de Charleroi, sous les auspices de l'Institut italien de Culture de Bruxelles, dans Revue belge d'Histoire contemporaine, XIX, 1988, 3-4, p. 543-585
(25) Roger CHARTIER, "Faire de l'histoire" vingt ans après, dans Le Monde, vendredi 24 février 1995, p. IX.
(26) Pierre MIQUEL, L'Affaire Dreyfus, p. 45, Paris, PUF, 1979.
(27) Charles ANDLER, La Vie de Lucien Herr (1864-1926), p. 148-149, Paris, Maspero, 1977.
(28) Madeleine REBERIOUX, La Place de Georges Sorel dans le socialisme au tournant du siècle, dans Georges Sorel et son temps, sous la dir. de Jacques JULLIARD et Shlomo SAND, p. 44, Paris, Seuil, 1985.
(29) Madeleine REBERIOUX, Classe ouvrière et intellectuels dans L'Affaire Dreyfus : Jaurès, dans Les Ecrivains et l'Affaire Dreyfus, p. 189, Paris, PUF, 1983.
(30) Jean JAURES, La Petite République, 22 juin 1898, cité dans Un drame en cinq actes, dans L'Histoire, L'Affaire Dreyfus, Vérités et Mensonges, n° 173, janvier 1994, p. 8.
(31) Philippe DESTATTE, Jules Destrée et l'Italie..., p. 557.
(32) J.M. MAYEUR, Les Congrès nationaux de la démocratie chrétienne à Lyon (1896, 1897, 1898) dans J.M. MAYEUR, Catholicisme social et démocratie chrétienne, Principes romains, expériences françaises, p. 188-192, Paris, 1986.
(33) Isabelle KAROLINSKI, op. cit., p. 202-213. Lieven JAERENS, L'Attitude du clergé catholique belge à l'égard du judaïsme (1918-1940), dans Les Juifs de Belgique, De l'immigration au génocide, 1925-1945, p. 11-56, Bruxelles, Centre de Recherches et d'Etudes historiques de la Seconde Guerre mondiale, 1994.
(34) Samedi Première, 17 juin 1995.
(35) Michel WINOCK, Une Question de principe, dans Pierre BIRNBAUM dir., La France de l'Affaire Dreyfus, p. 551-559, Paris, Gallimard, 1994.
(36) Jules DESTREE, Socialismes, dans L'Avenir social, n° 3, mars 1898, reproduit dans Semailles, p. 69, Bruxelles, Lamertin, 1913. - Philippe DESTATTE, Jules Destrée et l'Italie..., p. 557.
(37) Jules DESTREE, Socialismes, dans L'Avenir social, n° 4, avril 1899, reproduit dans Semailles, ..., p. 83.
(38) Jules DESTREE, Les Socialistes et la Guerre européenne, 1914-1915, p. 134, Paris, Van Oest, 1916.
(39) Jules DESTREE, Introduction à la vie socialiste, p. 110-111, Bruxelles, L'Eglantine, 1929.
(40) Zeev STERNHELL, Ni droite, ni gauche, L'idéologie fasciste en France, p. 66sv, Paris, Seuil, 1983. - Philippe DESTATTE, Socialisme national et nationalisme social, Deux dimensions essentielles du national-socialisme, dans Cahiers de Clio, 93-94, p. 22, Liège, Printemps-Eté 1988.
(41) Voir le remarquable ouvrage du Professeur Jean STENGERS, Léopold III et le Gouvernement : les deux politiques belges de 1940, Bruxelles, Paris-Gembloux, Duculot, 1980.
(42) René HENOUMONT, op. cit., p. 175.
(43) La question juive, vue par 26 éminentes personnalités, p. 209, Paris, E.I.F., Librairie Lipschutz, 1934. - I. KAROLINSKI, op. cit., p. 217.
(44) Bernard PADOAN, Jules Destrée, patriote et raciste, dans Le Soir, 12 et 13 août 1995, p. 3.
(45) Manuel ABRAMOWICZ, Wallon, socialo et antisémite, dans Regards, Revue juive de Belgique, n° 363, Bruxelles, 21 septembre - 4 octobre 1995, p. 89.
(46) Manuel ABRAMOWICZ, L'Etat wallon, entre rêve et réalité, dans Regards, op. cit., p. 89-90.
(47) José GOTOVITCH, Wallons et Flamands : le fossé se creuse, dans La Wallonie, le Pays et les Hommes, Histoires - économies - sociétés, sous la dir. de Hervé Hasquin, t. 2, p. 309, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 1980.
(48) Marie-France GIHOUSSE, Mouvements wallons de Résistance, Mai 1940 - septembre 1944, Charleroi, Institut Jules Destrée, 1984, p. 57-66. - José GOTOVITCH, Résistances et question juive, dans Les Juifs de Belgique, De l'immigration au génocide, 1925-1945, op. cit., p. 133-135.
(49) Jean-Philippe SCHREIBER, op. cit., p. 252.
(50) Maurice-Pierre HERREMANS, La Wallonie, p. 208, Bruxelles, 1951.
(51) Jean-Philippe SCHREIBER, op. cit., p. 248-249.
(52) B. PADOAN, Jules Destrée, patriote et raciste,..., op. cit.
(53) Léon POLIAKOV, Histoire de l'antisémitisme, L'Europe suicidaire, coll. Liberté de l'Esprit, Paris, Calmann-Lévy, 1977.
(54) Emile POULAT, Préface, dans G. PASSELECQ et B. SUCHECKY, L'Encyclique cachée de Pie XI, Une occasion manquée pour l'Eglise face à l'antisémitisme, p. 31, Paris, 1995.
(55) Jules DESTREE, La Question des langues et l'armée, Chambre des Représentants, Séance du 22 mai 1913, dans Discours parlementaires, p. 646sv, Bruxelles, Lamertin, 1914.
(56) Jules DESTREE, Figures italiennes d'aujourd'hui, p. 205, Bruxelles et Paris, Van Oest, 1918.
(57) Jules DESTREE, Wallons et Flamands..., p. 133.
(58) Chambre des Représentants, Annales parlementaires, Séance du 12 février 1930, p. 529.
(59) Ibidem, p. 530.
(60) Paul VALERY, Hommage, dans Le Journal des Tribunaux, n° 3351, 10 décembre 1933, p. 1.
(61) Témoignage d'Albert Guislain dans Hommage à Jules Destrée par l'Académie royale de Langue et de Littérature françaises, le 14 décembre 1963, p. 30-31, Bruxelles, Palais des Académies, 1963.
(62) Nationalisme et postnationalisme, Actes du Colloque qui s'est tenu à Namur le 30 avril 1994, Namur, Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix et Institut Jules Destrée, 1995.
(63) Anne MORELLI dir., op. cit., p. 13.
(64) Philippe DESTATTE, Ce Nationalisme wallon, dans Nationalisme et postnationalisme,..., p. 13-21.
(65) Jean-Pol DEMACQ, 1985-1995: Un regard circulaire, Dix ans de présidence de l'Institut Jules Destrée, p. 3, Charleroi, 17 juin 1995.
(66) Allocution de Monsieur Guy Spitaels, Président du Parlement wallon, à l'occasion des fêtes de Wallonie, le 16 septembre 1995 à Namur, p. 5.
(67) Philippe DESTATTE, La Wallonie aujourd'hui, Le pari d'une identité sans complexe et sans fantasme nationaliste, Exposé présenté au Parlement wallon le 9 octobre 1995 dans le cadre de l'accueil de la Conférence internationale sur l'Etat et la nation dans l'Europe contemporaine, CERIS-ULB, Namur, 9 octobre 1995, p. 11.
(68) Jean-Jacques HOEBANX, Notions de critique historique, p. 85, Presses universitaires de Bruxelles, 1980.
(69) Commission d'étude des Programmes d'histoire de l'Enseignement secondaire, Rapport à Monsieur le Ministre de l'Education et de la Recherche scientifique de la Communauté française Yvan Ylieff, Ministère de l'Education, de la Recherche et de la Formation, Direction générale de l'Organisation des Etudes, de l'Enseignement de Promotion sociale et des Bâtiments scolaires de la Communauté française, 26 mars 1991.
(70) Philippe SEGUIN, Ma France n'appartient pas qu'aux Français, dans Le Monde, 18 juillet 1995, p. 1 et 11.
(71) Régis DEBRAY, A propos de l'exception française, dans Les Rencontres de Pétrarque, France-Culture, 8 août 1995.

Philippe DESTATTE, Jules Destrée, l'antisémitisme et la Belgique. Lettre ouverte à tous ceux qui colportent des mythes éculés sur les Wallons et leur histoire,

 Institut Jules Destrée, Charleroi, 1995.

 

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